LES PAPILLOMAVIRUS HUMAINS
Les papillomavirus, virus à ADN qui infecte exclusivement les épithéliums cutanés et muqueux, forment un groupe hétérogène de plus de 100 génotypes différents. On distingue schématiquement :
• Les HPV à haut risque oncogénique (surtout les 16,18) responsables de lésions dysplasiques (cervicales, vulvaires, vaginales, anales, péniennes) de grade et de sévérité croissants puis éventuellement de cancers. Le génotype 16 possède une capacité de persistance et d’agressivité plus importante que les autres.
• Les HPV à bas risque non oncogénique (surtout les 6 et 11) sont les plus fréquents et sont responsables de lésions bénignes de type condylomes acuminés.
=› Les lésions précancéreuses ou cancéreuses associées aux HPV à haut risque sont peu contagieuses du fait de l’intégration génomique et de la faible production virale alors que les lésions bénignes associées à une charge virale élevée sont très contagieuses (5).
La contamination
La contamination initiale se fait à partir des cellules basales de l’épithélium lors d’une effraction. L’HPV infecte l’épithélium génital et se dissémine par le contact muqueuse à muqueuse.
=› L’infection à papillomavirus débute habituellement chez les adolescent(e)s à partir des premières relations sexuelles. Elle est le plus souvent asymptomatique, transitoire et résolutive en un an environ (en particulier chez la jeune femme), avant même l’apparition de lésions grâce à la mise en place d’une réponse immunitaire locale efficace.
=› L’infection est banale par sa fréquence : 80 % des femmes en sont ou ont été porteuses un jour dans leur vie.
=› Le pic de fréquence se situe entre 15 et 25 ans, (environ 20 % des hommes de moins de 25 ans et 25 à 40 % des femmes de moins de 25 ans). La prévalence décroît ensuite avec l’âge, baissant nettement après 30 ans. Cette baisse est probablement due au moins grand nombre de partenaires et au fait que la zone vulnérable de transformation régresse avec l’âge. Le facteur de risque le plus significatif est le nombre de partenaires sexuels rencontrés.
Les pathologies induites
L’estimation du coût direct des maladies liées à l’HPV est d’environ 400 millions d’euros chaque année en France.
=› L’HPV est trouvé dans presque 100 % des cancers du col dans le monde touchant 500 000 femmes dont un peu plus de la moitié décédera. Cette relation est la plus grande jamais constatée entre une cause spécifique et un cancer humain.
=› La fréquence des condylomes ano-vulvaire a augmenté au cours de ces 30 dernières années.
HPV ET CONDYLOMES
Les HPV 6 et 11 sont responsables de 90 % des condylomes acuminés avec une durée d’incubation d’environ 3 à 6 mois, mais le virus peut rester à l’état latent pendant plusieurs mois voire des années.
=› La contamination se produit le plus souvent au début de l’activité sexuelle et 1 % des femmes ou hommes contaminés vont présenter des condylomes. Le risque de transmission après un contact sexuel infectant est de 60 à 70 % avec un risque plus important de la femme vers l’homme que dans le sens inverse. Si la contamination est surtout sexuelle, une auto inoculation voire une hétéro inoculation par les mains porteuses du virus est possible. Cette notion est importante chez l’enfant, car s’il ne faut pas méconnaitre une situation de sévices, la plupart des condylomes ano-génitaux de l’enfant ne sont pas d’origine sexuelle (5).
=› Ces condylomes acuminés, aussi appelés crêtes de coq ou végétations vénériennes, sont situés au niveau de la vulve, du périnée, de la zone anale. Il vaut mieux utiliser avec les patients le terme, plus neutre, de verrues génitales. Il s’agit de lésions exophytiques, plus ou moins kératosiques, blanchâtres, papillomateuses, souvent multiples, isolées ou confluentes en grappe. D’autres formes existent : papuleuses (en relief, rosées, lisses) et planes (très peu visibles). Ces condylomes externes n’ont pas d’évolution maligne.
Traitement des condylomes externes
« Les condylomes externes peuvent guérir spontanément dans 20 à 30 % des cas dans une moyenne de 6 à 18 mois. Aussi y a-t-il une place pour l’abstention thérapeutique mais elle est rarement souhaitée par les patientes », souligne le Pr Quereux. L’évolution habituelle se fait vers l’extension en nombre et en taille et requiert une prise en charge.
=› Aucune méthode thérapeutique ne permet l’éradication du virus, ce qui explique la fréquence des récidives, et ce d’autant plus que le virus peut persister en zone péri-lésionnelle. À noter que les récidives post-thérapeutiques ne sont pas dues au partenaire sexuel, mais à la persistance de cette infection de manière latente (5). « Il est essentiel d’en informer dès le départ le ou la patiente en lui expliquant que la durée du traitement s’étale sur plusieurs jours ou semaines voire mois. Il faut aussi avoir conscience que le taux de récidives, estimé à 30 %, entraîne un fort retentissement psychologique et une altération de la relation du couple ».
Les traitements disponibles sont dans l’ensemble longs, fastidieux, souvent onéreux, contraignants et dans la plupart des cas douloureux. Une surveillance clinique régulière pendant six mois, avec une consultation tous les mois au début est nécessaire.
Principes de prise en charge
• Examiner toute la sphère ano-génitale, y compris le canal anal dont l’atteinte est un facteur de récidive fréquent,
• Traiter en un temps toutes les lésions en relief.
• Examiner ou faire examiner le partenaire du fait de la contagiosité (des lésions cliniques génitales sont observées chez environ un tiers des partenaires de femmes présentant des condylomes acuminés).
• Rechercher en cas de lésions florides ou récidivantes une anomalie immunitaire (sérologie HIV). Chez les patients immunodéprimés, les lésions cutanées et muqueuses à HPV doivent être éradiquées en raison du risque de transformation néoplasique favorisée par la co-infection par des HPV à haut risque oncogène.
• Penser aux autres IST et notamment le chlamydia dont le diagnostic est facile : PCR urinaire sur le premier jet d’urines chez l’homme ou prélèvement vaginal chez les femmes.
- les femmes enceintes doivent être traitées compte tenu du risque de transmission materno-fœtale (2,3).
Les traitements médicamenteux
Les traitements appliqués au domicile améliorent l’observance et réduisent le coût :
- la podophylotoxine (Condyline*). Application deux fois par jour pendant 3 jours consécutifs suivis d’un arrêt de quatre jours. Ce traitement est peu couteux, remboursé mais provoque dans 50 % des cas une irritation, des sensations de brûlures en début de traitement.
- L’imiquimod (Aldara*), immunomodulateur a une efficacité d’environ 50 %, un taux de récidive moindre mais des effets secondaires à type de brûlures plus fréquents qu’avec la Condyline*. Il s’applique trois fois par semaine au coucher sur toutes les lésions jusqu’à la disparition de celles-ci sans dépasser 16 semaines. Cette fréquence peut être diminuée sous réserve d’une durée plus longue du traitement si la tolérance est mauvaise.
Les traitements chirurgicaux
Plus agressives, les techniques chirurgicales nécessitent une anesthésie locale ou régionale. En pratique,
c’est surtout le laser qui est utilisé en cas de multiples foyers car il permet de traiter de nombreuses localisations en un même temps. Le résultat est parfois inesthétique (dépigmentation), les suites sont habituellement douloureuses et le taux de récidive reste de 20 à 30 %. Certains utilisent la cryothérapie s’il existe peu d’éléments à traiter.
HPV ET CANCER DU COL UTERIN
L’incidence du cancer du col est d’environ 3 300 nouveaux cas par an en France avec 1 000 décès par an ; cette incidence a diminué de plus de moitié en 25 ans grâce au dépistage. La période de latence entre
l’exposition initiale à l’HPV et le cancer du col est estimée en moyenne à 15-20 ans. À eux seuls, les types 16 et 18 sont associés à prés de 80 % des cancers du col utérin et à 70 % des lésions de haut grade. L’infection persistante peut ne donner aucune manifestation au niveau cervical mais elle est susceptible de provoquer un CIN de haut grade qui, en l’absence de dépistage par frottis peut devenir un cancer du col.
=› Après contamination, la durée moyenne de l’infection localement détectable varie de 6 à 14 mois, ensuite l’HPV n’est plus détectable sur le col. Cette régression spontanée des lésions cervicales en rapport avec l’HPV survient surtout dans les lésions de bas grade ( CIN1, koïlocytose,…) et chez les adolescentes. Les taux de régression diminuent avec l’âge des patientes et l’augmentation de la sévérité de la lésion. Dans les 2 à 4 ans, environ 15 % à 25 % des lésions cervicales épithéliales de bas grade évoluent vers le haut grade. La persistance du virus dans l’épithélium cervical est le plus important facteur de risque de développement de lésions de CIN de haut grade (CIN2-3) voire de cancer du col utérin.
4 à 5 % des femmes ayant été exposées au moins une fois dans leur vie au virus HPV ont un frottis anormal.
• Les frottis de haut grade et ASC-H doivent inciter à une colposcopie immédiate pour biopsie.
• Un frottis de bas grade peut, soit être refait six mois plus tard, soit idéalement bénéficier d’une colposcopie immédiate car il cache dans 30 % des cas, un haut grade associé.
• Un frottis ASC-US (anomalies indéterminées) a trois solutions possibles : colposcopie immédiate, frottis différé à six mois ou testing viral (test HPV), dont c’est la seule indication remboursée à ce jour (1, 9).
=› Les frottis CIN 1 représentent 69 000 cas environ chaque année en France. Leur régression est fréquente en particulier chez les patientes jeunes entre 15 et 34 ans (65 %), beaucoup moins chez les patientes plus âgées et notamment après 40 ans. Ils sont liés aux HPV 16 et 18 dans 30 % environ, les autres types viraux se partageant la responsabilité.
=› Il y a environ 20 000 CIN de haut grade chaque année en France. Leur régression est possible mais minoritaire (30 %). Le pic de fréquence des CIN de haut grade se situe vers 25-30 ans, soit dix ans après les premiers contacts avec l’HPV.
HPV ET AUTRES CANCERS
Le cancer du col n’est pas le seul cancer attribuable au papillomavirus.
Le cancer anal est fréquent, il en progression et concerne les deux sexes, dans 90 % des cas, ce cancer est associé au HPV ( type 16 et 18 à 92 %).
Le cancer du pénis est plus rare mais associé au HPV dans 40 % des cas.
Dans le domaine ORL, dans environ 30 % des cancers de l’oro- pharynx et du pharynx et en particulier de l’amygdale, est retrouvée une association au papillomavirus.
C’est aussi le cas d’un tiers des cancers de la vulve qui apparaissent après une longue période de lésions pré-cancéreuses (VIN) d’autant plus facile à détecter qu’elle est volontiers source de prurit vulvaire : tout prurit vulvaire post-ménopausique nécessite un examen gynécologique à la recherche d’une telle lésion.
PRÉVENTION : VACCINATION ET DÉPISTAGE
Le préservatif est peu efficace
Les préservatifs diminuent mais n’annulent pas le risque de transmission et l’infection peut survenir après des contacts génitaux sans rapports sexuels (manuels ou buccaux).
Vaccination
Depuis fin 2006, deux vaccins prophylactiques anti-HPV sont proposés :
- le Gardasil*, vaccin quadrivalent ciblant les HPV à haut risque oncogène, 16 et 18, ainsi que les HPV à bas risque de types 6 et 11. L’efficacité préventive est proche de 100 % chez les patientes naïves en terme de lésions précancéreuses cervicales et vulvaires liées à HPV 16 et 18 et vis-à-vis des condylomes liés à HPV 6 et11
- le Cervarix*, vaccin bivalent ciblant les types 16 et 18 avec la même efficacité mais uniquement sur la prévention des lésions précancéreuses et cancéreuses
La tolérance est excellente et la protection induite par les anticorps neutralisants persiste au moins 7 ans. Le schéma de primo vaccination comprend 3 doses administrées selon le schéma suivant : 0, 2 et 6 mois avec le vaccin quadrivalent, 0, 1 et 6 mois avec le bivalent (7). En 2009, la moitié des jeunes filles ont initié cette vaccination mais 38 % seulement ont reçu les trois doses. Il est pourtant indispensable de veiller à ce que cette vaccination soit complète.
Les recommandations françaises sont actuellement de :
- vacciner les jeunes filles de 14 ans afin qu’elles soient protégées avent d’être exposée au risque d’infection HPV ;
- vacciner les jeunes filles ou femmes de 15 à 23 ans qui n’ont pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivant le premier rapport (4) ;
« La question de la vaccination des garçons se pose, dit Christian Quereux. Le sexe masculin est concerné par les condylomes (plus de 100 000 cas traités chaque année en France). De plus, on peut espérer que le vaccin aura une certaine efficacité dans la prévention des cancers de l’oropharynx et de l’anus. Actuellement, seuls les États-Unis se sont engagés dans ce sens. Cette vaccination présenterait une certaine logique épidémiologique. » (8)
En Australie, la vaccination par le vaccin quadrivalent réalisée dans les écoles a permis une couverture vaccinale de 70 % des filles avec une chute drastique des condylomes chez les filles mais aussi une diminution de 15 % chez les garçons.
Maintenir le dépistage cytologique
Dans 70 % des cas, le vaccin prévient un cancer qui se manifesterait 20 à 25 ans plus tard ; ce délai explique qu’il faille absolument continuer le dépistage par frottis cervico-vaginaux. Il est fondamental de bien considérer que vaccination et dépistage sont étroitement synergiques (3).
La HAS le 15 novembre 2010 vient de décider d’un dépistage systématique par frottis cervico-vaginaux compte tenu de la couverture insuffisante et inégale : plus de 50 % des femmes ne sont pas ou peu dépistées et 40 % le sont trop fréquemment (1). Parmi les patientes présentant un cancer invasif du col utérin, un tiers n’a jamais eu de frottis et un autre tiers un suivi occasionnel datant de plus de 3 ans. (6)
Ce dépistage -un frottis tous les 3 ans à partir de 25 ans et jusqu’à 65 ans- après deux frottis normaux à un an doit être maintenu et respecté.
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