Cas clinique

La cytostéatonécrose du sein

Publié le 11/10/2024
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La cytostéatonécrose du sein est en rapport avec une ischémie tissulaire le plus souvent d’origine iatrogène. Cliniquement, on objective une masse mal délimitée. L’échographie et l’IRM mammaire permettent de poser le diagnostic, qui est confirmé par l’examen anatomopathologique. Compte tenu du caractère bénin de cette entité, aucun traitement n’est requis, sauf indication esthétique.

IRM avec zone nodulaire rétractile au niveau de la zone inféro-interne du sein gauche (flèche verte)

IRM avec zone nodulaire rétractile au niveau de la zone inféro-interne du sein gauche (flèche verte)

CAS Mme S., 82 ans, nous consulte car elle a noté un nodule au niveau de son sein gauche.

Cette patiente a subi antérieurement une intervention chirurgicale pour une néoplasie mammaire.

Cliniquement, on retrouve un aspect très empâté au niveau du quadrant inférieur du sein gauche (zone où elle a été traitée préalablement pour sa tumeur) avec, en regard, un épaississement cutané.

Compte tenu de ce contexte, nous avons demandé la réalisation d’une échographie.

Cet examen a mis en évidence une formation rétractile inféro-interne du sein gauche pouvant être suspecte.

L’oncologue a demandé par la suite une IRM du sein pour confirmer l’origine de cette anomalie échographique qu’il pense secondaire à un remaniement tissulaire.

L’IRM retrouve une zone nodulaire rétractile inféro-interne gauche (cliché ci-­dessus) avec un aspect en faveur du diagnostic de cytostéatonécrose du sein ; diagnostic confirmé lors de la réalisation d’une biopsie.

INTRODUCTION

La cytostéatonécrose est un phénomène bénin secondaire à une inflammation tissulaire. Elle est due à une ischémie tissulaire qui génère une nécrose du tissu adipeux mammaire.

C’est une conséquence des interventions sur le sein : mammoplastie de réduction, intervention de reconstruction suite à une mammectomie partielle, radiothérapie, biopsies.

Dans le cadre de la reconstruction, la cytostéatonécrose est plus fréquente chez les femmes ayant bénéficié d’un transfert de peau lors de la réalisation de cet acte chirurgical.

CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES

Le plus souvent, on objective lors de la palpation du sein une masse ferme, mobile, sensible. Les limites ne sont pas nettement définies lors de la palpation.

Il existe parfois une inflammation au pourtour faisant penser à un processus malin.

Dans certains cas, il peut y avoir une rétractation mammaire, un aspect d’épaississement cutané (comme pour notre patiente) et la présence d’une adénopathie axillaire.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

La mammographie met généralement en évidence une opacité dense et irrégulière avec un aspect stellaire. Elle peut donner également d’autres indications : modifications de l’architecture au niveau d’une zone opérée, existence de calcifications de grosse taille dystrophiques, présence de zones radiotransparentes.

L’échographie mammaire retrouve initialement un nodule solide hyperéchogène et non vascularisé. Puis la zone ischémique prend la forme d’un kyste huileux qui va se calcifier et s’épaissir (petites calcifications arrondies ou ayant l’aspect de « bulles de savon »).

En IRM, la cytostéatonécrose se caractérise par deux zones : une partie centrale avec un hypersignal en T1 et T2 (hypersignal T1 s’effaçant sur les séquences avec suppression de graisse sans rehaussement après injection de gadolinium) et une partie périphérique fibreuse en hyposignal sur T1 et hypersignal en T2 qui donne un aspect de couronne.

L’examen anatomopathologique est effectué si les examens radiologiques ne sont pas suffisamment contributifs. On objective des éléments nécrotiques granuleux avec des noyaux pycnotiques. Dans les cas plus avancés, on met en évidence un granulome lipophagique qui entoure la zone nécrotique en donnant un aspect scléreux.

On peut aussi noter en périphérie une réaction fibreuse modérément vascularisée qui peut porter à confusion et faire penser, suite aux examens d’imagerie, à une origine néoplasique.

PRISE EN CHARGE

À titre préventif, de nouvelles techniques permettent, lors d’une reconstruction mammaire avec lambeaux et transfert de graisse, de réduire l’incidence de ces complications.

À titre curatif, il est possible de réintervenir (uniquement à des fins esthétiques car cette lésion est bénigne) en effectuant une chirurgie reconstructrice au niveau de la zone atteinte.

Bibliographie :
1. Peng CL, Assef N, Héritier F, Roger M. Cytostéatonécrose de la région mammaire chez une patiente de 90 ans. Le Revue de Médecine Interne 2013 ; 24 (4) : 269-270.

2. Canlorbe G, Bendifallah S. Prise en charge des tumeurs du sein bénignes épidémiologiquement rares de type Abrikossoff (tumeurs à cellules granuleuses), adénomatose érosive du mamelon, cytostéatonécrose, fibromatose mammaire (tumeur desmoïde), galactocèle, hamartome, hémangiome, lipome, papillomatose juvénile, hyperplasie stromale pseudo-angiomateuse (PASH), et tumeur syringomateuse du mamelon : recommandations. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 2015 ; 44 (10) : 1030-1048

3. Ho Quoc C, Delay E. Comment gérer les lésions de cytostéatonécrose mammaire après transfert graisseux ? Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 2015 ; 60 (3) : 179-183.

 

Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Clément Rea (externe à Montpellier) et Louis Babby (interne en médecine générale à Montpellier)

Source : Le Quotidien du Médecin