Après des réactions plutôt positives en octobre à l'annonce du plan Ma Santé 2022, les syndicats de médecins libéraux font la grimace, à la veille du débat parlementaire.
Face à un texte « flou » et « mouvant », brouillé par le recours massif aux ordonnances, ils tentent de construire une ligne de défense de la médecine libérale. « On sent la panique et la précipitation de ce texte alors que les négociations conventionnelles ne sont pas terminées », estime, agacé, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.
Sans faire front commun, les revendications syndicales se rejoignent sur plusieurs points. La voix des libéraux doit être prise en compte dans le cadre de la réforme des études médicales. À cet effet, les unions régionales de professionnels de santé (URPS) devraient être associées et consultées « comme les universités et collectivités territoriales » pour l'analyse des besoins et de l'offre en matière de formation. La même revendication d'implication des libéraux concerne la fixation de la liste nationale des lieux d'exercice pour les médecins signataires du contrat d'engagement de service public (CESP).
Aux ordres ?
Autre crainte : une réorganisation territoriale bureaucratique. Le projet de loi crée le projet territorial de santé (PTS), un diagnostic local « élaboré » par les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les hôpitaux publics et privés ainsi que les établissements sociaux et médico-sociaux « afin de coordonner » leurs actions. Mais face à « la technostructure hospitalière » et à la mainmise des agences régionales de santé (ARS), la médecine libérale craint de se retrouver avec des projets territoriaux « écrits par l'hôpital ». « Les médecins libéraux ne veulent pas être aux ordres des groupements hospitaliers de territoire (GHT) dirigés par l’hôpital de référence. Le projet territorial de santé est un machin inutile, un nouvel étage administratif », s'exaspère le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.
MG France partage cette crainte d'une bureaucratie envahissante. « Les professionnels s'entendent déjà pour proposer des actions prioritaires de prise en charge coordonnée de patients diabétiques, âgés. La dynamique du projet doit s'appuyer sur ces actions que les professionnels déterminent eux-mêmes », recadre le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat.
La loi versus les « négos »
Les syndicats s'opposent également à l'amendement dans les tuyaux visant à autoriser les pharmaciens à délivrer des médicaments à prescription médicale obligatoire pour certaines pathologies courantes. Retoquée à l'automne lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécu 2019, cette piste, défendue par le député urgentiste Thomas Mesnier (LREM) mais aussi d'autres groupes (lire page 2), hérisse toujours la majorité de la profession.
Les syndicats sont d'autant plus agacés par la créativité parlementaire sur les transferts de compétences que des négociations conventionnelles sont en cours avec la CNAM précisément sur l'exercice coordonné. « Ce n'est pas à la loi de dire ce qu'on doit faire, peste le Dr Battistoni, patron de MG France, qui menace de quitter les négos si le "pharmacien prescripteur" est adopté. Nous allons nous organiser pour assurer la continuité des soins et mettre en place des protocoles. Il ne faut pas envoyer des signaux négatifs vis-à-vis de la négociation conventionnelle ».
Gouvernance
Un autre sujet de préoccupation concerne les hôpitaux de proximité (article 8) et l'empiètement sur la médecine de ville. Quel sera leur périmètre d'intervention ? Pour les praticiens libéraux, il est hors de question que ces établissements « assurent les soins de premier recours ». Dans les amendements qu'elle défend, la Fédération hospitalière de France (FHF) souhaite que les futurs hôpitaux de proximité « contribuent » à l'offre de soins de premier recours dans les territoires qu'ils desservent... « Les missions de ces hôpitaux doivent être calqués sur les besoins de santé de la population et définies en partenariat avec la les médecins de ville », avertit MG France. « Et les libéraux doivent être intégrés dans la gouvernance de ces hôpitaux », souligne le Dr Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML).