Considérée comme un enjeu hautement prioritaire par la Haute autorité de santé (HAS), la chirurgie ambulatoire s’est largement développée depuis une quinzaine d’années. « La chirurgie endoculaire, en constant progrès technologique, de courte durée, mini-invasive et de plus en plus sécurisée, est naturellement une cible pour l’ambulatoire. Ainsi la chirurgie de la cataracte est devenue depuis près de 20 ans le modèle référent d’une gestion ambulatoire », indique le Dr Vincent Pierre-Kahn (hôpital Foch, Suresnes).
Depuis quelques années, la chirurgie vitréorétinienne est elle aussi de plus en plus pratiquée en ambulatoire. « Elle a connu un saut technologique, avec des actes moins invasifs, sécurisés et peu douloureux. Depuis 2011, des mesures incitatives tarifaires forcent aussi, de facto, les établissements à faire sortir les patients le jour même (J0). Ainsi, la tarification du GHM 02C021 "intervention sur la rétine, niveau 1", sans comorbidité associée (soit la majorité des rétines opérées), est identique que le malade sorte le jour même, le lendemain ou le surlendemain. Cette tarification s’applique à la quasi-totalité des actes CCAM relatifs à la chirurgie vitréorétinienne ab interno ainsi qu’au décollement de rétine ab externo », souligne le Dr Pierre-Kahn.
Aujourd’hui, les établissements qui pratiquent la chirurgie de la cataracte ont déjà une structure aguerrie au circuit ambulatoire, avec du personnel formé, un circuit court et dédié, une information spécifique du patient, un appel téléphonique ou une visite à J + 1. « Les patients opérés de la rétine doivent être facilement intégrés dans ces circuits préétablis », note-t-il.
Un développement inégal
Mais, alors que la rentabilité de l’acte ambulatoire est évidente pour les établissements de santé, sa généralisation reste paradoxalement très inégalement répartie sur le territoire. En septembre 2017, Le Point notait, au vu de l’analyse des données 2015, des taux de rétine en ambulatoire très inégaux, allant de 11 % à 94 %. « À l’Hôpital Foch de Suresnes, ce taux est de 75 %, et en constante augmentation », précise le Dr Vincent-Kahn.
Un certain nombre de freins existent encore au développement de l’ambulatoire. « En général, ils peuvent être facilement levés », se félicite le Dr Pierre-Khan. Le premier est l’éloignement géographique important du patient, obligeant celui-ci à de longs trajets pour les contrôles à J + 1. Mais on peut favoriser le contrôle avant la sortie et solliciter, voire former les correspondants aux contrôles précoces.
Il y a aussi ces idées reçues, fausses, selon lesquelles la rétine serait une pathologie plus sévère, aux suites opératoires plus lourdes. En fait, les progrès technologiques des vitrectomies petit calibre sans suture, la généralisation des anesthésies locales (péribulbaires, sous contrôle échographique sur fort myope, sous-ténoniennes atraumatiques pour les patients sous anticoagulant) rend l’anesthésie générale de moins en moins pratiquée. « Tout au plus, elle ne constitue plus un critère d’exclusion à l’ambulatoire », indique le Dr Pierre-Kahn.
Ce dernier souligne aussi que la chirurgie rétinienne n’est plus douloureuse, d’abord grâce à une limitation des indentations sclérales au profit d’une vitrectomie première. « On peut aussi prévenir l’hypertonie oculaire précoce par l’acetazolamide, en cas de gaz, et l’ulcération épithéliale cornéenne par une pommade et l’occlusion soigneuse du globe. Les nausées/vomissements ont également disparu grâce au traitement préventif de l’hypertonie oculaire et du surdosage en antalgique », indique-t-il.
Prévenir les risques
Néanmoins quelques risques inhérents à la pathologie vitréorétinienne méritent d’être connus et prévenus en péri-opératoire, afin de libérer sans risque les patients à J0. « On peut citer le risque de capture pupillaire de l’implant en cas de chirurgie combinant cataracte/vitrectomie/tamponnement par gaz. Cela est évité par un petit rhexis, un myotique de chambre antérieure et l’interdiction d’une position déclive dorsale stricte. L’hypotonie précoce par défaut d’étanchéité des sclérotomies transconjonctivales est fréquente, mais rarement durable et souvent sans conséquence. Par sécurité, une suture des sclérotomies est systématique chez le myope fort. Les plis rétiniens maculaires après une vitrectomie par gaz pour décollement rétinien macula off sont prévenus par un positionnement face vers le sol dans les premières heures, surveillé au mieux dans la structure avant sortie », indique le Dr Pierre-Kahn.
Pour ce dernier, ce n’est pas l’acte qui est ambulatoire, mais le patient. « Une sélection préopératoire incombe au rétinologue, seul à même de contre indiquer l’ambulatoire en fonction de critères médico-psychosociaux, souligne le Dr Pierre-Khan. Ainsi, le patient polyhandicapé, non autonome dans ses déplacements ou dont le niveau de compréhension est jugé trop faible (dément, Alzheimer...) sera d’emblée récusé en circuit court. Il en est de même pour le patient monophtalme, dont la privation visuelle postopératoire sera mieux gérée par l’équipe soignante au décours d’une nuit. On s’appliquera la même règle pour les urgences chirurgicales rétiniennes de fin de journée ».
Entretien avec le Dr Vincent Pierre-Khan, Hôpital Foch, Suresnes, et la Dr Anne Robinet, Brest
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