Par manque de moyens pour améliorer les conditions de travail, par pudeur, hypocrisie ou lâcheté, les situations relatives aux risques psychosociaux des médecins à l'hôpital s'installent facilement dans la durée.
En quatre ans, ce biologiste avec 20 ans de métier a vu tout son service décimé par un chef de pôle « qui revendiquait un pouvoir absolu ». « Je suis le seul resté de l'équipe de 2012, témoigne-il. Dans le service public hospitalier, les demandes de mutation cachent souvent une stratégie de fuite. » Pratiquant l'humour noir, le médecin dit « presque » regretter le temps des mandarins, « qui avaient au moins la politesse de limiter le harcèlement à leur spécialité ». Depuis la loi Bachelot, la réorganisation des services en pôles a selon lui développé le « pouvoir de nuisance » des « potentats locaux » à l'encontre de médecins de plus en plus démotivés et isolés.
Pour cette jeune PH de 36 ans « exfiltrée » de l'AP-HP, des conditions de travail délétères suffisent à créer un climat explosif. « Lors de mon premier poste, mon chef a été destitué pendant sa période probatoire. Un intérimaire a assuré le job deux ans. L'équipe médicale, jeune, n'avait plus aucun poids pour s'imposer par rapport aux autres services. Car tout est négociable à l'hôpital ! L'équipement médical, les postes, tout ! » Rapidement, le service entier s'est retrouvé en souffrance. « C'était d'autant plus tragique qu'on préférait détourner le regard quand l'un d'entre nous se trouvait au cœur de la tempête. Moi aussi, j'ai respecté la loi du silence quand mon chef s'est fait virer. »
La cinquantaine, ce cardiologue voulait, lui, attaquer son chef de service pour harcèlement moral. L'hôpital a acheté son silence avec plusieurs années de salaire. Cinq autres PH à temps plein ont déserté le service. Le médecin a mis du temps à se reconstruire après cinq années passées sous la coupe d'un chef « pervers narcissique », « manipulateur », « imposé aux équipes de manière politique ». « Il alternait les épisodes de valorisation et de rabaissement. Un jour, il disait avoir des dossiers sur moi, un autre, il disait m'apprécier. Je ne dormais plus la nuit, des douleurs thoraciques me saisissaient en arrivant à l'hôpital. J'avais peur d'opérer, peur de l'erreur. » Direction, CME, CHSCT, médecine du travail et HAS sont prévenus. Rien ne bouge. Aujourd'hui, le médecin travaille en clinique. Il est heureux. « Je m'en suis sorti car j'avais un pied dans le privé en étant PH, ça m'a aidé à rebondir. Si j'étais resté, il aurait pu m'arriver la même chose qu'au Pr Mégnien. »
« Débarqué de [s]a chefferie » il y a un mois, un pneumologue de 63 ans exerçant dans le Nord de la France, n'est lui pas parvenu pas à négocier son départ. « Je suis à temps plein au 13e échelon. Je coûte cher », reconnaît-il. Il sait que le placard l'attend. « Je vis mal mon quotidien, physiquement et psychologiquement. Les remplaçants sont plus heureux que nous. Eux ne subissent pas la pression quotidienne de l'administration. »
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