Vous adressez Madame M., 80 ans, à un rhumatologue pour une gonarthrose droite évoluée, responsable de douleurs et d'un handicap fonctionnel sévères au quotidien. Elle a un niveau douloureux à 50 mm sur l'EVA et souffre la nuit aux changements de position, au dérouillage dans les 15 premières minutes après le lever, à la marche et au piétinement. Elle ne monte ou descend un étage qu’avec difficulté, son périmètre de marche est compris entre 300 et 500 mètres avec l’aide d’une canne. Au total, son indice algofonctionnel de Lequesne (1) est de 14, ce qui la situe en théorie dans un cadre chirurgical.
Ses comorbidités lui font redouter une opération : troubles du rythme cardiaque anticoagulés au long cours, cardiopathie hypertensive et insuffisance rénale chronique. Elle ne prend donc que des antalgiques de niveau 1, jamais d’AINS par voie générale. Elle a eu plusieurs infiltrations de corticoïdes et des viscosupplémentations, sans résultat prolongé. Il lui est difficile de se rendre aux séances de kinésithérapie, bien qu'elles lui apportent soulagement et gain d’amplitude articulaire.
À l’examen rhumatologique, il existe une boiterie à la marche, le genou droit est globuleux et déformé en varus. On constate une amyotrophie du quadriceps, un flexum de 10° et une sensibilité à la palpation du compartiment fémoro-tibial interne. La radiographie montre un pincement majeur de l’interligne fémoro-tibial interne (photo ci-dessus).
Dans ce contexte, la prescription d’une orthèse de grand appareillage, sur mesure, articulée et dynamique est décidée. Compte tenu du profil de cette gonarthrose, le modèle ODRA est choisi pour obtenir une action de distraction et de rotation du genou (photo ci-contre).
DÉFINITION – INDICATION
L’ODRA (orthèse de distraction et de rotation pour arthrose) est un dispositif médical de grand appareillage sur mesure réalisé sur moulage et qui utilise des articulations à crémaillère assemblées par deux embrasses antérieures. La prescription doit être réservée aux gonarthroses fémoro-tibiales internes dont le niveau de douleur est supérieur à 40 sur l’EVA. L’orthèse est contre-indiquée en cas de troubles veineux importants du membre inférieur.
COMPOSITION – FONCTIONNEMENT
L’articulation interne, positionnée verticalement, permet lors de l’extension d’agrandir la distance entre les embrasses inférieure et supérieure. Cette action de distraction du compartiment interne va permettre de soulager la charge à ce niveau. L’articulation externe, positionnée horizontalement, permet lors de l’extension de reculer le centre de rotation. Cette action va permettre de créer ou de suivre une rotation externe du segment jambier lors de l’extension complète.
AMÉLIORATION DU SERVICE ATTENDU
L’efficacité et la tolérance de cette orthèse ont été évaluées dans le cadre de l’étude prospective Orfèvre, effectuée sur 5 semaines et portant sur 20 patients. À son terme, la douleur a été améliorée de manière significative (critère principal). Les critères secondaires comportaient l’amélioration fonctionnelle et de la qualité de vie, l’arrêt des médicaments antalgiques ou des AINS et l’augmentation de la vitesse de marche. La HAS, lors de sa commission du 25 octobre 2011, s’est prononcée pour une amélioration du service attendu modérée (niveau 3) de l’orthèse OdrA par rapport à la prise en charge médicale habituelle, en termes de taille de l’effet sur la douleur rapportée à court terme (2).
Vous revoyez Madame M. au bout de 2 mois. Elle est satisfaite de son orthèse, les douleurs ont diminué, elle a augmenté son périmètre de marche à plus d'un km, utilise plus facilement les escaliers et se rend plus souvent chez son kinésithérapeute.
MODALITÉS DE PRESCRIPTION
Selon l’article R.165-27 du code de la sécurité sociale (arrêté au JO du 24 mars 2010), la prise en charge initiale du grand appareillage est subordonnée à la prescription par un médecin justifiant d’une des spécialités suivantes :
– Médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation fonctionnelle ;
– Médecin spécialiste en orthopédie ou en rhumatologie.
Les conditions de spécialités mentionnées ne s’appliquent pas au renouvellement de ces dispositifs. Le moulage ou la prise de mesures, l’application et la délivrance doivent être réalisés par un orthoprothésiste.
La prise en charge des prothèses est soumise à une demande d'entente préalable (article R. 165-23 du code de la Sécurité sociale).
Liens d'intérêts
Le Dr Thomas ne déclare aucun lien d'intérêts en relation avec cet article.
Bibliographie
1- Lequesne M, Mery C, Samson M, Gérard P. Indexes of severity for osteoarthritis of the hip and knee. Scand J Rheumatol, 1987, 65 : 85-89.
2- HAS. Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, 25 octobre 2011.
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