Luis, 42 ans, est un SDF venant d’Espagne. Ce dernier consulte du fait d’une dyspnée de type III (depuis plus de 3 mois) avec toux et pour une altération de l’état général (anorexie, asthénie et très important amaigrissement : 10 kg en 2 mois). Il est porteur d’une hépatite C. Un bilan biologique (NFS, ionogramme, bilan thyroïdien, glycémie, bilan hépatique, charge virale VHC) se révèle normal mis à part une CRP à 87 mg/l (N inférieure à 5). L’examen clinique objective un état cachectique, un psoriasis, mais aussi la présence d’un hippocratisme digital (photo 1). Du fait de cette dyspnée, un bilan respiratoire est effectué. La radiographie pulmonaire se révèle être tout à fait normale. La TDM pulmonaire montre une masse au niveau de l’apex pulmonaire gauche (photo 2). Dès lors une biopsie transthoracique a été effectuée, cette dernière permettant de retrouver un cancer pulmonaire non à petite cellule.
COMMENT DÉFINIR L’HIPPOCRATISME DIGITAL ?
Cette anomalie se définit comme une déformation des ongles « en verre de montre ». Il s’agit d’un élargissement de la courbure longitudinale ou transversale de la tablette unguéale (1-2). Un autre signe cardinal doit être recherché : lorsqu’on appuie sur le repli proximal, on retrouve une sensation spongieuse. Cette perception est en rapport avec une hyperplasie des tissus fibreux et vasculaires à la base des ongles (1).
COMMENT SE DÉVELOPPE UN HIPPOCRATISME DIGITAL ?
L’étiopathogénie de cette déformation n’est à l’heure actuelle pas élucidée :
– certains auteurs pensent que l’HD est en relation avec une élévation du débit sanguin secondaire à un relâchement du tonus sympathique (3);
– d’autres démontrent une réduction du débit sanguin capillaire, sans modification du débit sanguin total ; cela étant du à une dilatation des shunts artério-veineux (4);
– certains expliquent que l’hippocratisme digital est induit par une hypo-oxygénation des tissulaire liée aux shunts, plutôt qu’un apport en oxygène inadéquat par rapport à la demande tissulaire (5)?;
– d’autres hypothèses biochimiques ont été proposées (libération de PDGF : platelet-derived growth factor qui augmente la perméabilité capillaire. Participation du VEGF : vascular endothelial growth factor, du PGE2, des bradykinines, de la sérotonine, de l’HGF : hepatocyte growth factor) (2).
À QUEL TYPE DE PATHOLOGIE RATTACHER L’HIPPOCRATISME DIGITAL ?
Les pathologies pleuro-pulmonaires représentent entre 80 et 90 % des pathologies à l’origine des HD (2) (voir encadré 1). Dans ce groupe, la néoplasie pulmonaire de type adénocarcinome est la plus fréquente.
L’HD précède souvent de quelques mois le cancer ; élément qui doit inciter à renouveler les examens en cas de négativité d’un examen initial. L’association avec une DDB, une bronchite chronique est également fréquente. Après les pathologies pulmonaires, nous retrouvons les causes digestives (5 % des cas).
› La recherche de ce signe clinique est rentable. L’HD est fréquent chez les personnes vulnérables au niveau pulmonaire (patients ayant une BPCO post-tabagique notamment), mais aussi chez des personnes ayant des néoplasies œsophagiennes, et des pathologies hépatiques (cirrhoses ou hépatites virales). Il s’agit souvent d’un signe annonciateur d’une évolution péjorative d’une pathologie pulmonaire ou digestive sous-jacente.
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