Par Bénédicte Gatin, d’après les recommandations :
HAS SPILF Choix et durées d’antibiothérapies : PAC de l’adulte en ambulatoire. 9 janvier 2025
HAS SPILF GPIP Choix et durées d’antibiothérapie : Pneumonie Aiguë Communautaire chez l’enfant. 9 janvier 2025
INTRODUCTION
Afin d’optimiser les prescriptions d’antibiotiques, dans un contexte de résistance croissantes, la HAS propose depuis 2021 des recommandations de prise en charge privilégiant les spectres les plus étroits et les durées de traitement les plus courtes possibles, pour les infections bactériennes courantes.
Deux nouvelles recommandations dédiées aux pneumonies aiguës communautaires (PAC) chez l’adulte et chez l’enfant et ont été publiées sous forme de fiches synthétiques début janvier.
Outre, le choix de l’antibiotique, la dose, la posologie, la modalité d’administration et la durée sont les éléments à prendre en compte pour une prescription adaptée.
CHEZ L’ADULTE
La pneumonie aiguë communautaire de l’adulte est une infection potentiellement grave qui peut être d’origine bactérienne ou virale, des co-infections étant possibles.
En cas d’étiologie bactérienne, le germe le plus fréquent est le pneumocoque. Les pneumonies dites atypiques sont dues à des bactéries comme Mycoplasma pneumoniae ou Chlamydia pneumoniae.
Les pneumonies à pneumocoque surviennent habituellement chez des sujets de plus de 40 ans et sont associées à une mortalité élevée. Cliniquement, le début est volontiers brutal, avec altération de l’état général et fièvre élevée. Les pneumonies atypiques touchent plutôt des sujets plus jeunes (moins de 40 ans). Elles sont généralement de début progressif, l’état général est conservé et la fièvre peu élevée.
> Quels examens complémentaires ?
• En ambulatoire, les examens microbiologiques ne sont pas requis.
• Une imagerie thoracique est recommandée dans un délai court (idéalement 24 heures) pour confirmer le diagnostic mais elle ne doit pas retarder la mise en route du traitement antibiotique.
L’absence d’anomalies radiologiques doit conduire à reconsidérer le diagnostic de pneumonie.
> Quand hospitaliser ?
Plusieurs critères doivent amener à envisager une prise en charge hospitalière :
– Mauvaise tolérance clinique : hypothermie < 36 °C ou hyperthermie > 40 °C, hypotension, fréquence respiratoire ≥ 30 cycles/min, confusion.
– Présence de comorbidités : insuffisance cardiaque, maladie cérébrovasculaire, maladie rénale, hépatique, BPCO, hospitalisation dans l’année, antécédent de pneumonie bactérienne.
– Facteurs médico-sociaux : personne âgée isolée, isolement social, inobservance thérapeutique.
Quelle antibiothérapie en ambulatoire ? (en l’absence de signes de gravité)
Le traitement antibiotique des pneumonies aiguës communautaires de l’adulte est probabiliste.
• Antibiothérapie de 1re intention en l’absence de comorbidités :
– amoxicilline 1 g 3 fois/jour.
Alternative en cas d’allergie documentée contre-indiquant les pénicillines ou de rupture de stock :
– pristinamycine 1 g 3 fois/jour
• En cas de suspicion de pathogènes atypiques ou d’échec à 72 heures de l’antibiothérapie initiale :
– clarithromycine : 500 mg 2 fois/jour
– spiramycine : 3 MUI 3 fois/jour
– azithromycine : 500 mg/jour en une prise à J1 puis 250 mg par jour (impact plus important sur la résistance bactérienne car demi-vie longue).
Alternatives en cas d’allergie documentée ou de contre-indication aux macrolides :
– pristinamycine : 1 g 3 fois/jour
– doxycycline : 200 mg 1 fois/jour
•En cas de comorbidités ou d’exposition aux antibiotiques dans le mois précédent ou d’hospitalisation dans les six mois :
– amoxicilline/acide clavulanique : 1 g/125 mg 3 fois/jour
Alternatives en cas d’allergie documentée à la pénicilline :
– ceftriaxone : 1 g 1 fois/jour par voie IM, IV ou SC
– cefotaxime : 1 g 3 fois/jour par voie IM ou IV
• En dernier recours, si aucune autre antibiothérapie n’est possible :
– fluoroquinolone anti-pneumococcique : levofloxacine 500 mg 1 fois/jour.
> Quel suivi ?
• Après 72 heures de traitement
– En l’absence de signes d’amélioration : il est recommandé de modifier l’antibiothérapie (remplacer pénicillines par macrolides). Si le patient présente des comorbidités : avis spécialisé, discuter l’hospitalisation.
– En cas d’aggravation : discuter l’hospitalisation.
• La durée du traitement antibiotique est à adapter selon la gravité de l’atteinte et la rapidité de récupération sous traitement.
Sept jours maximum en cas de pneumonie aiguë communautaire non compliquée ; possibilité d’arrêt à 5 jours voire à 3 jours à condition que les critères de stabilité clinique (voir encadré ci-dessous) soient obtenus et vérifiés par le médecin et qu’une information soit délivrée au patient.
Critères de stabilité clinique chez l’adulte
- Apyrexie,
- PA systolique ≥ 90 mm Hg,
- Fréquence cardiaque ≤ 100/min,
- Fréquence respiratoire ≤ 24/min,
- SpO2 ≥ 90 % ou PaO2 ≥ 60 mm Hg en air ambiant
• Au-delà de la prise en charge aiguë, la survenue d’une pneumonie aiguë communautaire doit amener à réévaluer la prise en charge du patient. En particulier :
– s’assurer du statut vaccinal anti-pneumococcique, anti-grippal, anti-VRS et anti-Covid-19 selon le calendrier vaccinal ;
– dispenser des conseils pour le sevrage tabagique.
CHEZ L’ENFANT
La pneumonie aiguë communautaire est une infection fréquente chez l’enfant.
Elle est le plus souvent virale (ou à déclenchement viral). En cas d’origine bactérienne, le germe le plus fréquent avant 4 ans est le pneumocoque. Après cet âge s’y ajoute le Mycoplasma pneumoniae.
Le tableau clinique associe généralement une toux fébrile avec parfois une dyspnée et/ou tachypnée, des anomalies auscultatoires et un tirage sous-costal. En cas de pneumocoque le début est classiquement brutal avec fièvre élevée ou mal tolérée, tachypnée, altération de l’état général (parfois associés à des douleurs abdominales). En cas Mycoplasma pneumoniae, l’installation est habituellement plus progressive, la fièvre est peu élevée, la toux est persistante avec des signes extra-respiratoires fréquents (cutanés, digestifs…). L'état général n’est habituellement pas altéré. Cependant, de nombreux chevauchements des signes cliniques sont possibles.
> Quels examens complémentaires ?
• La CRP peut aider à différencier étiologie bactérienne (hautement probable si CRP > 100 mg/L) et étiologie virale (fortement probable si CRP < 40 mg/L). Attention, ce test n’est interprétable qu’après 36 à 48 heures de fièvre.
• La radiographie pulmonaire est généralement préconisée mais elle ne doit pas retarder la mise en route de l’antibiothérapie probabiliste.
Si le médecin est formé l’échographie thoracique en cabinet peut permettre de faire le diagnostic, avec une sensibilité et une spécificité comparable à celle de la radiographie.
> Quand hospitaliser ?
Chez l’enfant, les critères d’hospitalisation sont les suivant :
- nouveau-né et nourrissons < 6 mois → hospitalisation systématique ;
- troubles hémodynamiques (tachycardie, temps de recoloration cutanée > 3 secondes, marbrures, extrémités froides, hypotension artérielle, signes de sepsis) ;
- signes d’insuffisance respiratoire aiguë : dyspnée, hypoxie (Sat O2 ≤ 90 %), tirage sous-costal marqué, apathie, sueurs, troubles de la conscience ;
- difficultés alimentaires (vomissements, diarrhée profuse, signes de déshydratation) ;
- administration médicamenteuse par voie orale impossible (vomissements, refus) ;
- comorbidités graves associées.
> Quelle antibiothérapie en ambulatoire ? (en l’absence de signes de gravité)
L’antibiothérapie est probabiliste.
• En cas de suspicion de pneumocoque :
- amoxicilline (voie orale) : 80 à 100 mg/kg/jour en 2 prises (sans dépasser 3 g/jour) pendant 5 jours.
Alternative en cas d’allergie de rupture de stock ou d’intolérance alimentaire :
- ceftriaxone (IV or IM) : 50 mg/kg/jour en 1 injection (sans dépasser 2 g/jour) pendant 5 jours.
•Si suspicion de pathogènes atypiques (ou d’échec de l’antibiothérapie à 48-72 heures) :
Les macrolides sont le traitement de référence et sont indiqués en première intention :
- clarithromycine : 15 mg/kg/j soit 1 dose/poids matin et soir (sans dépasser de 1 g/jour) pendant 5 jours.
> Quel suivi ?
•Après 48 à 72 heures de traitement
- En cas d’amélioration clinique, pas de radiographie de contrôle.
Poursuite du traitement pendant 5 jours en tout.
- En l’absence d’amélioration des symptômes (fièvre, état général) : radiographie pulmonaire (ou échographie) pour rechercher une complication ou un diagnostic différentiel, envisager un traitement adapté à M. pneumoniae (voir ci-dessus). À noter que l’apyrexie peut-être plus longue à obtenir en cas d’infection à M. pneumoniae.
- Si aggravation clinique : hospitalisation.
• En prévention, la primovaccination contre le pneumocoque est obligatoire dès l’âge de 2 mois pour tous les nourrissons et recommandée pour les plus de deux ans à risque.
En résumé
■ La pneumonie aiguë communautaire (PAC) est une infection fréquente et potentiellement grave.
■ L’étiologie dépend de l’âge. Le pneumocoque est la bactérie la plus souvent en cause. Devant un tableau clinique plus frustre, penser au Mycoplasme Pneumoniae.
■ En cas de suspicion de PAC chez un enfant de moins de 6 mois, l’hospitalisation est systématique
■ L’amoxicilline est l’antibiothérapie probabiliste de 1ere intention chez l’adulte sans comorbidités et chez l’enfant si suspicion de pneumocoque.
■ La durée du traitement est de 5 jours chez l’enfant et 7 jours maximum chez l’adulte (possibilité de réduire à 5 voir 3 jour si stabilité clinique)
■ L’accent doit aussi être mis sur la prévention des PAC (vaccination notamment)
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