J'EXPLIQUE
La prévalence de la lombalgie chronique (LC) sur la vie entière est de 80%. Il y a 3 millions de LC en France, correspondant au passage de 7% des lombalgies aigues au stade chronique. C'est un problème majeur de santé publique, responsable d'un coût direct de 1,4 milliard d'euros et d'un coût indirect probablement dix fois supérieur.
La LC est dite aussi commune par opposition à la lombalgie symptomatique qui traduit une pathologie vertébrale grave (infection, tumeur, rhumatisme inflammatoire, ostéopathie raréfiante). La LC est donc en soi bénigne et d'ailleurs, bien souvent, aucune lésion anatomique n'est trouvée pour expliquer la symptomatologie douloureuse. Les patients atteints d'arthrose importante, d'instabilité vertébrale (spondylolisthesis) ou de hernie discale représentent finalement une minorité au sein des LC.
J'INFORME
Malgré sa bénignité, la LC peut être responsable d'un handicap très significatif. Les facteurs de risque de passage à la chronicité de la lombalgie sont aujourd'hui bien connus, ce sont les « drapeaux jaunes » (yellow flags des anglo-Saxons). Ces facteurs, maintenant classiques, sont (1) :
- professionnels tels que le port répété de charges lourdes, certaines postures, une insatisfaction au travail ;
- cognitifs, comme le catastrophisme, les croyances erronées (si j'ai mal, c'est que quelque chose est en train de se dégrader dans mon dos) ;
- comportementaux : peur du mouvement, conduites d'évitement ;
- psychologiques : sentiment d'inutilité, isolement social, syndrome anxio-dépressif.
JE PRESCRIS
- Très peu de médicaments sont indiqués dans une pathologie au long cours comme la LC, sauf en cas d'épisode plus aigu. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont les seuls à avoir prouvé une efficacité à la fois sur la douleur et la fonction (1). Les associations de paracétamol et de tramadol peuvent être utiles. Les antidépresseurs tricycliques à faibles doses sont assez bien tolérés et ont un effet antalgique indépendant de leur action sur l'humeur.
- L'élément le plus important est le reconditionnement à l'effort : toute forme d'activité physique (marche, natation, gymnastique) a un effet positif sur l'évolution de la LC. Dans les cas plus sévères, des stages de reconditionnement plus ou moins intensifs peuvent être envisagés en centre spécialisé.
- Une éducation, dans le cadre des « écoles du dos » permet d'enseigner des méthodes d'optimisation de l'utilisation du rachis au cours d'activités quotidiennes, ménagères ou professionnelles.
- Dans certains cas, la psychothérapie, la relaxation, l'hypnose ou des thérapies cognitivo-comportementales peuvent être indiquées. Il n'y a aucune preuve de l'utilité des cures thermales, de l'acupuncture ou des orthèses plantaires.
- Le reclassement professionnel doit être étudié avec le patient si le retour au travail paraît difficile eu égard au handicap résiduel après prise en charge adéquate.
J'ALERTE
Le risque pour le patient lombalgique en phase de chronicisation est la peur du mouvement ou kinésiophobie. La réduction volontaire de l'activité physique par peur irraisonnée d'avoir encore plus mal finit par aboutir au désentraînement progressif et à une auto-aggravation du LC. Vlaeyen (3) a bien montré dans son modèle « peur-évitement » qu'au stade de chronicité les lésions anatomiques initiales avaient bien souvent complètement disparues alors que le patient devenait paradoxalement de plus en plus handicapé. Les fausses croyances engendrent peur, catastrophisme, conduites d'évitement et, au final, handicap et dépression.
La lombalgie chronique est un domaine clé d'application de l'éducation thérapeutique. Le médecin traitant doit être vigilant dès le stade aigü pour dépister les « drapeaux jaunes » qui feront potentiellement de son patient un handicapé pour lequel le retour au travail sera hautement problématique.
JE RENVOIE SUR LE WEB
Information du patient lombalgique. http://www.adesti.net
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)