LE QUOTIDIEN - Quelle place à vos yeux l’hôpital doit-il occuper au sein du système de santé ?
CHRISTOPHE GAUTIER - Je souhaite porter la vision d’un hôpital ouvert sur son environnement, en adaptation permanente, et non pas fondé sur un hospitalocentrisme dépassé. L’hôpital est directement concerné par les inégalités géographiques et sociales d’accès aux soins. Il est impacté par la défaillance de la permanence des soins de ville, avec des urgences qui ne font pas ce pour quoi elles sont conçues ; cela désorganise en chaîne tous les services. Les maisons médicales de garde vont dans le bon sens, mais l’État ne peut pas compter simplement sur la bonne volonté des acteurs locaux pour régler ces questions. C’est pourquoi je plaiderai pour de nouvelles formes de régulation. Je n’ai pas de solution miracle à apporter. Je ne dis pas qu’il faut aller vers un système d’une totale rigidité étatique, mais on ne peut pas rester l’arme au pied.
Faut-il contraindre les jeunes médecins à s’installer quelques années dans les zones sous médicalisées ?
Je ne trouve pas cette idée absurde. Pour moi, c’est la piste. Simplement, il faut qu’on l’aménage : les jeunes médecins doivent ensuite pouvoir aller exercer où ils le veulent. La loi HPST a connu quelques allers-retours sur cette question compliquée qui ne peut se régler d’un seul coup. J’espère que les esprits ont mûri, car les effets de la dérégulation, eux, pèsent tous les jours sur nos concitoyens, et, par contre coup, sur l’institution hospitalière. Le modèle touche ses limites : il faudrait être aveugle pour penser qu’on peut continuer comme cela. Il faut entendre la pression des patients pour un égal accès aux soins, c’est une demande légitime. Je ne plaide pas pour la méthode forte, il faut négocier sur un sujet aussi sensible. Mais rien ne bougera sans un engagement politique fort. Aux patients de sortir d’une relation consumériste à la médecine. Aux médecins d’accepter les contraintes liées à leur exercice professionnel : prendre des gardes, cela fait partie intégrante du métier. À l’État de rappeler chacun à ses droits mais aussi à ses devoirs.
Voyez-vous le corporatisme médical comme un frein à ces évolutions ?
C’est plus compliqué que cela. Les médecins font un métier difficile, il faut être indulgent avec eux. Indulgent, mais exigeant dans le même temps. Tout à fait d’accord pour reconnaître leur fonction éminente, et pour reconnaître que les jeunes médecins ne peuvent plus accepter d’être taillables et corvéables à merci comme leurs aînés. Mais en même temps, puisque cette fonction est éminente, et puisque les études médicales sont prises en charge par la collectivité nationale, les médecins ont un engagement vis-à-vis de la société.
Le SMPS souhaite-t-il un encadrement des dépassements d’honoraires ?
Oui. C’est nécessaire, y compris à l’hôpital. Je ne me prononcerai pas sur la méthode qu’il convient d’employer : il va y avoir des discussions sur cette thématique, laissons-les s’ouvrir. La direction est la bonne. Le président du Conseil de l’Ordre ne dit pas autre chose. Je rappelle que les dépassements ne concernent pas majoritairement l’hôpital.
Que pensez-vous de la gouvernance hospitalière introduite par la loi HPST ?
Le sujet a fait couler beaucoup d’encre ; les choses sont très largement apaisées. Personne ne peut songer qu’un directeur d’hôpital travaille de façon autocrate comme on l’a longtemps caricaturé. Il faut sortir du sentiment que la communauté médicale a été mise à l’écart : il n’y a de bonne gouvernance que partagée et concertée. Ce qu’il faut, c’est s’interroger sur les effets de cette loi. Il faut réaffirmer que l’hôpital doit être dépositaire des missions de service public. Je plaide résolument pour une réécriture de l’article premier de la loi, sans ambiguïté. J’ai un a priori tout à fait défavorable par rapport à la formation des internes dans le privé : je serai favorable à un arrêt complet des stages d’internes en clinique. Je pense que les missions de service public ne peuvent pas être tronçonnées. Il faut concevoir le service public dans sa globalité.
Les hôpitaux publics manquent de radiologues et d’anesthésistes. Faut-il inventer de nouveaux outils pour faciliter les recrutements médicaux à l’hôpital ?
C’est une question centrale. Les contraintes sont moindres et la rémunération meilleure dans le privé. Ce différentiel d’attractivité entre le privé et le public est trop important, cela fausse les règles du jeu. On ne peut pas rester éternellement dans cette situation. Il faut donc réguler, afin de réduire les écarts de rémunération. Peut-être faut-il faire évoluer les modes de rémunération des médecins. Le statut de clinicien hospitalier (introduit par la loi HSPT, NDLR) a le mérite d’exister, mais cela ne suffit pas.
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