Association entre l’heure de consultation, les prescriptions et les concrétisations du dépistage du cancer du sein et colorectal
Hsiang EY, Metha SJ, Small DS, & al. Association of Primary Care Clinic Appointment Time With Clinician Ordering and Patient Completion of Breast and Colorectal Cancer Screening JAMA Network Open 2019;2(5):e193403. http://doi.org:10.1001/jamanetworkopen.2019.3403
CONTEXTE
Au cours d’une journée de travail standard, et en ne considérant que les actes de prévention et ceux consacrés à 10 pathologies chroniques non contrôlées, la durée nécessaire pour correctement prendre en charge chaque patient selon les recommandations en vigueur serait d’environ 18 heures par jour (1) ! Un peu comme le lapin blanc de Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles, les généralistes se disent ainsi (très) souvent débordés, en retard, fatigués, ce qui peut nuire à la qualité des soins. L’heure de la consultation pourrait également influencer la qualité des soins.
OBJECTIFS
Évaluer la corrélation statistique entre l’heure d’une consultation en médecine générale et le taux de prescription de dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal (quelle que soit la méthode), puis sa concrétisation par le patient.
MÉTHODE
Étude rétrospective des dossiers médicaux de patients éligibles aux dépistages ayant consulté dans 33 centres universitaires de soins primaires en Pennsylvanie entre septembre 2014 et août 2016. La première consultation de chaque patient éligible durant cette période a été sélectionnée. Les consultations « urgentes » ou pour pathologie aiguë symptomatique n’ont pas été retenues. Les données individuelles sur la concrétisation du dépistage ont été extraites des deux bases de données locales qui répertorient tous les tests de dépistage effectués par les assurés. Le critère principal de jugement était le taux de dépistages prescrits par le médecin, heure par heure, entre 8 h et 17 h 59. Le critère de jugement secondaire était le taux de patients effectuant le dépistage demandé dans l’année suivant la prescription, stratifié sur le même horaire de la consultation. L’analyse statistique a été faite à l’aide d’un modèle de régression logistique conditionnel ajusté sur de nombreux facteurs confondants pertinents et conduite entre avril et novembre 2018.
RÉSULTATS
L’échantillon éligible au dépistage du cancer du sein était composé de 19 254 femmes, âgées en moyenne de 60,2 ans. Celui éligible au dépistage du cancer colorectal comprenait 33 458 patients âgés en moyenne de 59,6 ans, dont 55,8 % de femmes.
Le taux de prescription de dépistage du cancer du sein était de 63,7 % à 8 heures, 48,7 % à 11 heures, 56,2 % à midi et 47,5 % après 17 heures (p < 0,001 à chaque temps vs 8 heures comme référence). Pour les patientes, le taux de concrétisation du dépistage prescrit était de 33,2 % si elles avaient consulté à 8 heures et de 17,8 % si elles avaient consulté après 17 heures (p < 0,001).
Le taux de prescription de dépistage du cancer colorectal était de 36,8 % si les patients avaient consulté à 8 h, 31,3 % à 11 heures, 34,4 % à midi et 23,4 % après 17 heures (p < 0,001 pour chaque temps vs 8 heures). Le taux de concrétisation du dépistage prescrit était de 28 % s’ils avaient consulté à 8 heures et de 17,8 % après 17 heures (p < 0,001).
Au total, plus la consultation est tardive, plus le taux de prescription diminue, tout comme les dépistages effectivement réalisés.
COMMENTAIRES
Dans cette étude, avec la fatigue accumulée dans la journée et une durée de consultation limitée au regard de la tâche théorique à accomplir, la qualité des soins n’est pas optimale, au moins en matière de prescription (puis de concrétisation) du dépistage.
En France, avec une durée de consultation de 16,7 minutes comprenant en moyenne 2,6 motifs de consultation (2), il est impossible de faire tout ce que les nombreuses recommandations, parfois un peu “perchées”, préconisent.
Fortes de ce constat, et en collaboration avec les professionnels de soins primaires compétents, les assurances santé obligatoires et complémentaires pourraient organiser et financer des consultations de médecine générale itératives exclusivement dédiées à la prévention. Leur contenu serait différent selon les tranches d’âge et le genre, explorant (liste non exhaustive) : le mode de vie, les conduites addictives, l’état des vaccins utiles, les marqueurs ou facteurs de risque modifiables disposant d’interventions ayant un rapport bénéfice/risque clinique favorable, et les dépistages qui ont fait la preuve de leur rapport efficacité clinique/effets indésirables avantageux.
Bibliographie
1- stbye T, Yarnall KS, Krause KM, & al. Is there time for management of patients with chronic diseases in primary care? Ann Fam Med 2005;3:209-14. http://doi.org/10.1370/afm.310
2- Letrilliart L, Supper I, Schuers M, & al. ECOGEN : étude des éléments de la consultation en médecine générale. Exercer 2014;114:148-57.
Liens d'intérêts
Aucun
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