Une naissance est prématurée si elle a lieu avant 37 semaines d'aménorrhée (SA) révolues. La prématurité est dite moyenne si la naissance survient entre 33 SA révolues et 36 SA + 6 jours, et l'on parle de grande prématurité entre 28 SA et 32 SA + 6 jours, et d'extrême prématurité avant 28 SA. Ces deux derniers groupes représentent respectivement 10 % et 5 % des naissances prématurées (1). Environ 10 000 grands prématurés naissent chaque année en France.
Selon l'enquête nationale périnatale 2010 (2), parmi les naissances vivantes uniques, le taux de prématurité augmente régulièrement depuis 1995 : 4,5 % en 1995, 4,7 % en 1998, 5 % en 2003, 5,5 % en 2010, et concerne 41,7 % des naissances gémellaires en 2010. La prématurité reste dans les pays industrialisés la première cause de mortalité néonatale (Voir encadré 1).
Deux tiers des naissances prématurées sont spontanées (1), liées aux nombreuses causes et aux divers facteurs de risque recensés : antécédent de prématurité, grossesse multiple, placenta prævia, infection maternelle générale ou locorégionale, chorioamniotite, diabète ou hypertension artérielle maternelles, anomalies utérines, anomalies du liquide amniotique (parfois témoin d'une pathologie fœtale sous-jacente), sans oublier les facteurs socio-démographiques (âge maternel jeune ou élevé, addictions, précarité sociale, faible niveau éducatif). Le dernier tiers concerne la prématurité "induite" ou "médicalement consentie", regroupant les naissances prématurées survenues en dehors du travail spontané, du fait d'une pathologie maternelle (HTA mal contrôlée par exemple) ou fœtale mettant en jeu la vie de l'enfant.
Le suivi de l'ancien prématuré est plus particulièrement axé sur le développement neurosensoriel, le devenir respiratoire et l'évolution de la croissance staturo-pondérale (Voir encadré 2).
Le poids de naissance (PN) ne reflète que partiellement l'âge gestationnel, mais constitue un élément important de la survie des enfants prématurés.
On distingue trois catégories : faible PN en dessous de 2500 g, très faible PN en dessous de 1500 g, extrêmement faible PN en dessous de 1000 g.
LE DÉVELOPPEMENT NEURO-SENSORIEL
La prématurité expose d'une part à la survenue d'hémorragies intraventriculaires, susceptibles d'induire une hydrocéphalie, elle-même source potentielle de handicap, et d'autre part à l'installation de leucomalacies périventriculaires. Ces lésions de la substance blanche peuvent générer des troubles moteurs plus ou moins importants, allant de l'infirmité motrice d'origine cérébrale (IMOC) aux troubles neuromoteurs mineurs. La rétinopathie du prématuré quant à elle est en rapport avec une prolifération vasculaire pouvant évoluer vers le décollement de rétine. Liée à la grande prématurité, la rétinopathie est favorisée par des épisodes répétés d’hyperoxie et/ou d’hypoxie.
L'apparition des signes cliniques neurologiques et cognitifs s'échelonne dans le temps, au fur et à mesure de la maturation cérébrale et de l'âge de l'enfant, et dépend également de la sévérité des lésions. Quant à savoir s'il faut tenir compte de l'âge corrigé ou de l'âge chronologique, explique le Dr Magny. L'important n'est pas tellement l'âge auquel l'enfant fait ses acquisitions, mais l'existence d'une progression harmonieuse et adaptée des apprentissages". En France, la principale étude de cohorte est l'étude Epipage (3 ; 4 ; 5) menée depuis 1997 auprès d'enfants nés avant 33 SA. L'étude Epipage 2, limitée elle aussi aux petits âges gestationnels, dont les inclusions ont débuté en 2011, permettra de disposer de données reflétant les progrès récents de la prise en charge néonatale.
La paralysie cérébrale
- L'IMOC ou paralysie cérébrale se définit par la présence de troubles moteurs à type de diplégie, quadriplégie, hémiplégie ou monoplégie, parfois associés à des troubles de la coordination musculaire (dyskinésie, mouvements anormaux de type ataxique). Chez le prématuré atteint d’IMOC, on observe préférentiellement une paraplégie de type spastique. La sévérité des troubles est variable, certaines formes interdisant la marche tandis que d'autres la permettent, avec ou sans aide. Plus l’atteinte est sévère, plus la symptomatologie sera précoce. Dans les formes minimes, il faudra souvent attendre l'âge de 2 ans pour pouvoir poser le diagnostic de façon définitive. "Au total, environ 1,5 % des enfants nés avant 33 SA ont un handicap moteur entravant la marche. Si l'on affine les résultats par âge gestationnel, plus l'immaturité est importante, plus les déficits moteurs sont sévères".
- En cas de prématurité modérée et tardive (respectivement entre 32 et 33 SA révolues et entre 34 et 36 SA révolues), la prévalence de la paralysie cérébrale reste plus élevée qu'à terme, même si elle est beaucoup moins importante que chez les grands prématurés : 2,1 % des enfants nés entre 33 et 34 SA ont une paralysie cérébrale dans Epipage versus 0 % entre 39 et 40 SA (6).
Les troubles moteurs mineurs
- En l'absence de paralysie cérébrale, les troubles neurologiques fins sont plus fréquents chez les prématurés que chez les enfants nés à terme (7). "À l'inverse de ce que l'on observe pour la macromotricité, plus les difficultés motrices sont bénignes, plus elles se manifestent tardivement". Lorsque l'enfant avance en âge, on peut ainsi voir apparaître des troubles de la motricité fine et de la coordination avec comme conséquence potentielle l'installation de troubles des apprentissages, qu’il y ait ou non un déficit cognitif associé.
- Les grands prématurés de la cohorte Epipage ont ainsi été examinés à l'âge de 5 ans, en excluant ceux présentant une paralysie cérébrale, un retard mental sévère ou d'importants troubles sensoriels (5 ; 8). L'examen neurologique explorait quatre composantes : posture et tonus musculaire, réflexes, coordination (notamment épreuve doigt-nez) et équilibre (manœuvre de Romberg, appui unipodal), motricité des yeux et de la face.
Les enfants ont ensuite été classés selon le nombre de composantes déficientes à l'examen neurologique : MND-0 (minor neuromotor dysfunction) si toutes les épreuves étaient réalisées de manière optimale, MND-1 si une ou deux composantes étaient déficientes, et MND-2 si plus de deux composantes étaient anormales. Parmi les grands prématurés, 41,4 % avaient un dysfonctionnement neuromoteur mineur simple (MND-1) et 3 % un dysfonctionnement complexe (MND-2). Chez les 33-34 SA, ces pourcentages étaient de 30,8 % et 0,5 %, et chez les enfants nés à terme, de 22% et 0,7 %. Le sexe masculin, l'existence d'une souffrance fœtale aiguë et la présence d'anomalies sévères à l'échographie transfonstanellaire étaient associés au stade MND-2 à l'âge de 5 ans, ces facteurs de risque étant les mêmes que ceux retrouvés en cas de paralysie cérébrale.
L'étude retrouve par ailleurs une association forte entre MND et troubles de l'apprentissage et du comportement. "Une surveillance régulière est donc indispensable sur le plan neuropsychomoteur durant toute la petite enfance jusqu'à l'âge de 6 ans, à un rythme plus ou moins rapproché selon les cas. Les grands prématurés nés avant 33 SA doivent être suivis au sein d'un circuit spécialisé pédiatrique".
Troubles cognitifs et comportementaux
- Le test K-ABC (Kaufman Assessment Battery for Children) est l'un des plus utilisés en pédiatrie pour évaluer le développement cognitif.
Le score MPC (Mental Processing Composite) qui en résulte est considéré comme un équivalent du quotient intellectuel (7). Les troubles cognitifs sont fréquents en cas de prématurité. Une déficience intellectuelle sévère ou modérée (MPC < 70) est ainsi retrouvée à l'âge de 5 ans chez 12 % des grands prématurés et 3 % des enfants nés à terme (4).
Pour les MPC compris entre 70 et 85 (déficience intellectuelle légère), on retrouve également une proportion plus importante d'enfants nés avant 33 SA (21 % vs 8 %). Parmi les enfants exempts de paralysie cérébrale mais présentant des troubles neuromoteurs mineurs (MND-1 et 2), un retard intellectuel est plus souvent retrouvé que chez les enfants sans anomalie neuromotrice (5 ; 8). Or un score MPC inférieur à 85 est un facteur de risque de difficultés scolaires ultérieures.
- Les troubles du langage et les troubles de l'apprentissage sont plus fréquents chez les anciens prématurés, même lorsque ceux-ci ne sont pas porteurs d'anomalies motrices importantes (7). Tout comme les troubles moteurs, les anomalies se démasquent au fur et à mesure de l'évolution neuropsychologique de l'enfant.
- Des troubles du comportement sont également retrouvés : hyperactivité, déficit d'attention, aussi bien chez les anciens grands prématurés (5 ; 8) qu'en cas de prématurité modérée ou tardive (6), l'importance des troubles diminuant quand le terme augmente. La question de l'augmentation de la fréquence de l'autisme avec la prématurité est encore débattue.
- Les difficultés scolaires sont corrélées à l'existence de troubles cognitifs ou de troubles de l'apprentissage. À l'âge de 8 ans, 5 % des enfants de la cohorte Epipage sont institutionnalisés et 95 % sont scolarisés dans une classe ordinaire (9). Avec cependant pour ces derniers un taux de redoublement qui excède celui des enfants nés à terme (19 % vs 5 %).
Par ailleurs, les enfants indemnes à 5 ans de troubles neurosensoriels sévères ont à 8 ans un risque d'être institutionnalisés ou de fréquenter une classe spécialisée 3 fois supérieure à celui des enfants nés à terme, et un risque 4 fois plus important d'être dans une classe ordinaire ne correspondant pas à leur âge. Les fonctions les plus fréquemment altérées sont les fonctions exécutives, la réalisation de tâches complexes, le langage, la réalisation d'exercices mathématiques. Au total, 4 enfants sur 5 suivent tout de même une scolarité normale en cas de grande prématurité.
Les troubles sensoriels
- Un déficit visuel sévère (acuité visuelle inférieure à 3/10 aux 2 yeux) est présent chez 1 % des grands prématurés à l'âge de 5 ans, 2 % ont un déficit modéré (un seul œil atteint), et 97 % ont une vision normale sans correction (4). "Même en l'absence de rétinopathie en période néonatale, les troubles de la réfraction, notamment la myopie, sont fréquents chez l'ancien prématuré. Le strabisme est plus rare. Un suivi ophtalmologique est donc nécessaire, réalisé classiquement aux âges de 1 an, 2 ans, 4 ans et 7 ans".
- L'existence d'un déficit auditif est rare : moins de 1 % des enfants de la cohorte Epipage ont à l'âge de 5 ans une perte supérieure à 70 dB ou ont besoin d'une aide auditive (4). Mais lorsqu'une surdité est présente, elle est définitive.
LES CONSEQUENCES RESPIRATOIRES
- La dysplasie bronchopulmonaire est la plus fréquente et la plus sévère des complications respiratoires liée à la prématurité (10). Sa définition actuelle tient compte des besoins en oxygène requis à 36 S d’âge corrigé pour les enfants nés avant 32 SA et à 56 jours de vie pour ceux nés à plus de 32 SA. La dysplasie bronchopulmonaire est la conséquence de la toxicité de l’oxygène et du caractère agressif de la ventilation mécanique (baro et volotraumatisme) sur un poumon immature particulièrement fragile. "L’utilisation du surfactant exogène dans le traitement des maladies des membranes hyalines (depuis 1992), même s'il n'a pas réduit la fréquence des dysplasies bronchopulmonaires, a permis de diminuer les durées et l’agressivité de la ventilation mécanique chez ces enfants et donc d'en minimiser les conséquences".
- "Plus la prématurité augmente, plus la détresse respiratoire à la naissance est sévère et nécessite une ventilation assistée prolongée, et plus la vulnérabilité vis-à-vis des agents infectieux est importante, notamment au cours des deux premiers hivers. Ces enfants doivent donc bénéficier de mesures préventives (encadré 3) afin d'éviter d'être exposés aux infections virales, particulièrement celles dues au virus respiratoire syncytial (VRS)". Les ré-hospitalisations pour ce motif sont en effet fréquentes durant les premières années de vie des anciens prématurés, et la mortalité d'origine respiratoire est plus élevée que chez les enfants nés à terme (10).
- Au cours des premières années, on observe chez les enfants atteints de dysplasie bronchopulmonaire des symptômes d’hyperréactivité bronchique (équivalent asthmatique) – bien que ceux-ci puissent exister également en l'absence de dysplasie bronchoplumonaire - et un recours plus fréquent aux bronchodilatateurs et aux corticoïdes inhalés. Cette hyperréactivité bronchique s’amende le plus souvent au cours de la petite enfance mais peut parfois persister jusqu'à l'adolescence avec une tendance à l'obstruction bronchique à la spirométrie. La capacité à l'exercice est parfois diminuée.
Cette tendance à l'obstruction bronchique peut persister chez l'adulte ayant présenté une dysplasie bronchopulmonaire (10), même si les patients sont souvent cliniquement normaux. S'agissant du lien entre prématurité et BPCO, il n'est pas démontré pour les prématurés ayant bénéficié d'un traitement par surfactant. "En pratique, une surveillance clinique suffit, les explorations fonctionnelles respiratoires étant réservées aux enfants symptomatiques".
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