En France, la politique de vaccination est portée par le ministère de la Santé. Les recommandations vaccinales et les adaptations du calendrier des vaccinations sont élaborées par la Commission technique des vaccinations (CTV) de la Haute Autorité de santé (HAS), avec une mise à jour annuelle.
Bien que l’action et la communication de santé publique soient actuellement centrées sur la gestion de la crise du Covid-19, le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2020 a été publié à la date prévue, fin mars [1].
En population générale, le principal changement concerne l’élargissement de la vaccination contre les papillomavirus aux jeunes garçons, à partir du début de l’année 2021 [2]. Des mises à jour plus ciblées concernent les populations de Mayotte et de La Réunion et les professionnels de laboratoire. Enfin, ce calendrier inclut les recommandations pour le rattrapage vaccinal publiées par la HAS en décembre 2019 [3]. Les obligations vaccinales de l’enfant, instituées en janvier 2018, restent de mise.
L’ACTUALISATION DES DONNÉES
Il paraît parfois compliqué de suivre les évolutions du calendrier vaccinal, évolutions qui nous semblent à la fois trop fréquentes et pas toujours faciles à argumenter. Le calendrier des vaccinations et trois autres outils institutionnels, disponibles en ligne et régulièrement mis à jour, suffisent pourtant pour accompagner notre pratique vaccinale.
Le calendrier des vaccinations est la source d’information de base [1]. Il donne accès à toutes les informations utiles pour vérifier et mettre à jour le statut vaccinal des patients. Un court chapitre est consacré à chaque vaccination et présente les recommandations générales et particulières ainsi que le schéma vaccinal.
Les annexes compilent, dans un deuxième document, les tableaux résumant les recommandations par âge, en cas de rattrapage ou de situations particulières. Une annexe est consacrée à la gestion des tensions d’approvisionnement de certains vaccins. Enfin, un tableau synoptique rappelle, pour chaque valence, le nom des vaccins commercialisés en France.
Le calendrier des vaccinations étant susceptible d’être mis à jour en fonction des situations de santé publique, mieux vaut le consulter en ligne.
Trois autres sites complètent l’information vaccinale :
• L’espace Pro du site Vaccination Info Service [4] donne accès à une multitude d’informations et d’outils concernant les aspects scientifiques, pratiques, juridiques et sociologiques de la vaccination (dont un chapitre sur les controverses).
• La base de données publique des médicaments permet de consulter les données officielles concernant chaque vaccin (fiche info, résumé des caractéristiques du produit, notice).
• Le hors-série « Recommandations sanitaires pour les voyageurs » du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) [5] regroupe les recommandations vaccinales liées aux voyages et séjours à l’étranger, actualisées chaque année. L’édition 2020 est parue fin mai.
LES NOUVEAUTÉS
→ L’élargissement aux jeunes garçons de la vaccination contre les papillomavirus humains
La vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) a été introduite au calendrier des vaccinations 2007. D’abord centrée sur les jeunes filles à partir de 14 ans, la stratégie de vaccination contre les HPV a été ensuite étendue aux jeunes filles de 11-14 ans, avec rattrapage chez les 15-19 ans ; aux hommes, jusqu’à 26 ans, ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ; aux jeunes garçons et filles immunodéprimés, et dès 9 ans chez les enfants candidats à une transplantation d'organe solide.
L’objectif, en accord avec le Plan cancer, est de prévenir au mieux l’apparition des cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin chez les femmes, mais également des cancers oropharyngés et anaux, qui touchent aussi les hommes. La vaccination est le meilleur moyen de lutter contre ces virus, à l’origine de plus de 6 000 nouveaux cas de cancer par an. Chez les femmes, l’association dépistage du cancer du col utérin (y compris chez les femmes vaccinées) et vaccination contre les HPV constitue la meilleure stratégie de lutte contre le cancer du col de l’utérus.
Malgré ces recommandations, le suivi de la couverture vaccinale montre qu’elle reste très insuffisante, estimée en 2018 à 24 % des femmes (pour un objectif fixé à 60 % dans le Plan cancer) et à environ 15 % des hommes HSH. Le taux du rattrapage effectué entre 15 et 19 ans restait modéré.
Dans le même temps, une quinzaine de pays en Europe ont intégré la vaccination des garçons à leur calendrier vaccinal.
C’est dans ce contexte que la HAS a engagé, en 2019, une réévaluation de la stratégie vaccinale HPV, confirmant l’intérêt d’étendre cette vaccination aux jeunes garçons [2] (cf. ENCADRÉ 1). La vaccination contre les infections par les papillomavirus humains est dorénavant également recommandée chez les garçons de 11 à 14 ans révolus avec un schéma 2 doses (M0-M6). Un rattrapage est possible chez les adolescents et les jeunes hommes de 15 à 19 ans révolus selon un schéma 3 doses (M0, M2, M6).
Toute vaccination chez le jeune garçon doit être initiée avec le Gardasil 9®. L’arrêt de commercialisation du Gardasil® est prévu en décembre 2020.
La recommandation sera applicable au 1er janvier 2021.
→ Des recommandations spécifiques à certaines régions ou populations
♦ Vaccination contre la grippe dans l’hémisphère Sud
• À Mayotte, depuis plusieurs années, l’épidémiologie de la grippe saisonnière précède la saisonnalité hémisphère Sud, avec une circulation active des virus grippaux dès la fin janvier. À compter de la saison 2020, la campagne de vaccination contre la grippe à Mayotte sera calquée sur celle de l’hémisphère Nord. Elle devra être initiée précocement (septembre), dès la mise à disposition des vaccins grippaux de l’hémisphère Nord.
• À La Réunion, la saison de vaccination antigrippale reste celle de l'hémisphère Sud. Toutefois, un avis récent de la HAS [6], non intégré au calendrier des vaccinations, propose, dans le contexte du confinement strict lié au Covid-19, de décaler à la fin du mois de mai le lancement de la campagne de vaccination contre la grippe, sans conséquence sur l’efficacité de la campagne et sur la prévention de la grippe à La Réunion.
Vaccination contre la typhoïde des professionnels des laboratoires de biologie médicale
L’obligation de vaccination contre la fièvre typhoïde des personnes exerçant une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale a été suspendue par le décret n° 2020-28 du 14 janvier 2020 entré en vigueur le 1er mars.
ENC. 1 - POURQUOI VACCINER TOUS LES GARÇONS CONTRE LES PAPILLOMAVIRUS ?
La recommandation de la HAS est motivée par des arguments scientifiques et éthiques [2] :
• L’infection par les papillomavirus n’a pas de genre. Femmes et hommes sont également infectés par ces virus et les transmettent. Près de 25 % des cancers provoqués par les HPV surviennent chez des hommes. La vaccination élargie à tous les hommes les protège directement et améliore la protection des jeunes femmes non vaccinées.
• L’élargissement de cette vaccination règle certaines questions éthiques. Proposer le vaccin HPV à tous les garçons : – est une question d’égalité à l’accès à la vaccination ; – responsabilise l’ensemble des adolescents à la santé sexuelle ; – simplifie la proposition vaccinale pour les professionnels de santé, à un âge où l’orientation sexuelle n’est pas encore connue ou affirmée.
• Les vaccins disponibles sont efficaces et bien tolérés. Les pays où la couverture vaccinale est élevée (Australie, Royaume-Uni…), constatent aujourd’hui une réduction des infections génitales liées aux HPV, des lésions précancéreuses dues aux sérotypes vaccinaux chez les filles vaccinées, mais aussi une réduction des lésions génitales chez les hommes non vaccinés. Enfin, le profil de sécurité des vaccins HPV est similaire chez les filles et les garçons. De nombreuses études étayent l’absence de lien entre la vaccination et la survenue de maladies auto-immunes.
LES RÈGLES DU RATTRAPAGE VACCINAL
Les règles des rattrapages vaccinaux en cas de statut vaccinal inconnu, incomplet ou incomplètement connu, en population générale et chez les migrants primo-arrivants, ont été révisées par la HAS en 2019 [3].
→ Toute consultation avec un professionnel de santé doit être l’occasion de vérifier le statut vaccinal et d’entreprendre, en concertation avec le patient, le rattrapage vaccinal nécessaire.
→ Une liste de règles générales guide ces rattrapages (cf. ENCADRÉ. 2).
→ Une conduite à tenir est proposée :
♦ Déterminer, pour chaque valence, le nombre de doses que l’individu aurait dû recevoir, en tenant compte de l’âge au moment du rattrapage, des doses antérieures reçues avec preuve de vaccination, en s’assurant que l’intervalle minimal entre les doses antérieures reçues (primo-vaccination et rappel) ait bien été respecté et ce indépendamment de l’ancienneté des doses administrées.
♦ Ne pas tenir compte des éventuelles vaccinations antérieures sans preuve vaccinale.
♦ Ne pas tenir compte des doses administrées à un intervalle trop rapproché d’une dose précédente. À l’inverse, si certaines doses ont été administrées dans un intervalle trop long, ces doses sont quand même prises en compte et seules les doses manquantes pour compléter un schéma de primo-vaccination et le premier rappel seront administrées.
♦ Établir un programme de rattrapage visant à administrer les vaccinations manquantes ou à compléter les schémas débutés en reprenant là où ils ont été arrêtés ; débuter préférentiellement par les vaccins protégeant contre les maladies infectieuses invasives et/ou ceux nécessitant plusieurs doses, tout en respectant l’intervalle minimal entre chaque dose.
→ La place des sérologies dans le rattrapage est définie.
Certaines sérologies permettent de tenir compte de l’immunité réelle de la personne et d’éviter l’injection de doses inutiles de vaccin.
Deux types de sérologies sont recommandés lorsque le statut vaccinal est inconnu :
♦ Sérologie hépatite B (Ag HBs, Ac anti-HBs, Ac anti-HBc) en pré-vaccinal ; puis dosage des anticorps anti-HBs 4 à 8 semaines après une dose de vaccin contre l’hépatite B adaptée à l’âge, à prendre en compte pour la poursuite du rattrapage.
♦ Dosage des anticorps antitétaniques 4 à 8 semaines après une dose de vaccin contre le tétanos adaptée à l’âge, à prendre en compte pour la poursuite du rattrapage.
Les sérologies d’hépatite A ou de varicelle peuvent être recommandées avant vaccination dans certains cas particuliers, comme pour les adolescents âgés de 12 à 18 ans ou les femmes en âge de procréer ou toute personne en contact étroit avec des personnes immunodéprimées ET sans antécédent de varicelle ; dans le cadre de la vaccination contre l’hépatite A de l’entourage proche d’un patient atteint d’hépatite A, une sérologie préalable pourra être envisagée chez les personnes nées avant 1945 ou avec antécédent connu d’ictère ou ayant séjourné plus d’un an dans un pays de forte endémicité.
Les sérologies vis-à-vis de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, de la diphtérie et du tétanos en pré-vaccinal n’ont pas de place dans la stratégie de rattrapage.
→ L’importance de la traçabilité est rappelée.
La traçabilité des vaccinations réalisées (nom du patient et du vaccinateur, date de vaccination, nom du vaccin et numéro de lot) est essentielle pour le patient et pour la poursuite du rattrapage, qui pourra être entrepris par d’autres professionnels de santé. Elle est faite sur le carnet de vaccination ou, a minima, sur une attestation de vaccination. L’utilisation de solutions numériques (carnet de vaccination électronique, DMP) ou la prise en photo du carnet de vaccination sont par ailleurs encouragées. Les éventuelles sérologies pré ou post-vaccinales réalisées doivent aussi être reportées sur le support vaccinal.
→ Des recommandations complémentaires concernent le cas plus complexe des populations migrantes primo-arrivantes.
♦ Le recours à l’interprétariat professionnel et/ou à la médiation en santé doit être facilité en cas de barrière de langue. Les éventuels carnets de vaccination doivent être interprétés en tenant compte des calendriers vaccinaux des pays d’origine (disponibles sur les sites internet de l’OMS et de l’ECDC).
♦ Le rattrapage vaccinal doit être réalisé le plus tôt possible, dans un délai optimal de 4 mois après l’entrée sur le territoire.
♦ La place des sérologies est plus développée. Outre les sérologies de l’hépatite B et du tétanos (voir cas général), les sérologies pré-vaccinales de l’hépatite A et de la varicelle peuvent être une aide à la détermination du statut immunitaire et au rattrapage, à condition que cette étape préalable n’entraîne pas un risque de perte de vue du patient avant vaccination. Ces sérologies s’intègrent au bilan de santé global recommandé pour les migrants primo-arrivants, notamment en ce qui concerne le dépistage des pathologies transmissibles (hépatites, VIH, tuberculose…).
♦ Des tableaux, présents dans les annexes du calendrier des vaccinations [3] ou dans les synthèses de la HAS, aident à déterminer le nombre de doses et l’intervalle minimum à respecter entre deux vaccinations, en fonction de l’âge de la personne ; à interpréter les sérologies ; à programmer le rythme le plus adapté à chaque situation.
Un programme de rattrapage simplifié est proposé, notamment en cas de consultation unique.
ENC. 2 - LES RÈGLES GÉNÉRALES DES RATTRAPAGES VACCINAUX [3]
• Prendre en compte toutes les doses de vaccins reçues, indépendamment du délai écoulé depuis la dernière dose reçue.
• Privilégier l’utilisation de vaccins combinés dans le respect de leur limite d’âge (AMM).
• Possibilité, en accord avec la personne vaccinée, de réaliser jusqu’à 4 injections au cours d’une séance, en utilisant des sites différents, espacés d’au moins 2,5 cm.
• Privilégier les deltoïdes chez les grands enfants et les adultes et la face antérolatérale de la cuisse chez les nourrissons. Proscrire les injections dans la fesse. Après une vaccination BCG, ne pas vacciner pendant 3 mois sur le même membre.
• Tous les vaccins peuvent être administrés le même jour (jusqu’à 4 injections) ou à n’importe quel intervalle à l’exception des vaccins vivants viraux qui doivent être administrés le même jour ou à 4 semaines d’intervalle.
• Il n’est pas dangereux d’administrer un vaccin à une personne éventuellement déjà immune vis-à-vis de la maladie concernée.
• Une infection mineure ou une fièvre de faible intensité ne doivent pas retarder le rattrapage vaccinal. Une maladie fébrile ou une infection aiguë modérée ou sévère peuvent conduire à différer la vaccination de quelques jours.
• Une réactogénicité accrue en cas d’administration de doses excédentaires de vaccins à base d’anatoxines tétaniques ou d’antigènes diphtériques est possible mais ces réactions restent peu fréquentes et n’entraînent pas de complications. Cependant, quand survient un œdème étendu du membre ou un phénomène de type Arthus, il convient d’interrompre toute vaccination comportant une valence antitétanique et de proposer un dosage des anticorps antitétaniques.
• Le rattrapage vaccinal doit respecter les obligations vaccinales en vigueur et assurer la réalisation des vaccinations exigibles pour l’entrée ou le maintien en collectivité.
EN RÉSUMÉ
→ En population générale :
♦ À compter du 1er janvier 2021, la vaccination contre les HPV sera étendue aux garçons de 11 à 14 ans révolus avec un rattrapage vaccinal jusqu’à 19 ans révolus.
♦ À La Réunion (hémisphère Sud), compte tenu de la pandémie de Covid-19, le début de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière est reporté à fin mai 2020.
♦ À Mayotte, la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière sera dorénavant lancée à l’automne avec les mêmes vaccins que ceux utilisés en métropole.
→ Pour les professionnels de santé : l’obligation de la vaccination contre la typhoïde des professionnels de laboratoire de biologie médicale est suspendue.
→ Des recommandations précises pour le rattrapage vaccinal chez les personnes au statut vaccinal inconnu, incomplet ou incomplètement connu et chez les migrants primo-arrivants ont été définies.
Bibliographie
1. Ministère des Solidarités et de la Santé (Page consultée le 10/04/2020). Le Calendrier des vaccinations 2020, [en ligne]. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinations_2020-…
2. HAS (Page consultée le 21/04/2020). Recommandation : Vaccination contre les papillomavirus chez les garçons. Décembre 2019, [en ligne]. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-12/fiche_synt…
3. HAS (Page consultée le 10/04/2020). Recommandation vaccinale : Rattrapage vaccinal en situation de statut vaccinal incomplet, inconnu, ou incomplètement connu en population générale et chez les migrants primo-arrivants, [en ligne]. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2867210/fr/rattrapage-vaccinal-en-situa…
4. Vaccination Info Service, espace professionnel (Page consultée le 10/04/2020). [en ligne]. https://professionnels.vaccination-info-service.fr
5. Collectif. Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2020. Bulletin épidémiologique hebdomadaire [en ligne]. 19 mai 2020, n°. Hors-Série, [consulté le 26/05/2020]. https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/253834/2607793
6. HAS (Page consultée le 25/04/2020). Avis n°2020.0024/AC/SEESP du 1er avril 2020 relatif au maintien de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière à la Réunion dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 en France, [en ligne]. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3169071/en/avis-n2020-0024/ac/seesp-du-….
Liens d'intérêts
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêt pour des frais de transports et de repas avec Sanofi Pasteur MSD, Sanofi-Aventis et Mylan entre 2015 et 2018.
Etude et Pratique
Prophylaxie post-TVP : AOD pleine dose ou demi-dose ?
Recommandations
La borréliose de Lyme
Mise au point
Palpitations : orientation diagnostique
En 5 points
Obésité : suivi d’un patient sous aGLP-1