L’intoxication au paracétamol ou N-acétyl-p-aminophénol (aminophène en anglais) représentait environ 10 % des intoxications médicamenteuses (volontaires ou non) en France en 2006. Cette fréquence est expliquée par l’omniprésence de la molécule dans les foyers français et par sa facilité d’accès en pharmacie. Premier antalgique utilisé en France, le paracétamol est aussi la substance active la plus vendue en ville en chiffre d’affaires et en nombre de boîtes (tous médicaments confondus).
MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Le paracétamol est absorbé en 90 minutes sous sa forme per os classique (20 minutes sous forme liquide), durée qui peut augmenter jusqu’à 4 heures en cas d’absorption de dose excessive. Sa demi-vie est d’environ 4 heures. Il est métabolisé à 95 % par le foie et les 5 % restants par le rein. La surdose est responsable d’une cytolyse et d’une nécrose hépatocytaire dose-dépendante, initiée par la formation de son métabolite toxique, la N-acétyl-p-benzoquinone imine (NAPQI) produite par le cytochrome P450 2E1. En situation physiologique, la NAPQI est détoxifiée par une conjugaison au glutathion hépatique en un métabolite non toxique éliminé dans les urines. La NAPQI formée en excès active une cascade de kinases à l’origine d’un stress oxydant et d’une fragmentation de l’ADN conduisant à la mort hépatocytaire.
MANIFESTATIONS CLINIQUES
► Latence asymptomatique : les signes initiaux, inconstants, ne sont ni prédictifs de la gravité, ni spécifiques de l’intoxication et apparaissent entre deux et 12 heures après la prise. Il s’agit de troubles digestifs banals : nausées, vomissements, douleurs abdominales.
► L’élévation des transaminases > 1 000 UI/L dans le bilan biologique, signant l’hépatite cytolytique aiguë, n’apparaît jamais avant la huitième heure. Entre 12 et 36 heures apparaît une hépatalgie à la palpation de l’hypochondre droit, associée aux troubles digestifs et à l’augmentation des transaminases.
► Entre trois et six jours, le pic des transaminases est atteint et en l’absence de traitement, des symptômes d’insuffisance hépatique aiguë (IHA) apparaissent (ictère, des signes d’encéphalopathie, CIVD). En cas d’atteinte massive du parenchyme hépatique (hépatite fulminante), l’évolution se fait vers le coma et l’insuffisance rénale aiguë oligo-anurique d’origine multifactorielle.
INTERROGATOIRE
• Dose supposée ingérée (DSI) ?
• Heure supposée de la prise ou du début des prises successives ?
• La forme galénique ingérée (la forme effervescente est rarement à l’origine de doses toxiques du fait des vomissements provoqués qu’elle induit en cas de prise excessive en une fois) ; la forme galénique est-elle associée à un autre composé (codéine, dextropropoxyphène, tramadol…) ? D’autres classes toxiques sont-elles en cause ?
• S’agit-il d’un surdosage médicamenteux pour douleurs rebelles ou d’une tentative de suicide ?
TRANSFERT HOSPITALIER
► La prise en charge hospitalière est nécessaire lorsque la DSI est :
• > 150 mg/kg chez l’adulte sans atteinte hépatique préalable
• > 100 mg/kg chez l’adulte présentant une atteinte hépatique préalable ou un facteur de risque
• Inconnue
• Associée à une intoxication avec d’autres substances toxiques ou en excès
• En cas de tentative de suicide, quelle que soit la DSI.
• Le bilan biologique est réalisé aux urgences.
PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES
► Une décontamination digestive au charbon activé est à envisager si l’ingestion du paracétamol date de moins d’une heure. Une fois ce délai passé, elle n’est plus efficace. Le lavage gastrique n’a pas prouvé son efficacité dans cette indication.
► Le traitement classique consiste prioritairement en l’administration de l’antidote, la N-acétylcystéine (NAC) par voie IV. Il permet la diminution de la toxicité de la NAPQI et inhibe sa formation. Reste que la corrélation entre la dose rapportée et les taux sanguins est insuffisante pour permettre de guider l’administration de l’antidote. La paracétamolémie guide la poursuite du traitement par la NAC. L’effet hépato-protecteur est maximal si l’antidote est administré dans les huit à dix heures après l’ingestion toxique.
E1. Facteurs de vulnérabilité
Toute insuffisance hépatique chronique entraîne un allongement de la cinétique d’élimination du paracétamol.
Patient ayant un déficit en glutathion hépatique : malnutrition (anorexie, cancer évolué, jeûne depuis plusieurs jours…), intoxication éthylique chronique.
Prise concomitante d’inducteurs du cytochrome P450 2E1, notamment : éthanol, millepertuis, phénobarbital, rifampicine, isoniazide, carbamazépine, sulfaméthoxazole, primidone, rifabutine, efavirenz, nevirapine.
Une atteinte de la fonction rénale préexistante représente donc un facteur de risque dans le cadre de cette complication. Le NAPQI peut de plus être responsable d’une insuffisance rénale, par nécrose tubulaire aiguë.
Bibliographie
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