La CME nouvelle est arrivée

Le pouvoir médical à l’hôpital est redéfini

Publié le 04/05/2010
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Crédit photo : S TOUBON

C’ÉTAIT AU PRINTEMPS dernier l’un des motifs de la grogne spectaculaire des mandarins : la redéfinition du pouvoir médical à l’hôpital dans le cadre d’une loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) qui a par ailleurs sacré le directeur grand « patron » de l’institution. Avec la parution, au « Journal officiel » du 2 mai, d’un décret (en date du 30 avril) réformant les commissions médicales d’établissement, siège de ce « pouvoir » des médecins hospitalier, la messe est dite et vite dite.

Quatre pages suffisent en effet à sceller l’avenir de ces CME ; la profession les accueille au mieux par un « bof » désenchanté, au pire par une réaction catastrophée. Pour les syndicats de PH, il ne fait aucun doute que la représentation médicale à l’hôpital se trouve totalement « marginalisée ». « Nous le dénoncions depuis longtemps et voilà, c’est arrivé », commente le Dr Pierre Faraggi, président de la CPH (Confédération des praticiens des hôpitaux), qui n’est pas certain que, sur le terrain, ses confrères « aient pris la mesure du séisme qui s’annonce ». Même tonalité du côté de François Aubart, qui préside la CMH (Coordination médicale hospitalière) et pour lequel se profile « un vrai problème de représentation et d’expression de la communauté médicale à l’hôpital ». « Nous allons revenir, pronostique-t-il, à ce qu’on a connu il y a longtemps : beaucoup de " chacun pour soi ". » Présidente de l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers), le Dr Rachel Bocher est, elle aussi, très inquiète : « Impliquer moins les médecins, c’est amplifier l’individualisme et, partant, mettre à mal les missions de service public ! » Le Dr Francis Fellinger, qui préside la Conférence des présidents de CME de CH (CNCMECH), est moins sévère, même s’il n’approuve pas beaucoup d’éléments finalement retenus par les pouvoirs publics : « Je pense, dit-il, que la CME va continuer à jouer un rôle clé à l’hôpital et qu’elle a les moyens de s’exprimer si elle souhaite le faire. »

Voici ce que disent désormais les textes.

• Consultée ou informée.

Organe de réflexion, force de proposition, la CME new-look ne prend pas de décision à l’hôpital – ce n’était d’ailleurs pas le cas jusqu’à présent. Elle y est « consultée » sur un certain nombre de sujets : le projet médical, le projet d’établissement, les modifications des missions de service public de l’hôpital, le règlement intérieur, les programmes d’investissement quand ils concernent des équipements médicaux…

Sur le budget, le rapport annuel d’activité de l’établissement, les contrats de pôle, la politique de recrutement des emplois médicaux, le projet de soins infirmiers…, la CME est seulement « informée ».

C’est une des dispositions que digèrent le moins bien les syndicats : « La CME n’est plus guère impliquée pour tout ce qui est médico-économique », résume François Aubart. Le fait que la commission ne soit plus qu’« informée » sur le budget de l’établissement reste en travers de la gorge des représentants des PH, pour qui les mots ont une grande importance : « Être consulté et donner un avis implique que l’on puisse travailler en amont sur un sujet, qu’il puisse y avoir une discussion préalable », explique Pierre Faraggi. Le Dr Fellinger, tout en regrettant que la CME n’examine pas, d’une manière ou d’une autre, d’éventuels plans de retour à l’équilibre et les projets de communautés hospitalières de territoire, n’est pas tout à fait d’accord : « Même simplement informée sur une question, la CME pourra toujours voter une motion. »

Le décret prévoit par ailleurs que la commission médicale d’établissement « contribue » à l’élaboration : de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins (vigilance, médicaments, prise en charge de la douleur, DPC) ; de projets en lien avec l’accueil et la prise en charge des usagers (éthique, évaluation de la prise en charge des urgences ou des soins palliatifs, fonctionnement de la PDS…). Un champ d’action jugé ultra-restrictif par les syndicats mais que le président de la CNCMECH qualifie de stratégique.

• Une large composition.

Sont membres de la CME l’ensemble des chefs de pôles de l’établissement, des représentants élus des responsables des services ou des unités fonctionnelles, des représentants élus des praticiens de l’hôpital (titulaires et temporaires), un représentant élu des sages-femmes (s’il y a une maternité dans l’établissement), des représentants des internes (de médecine générale, de médecine des autres spécialités, de pharmacie et d’odontologie).

A cette fournée s’ajoutent, avec une voix « consultative » au sein de l’instance : le président du directoire (qui peut «  se faire assister de toute personne de son choix »), le président de la commission des soins infirmiers, le praticien responsable de l’information médicale et celui en charge de l’équipe opérationnelle d’hygiène, le représentant du CTE.

Le Dr Aubart regrette que toutes les spécialités représentées par les chefferies de service de l’hôpital ne soient plus automatiquement représentées (par des membres de droit) dans les CME. « Ceci, observe-t-il, va renvoyer des débats aux aléas des rapports de forces internes. »

• Un président vice-président du directoire, pour 300 euros bruts mensuels.

La CME choisit son président parmi les praticiens titulaires – dans les CHU, c’est un PU-PH et le vice-président est un PH. Élu à la majorité absolue, le président de la CME a un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. Sauf exception inscrite au règlement intérieur de l’hôpital, les fonctions de chef de pôle ne sont pas compatibles avec la présidence d’une CME.

Le président de la CME est aussi vice-président du directoire de l’hôpital. Il reçoit à ce titre une indemnité mensuelle de 300 euros bruts. « Une aumône », s’afflige Francis Fellinger.

Les CME doivent se réunir au moins quatre fois par an, sur convocation du président (qui fixe aussi l’ordre du jour) ou sur demande d’au moins un tiers de ses membres, ou requête du président du directoire ou du directeur de l’agence régionale de santé (ARS) qui proposent alors l’ordre du jour.

Les membres de la CME sont tenus à « l’obligation de discrétion professionnelle ».

Les CME « d’ancien régime » et leurs présidents restent en fonction jusqu’à l’échéance de leurs actuels mandats. Dans les faits, un renouvellement total des CME et surtout de leurs présidents, qui arrivent en masse (à 75 %, estime le Dr Fellinger) au terme de leur second mandat, va intervenir en 2011.

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8764