Comme annoncé à plusieurs reprises par Olivier Véran, le gouvernement entend bien mettre à contribution les généralistes face au rebond de l’épidémie de coronavirus.
Les recommandations de la HAS sur la prise en charge à domicile des patients Covid oxygéno-requérants publiées lundi soir vont dans ce sens. Dans un but affiché de soulager l’hôpital, l’autorité sanitaire ouvre la porte à une prise en charge en ambulatoire de certains patients plus lourds, comme l'avait annoncé le Pr Pierre-Louis Druais dans nos colonnes, et en précise les modalités.
Des critères d’éligibilité stricts
Si l’hospitalisation reste globalement recommandée pour les patients à risque de faire une forme sévère de Covid-19, la HAS estime que « dans le contexte épidémique actuel, certains malades atteints de Covid-19 oxygéno-requérants, qui sortent de l’hôpital, peuvent être pris en charge à domicile. En outre, certains malades oxygéno-requérants non hospitalisés peuvent être pris en charge exceptionnellement à domicile ».
Cela, sous réserve toutefois de cocher certaines cases. « Le patient doit être autonome, disposer d’un domicile salubre, avec la présence permanente d’un tiers et habiter à moins de 30 minutes d’un établissement de santé de référence disposant d'une structure d'urgence ou d'un SMUR de proximité ».
Sur le plan médical sont éligibles les patients sortant d’une hospitalisation en cours de sevrage d’oxygénothérapie avec un besoin < à 4 l/mn pour maintenir la saturation en oxygène (SpO2) au-dessus de 92 % au repos, ou les sujets non hospitalisés ayant une SpO2 < 92 % mais > 90 %. Parmi ces patients, ceux présentant un critère d’exclusion majeur (pathologie chronique – diabète, insuffisance rénale — non stabilisée, obésité morbide, grossesse, etc.) sont d'emblée exclus. La HAS écarte également ceux cumulant au moins deux critères mineurs : un âge supérieur à 70 ans, une pathologie cardiovasculaire, une cirrhose, un diabète équilibré, etc. L’âge seul ne suffit pas à exclure un patient de ce dispositif.
Anticoagulation prophylactique et corticoïdes
Sur le plan thérapeutique, alors que pour les patients covid suivis généralement en médecine de ville aucun traitement spécifique n’est recommandé, « une anticoagulation prophylactique et des corticoïdes faible dose (dexaméthasone 6 mg/jour ou équivalent pendant 5 à 10 jours) sont prescrits en complément de l’oxygénothérapie » pour ces malades oxygéno-requérants.
L’objectif de l’oxygénothérapie est de maintenir une SpO2 > 92 %. Toute aggravation impose de contacter une équipe hospitalière de référence voire le SAMU en cas de besoin en oxygène > 4 l/min ou de désaturation < 90 % à au moins deux prises consécutives.
Une prise en charge pluriprofessionnelle
Pour sécuriser les choses au maximum, la prise en charge de ces patients doit donc « être mise en place dans le cadre d’une équipe pluriprofessionnelle de premier recours en lien avec une équipe hospitalière de référence (pneumologie, maladies infectieuses, soins critiques, …) et le SAMU », insiste la HAS qui appelle à la vigilance vis-à-vis de ces malades.
« Les patients stables peuvent soudainement devenir instables », met-elle en garde. Et de rappeler que « la prise en charge à domicile des patients atteints de la Covid-19 et requérant une oxygénothérapie doit être exceptionnelle et réservée au contexte épidémique actuel ».
Inquiétudes de terrain
Malgré ces garde-fous, et l'aval du Collège de la médecine générale partie prenante dans ces recommandations, certains généralistes alertent déjà sur les limites de l’exercice en vie réelle.
« Les propositions récentes par nos autorités sanitaires d’initier l’oxygénothérapie à domicile à la phase précoce relèvent de l’inconscience médicale », relaie le Dr Christian Lehmann sur les réseaux sociaux. Dans une chronique publiée sur le site de Libération, le généraliste souligne le caractère imprévisible et trompeur de la maladie qui peut s’aggraver sans que le patient n’en prenne conscience. « Le Covid est un animal sournois », écrit-il en écho au témoignage d’une de ses consœurs pneumo-oncologue.
Même inquiétude de la part du Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S sur Twitter :
Oxygénothérapie à domicile dans le #COVID19 : venons nous de rentrer officiellement en médecine de guerre?
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) November 5, 2020
La mise sous O2 dans le cadre de la Covid-19 ( hypoxémie heureuse, risque de decompensation en quelques mn) parait tres casse gueule en terme de surveillance.
Outre le risque de perte de chance pour le patient, se pose aussi la question de la responsabilité des médecins de ville et de leur disponibilité. Déjà fortement sollicités par l’épidémie et par le suivi courant de leurs patients, pas sûr que tous puissent répondre présents…
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