Véronique, 57 ans, nous consulte pour la première fois, pour un renouvellement de son hormonothérapie prescrite dans le cadre d’une néoplasie mammaire. Cette patiente est une saisonnière qui travaille régulièrement dans les champs. Avant le début de l’examen, elle explique ressentir de manière paroxystique des décharges électriques au niveau de sa lèvre inférieure. Localement, on observe deux zones qui semblent ulcérées (fig. 1, flèches rouges) et l’existence d’un placard de couleur blanche qui ne permet pas de définir de manière nette les bords du vermillon de la lèvre inférieure (fig. 1, flèche verte).
Compte tenu de ces éléments cliniques et de l’activité professionnelle de la patiente, nous réalisons une biopsie au niveau de ces deux zones ulcérées. L’examen histologique permet de retenir le diagnostic de carcinome épidermoïde de la lèvre inférieure.
Véronique présente donc une chéilite actinique chronique (zone mal définie du vermillon de la lèvre), et à partir de cette chéilite un carcinome épidermoïde s’est développé.
INTRODUCTION
La chéilite (inflammation des lèvres) actinique ou kératose actinique labiale se caractérise par une altération des kératinocytes du revêtement cutané.
Cette dermatose fréquente est observée le plus souvent chez des patients ayant plus de 50 ans, et surtout chez les hommes du fait d’une activité en plein air.
La localisation préférentielle est la lèvre inférieure.
Plusieurs facteurs interviennent dans le développement de cette dermatose :
• L’exposition solaire est la principale responsable dans la genèse de ce type de chéilite. La position du vermillon qui est perpendiculaire aux rayons du soleil, et une protection moins importante de la peau à ce niveau du fait d’un épithélium plus fin, favorisent la survenue de la chéilite actinique.
• Les autres facteurs sont plus anecdotiques, comme les addictions à certaines substances (alcool et tabac), et les traumatismes répétés au niveau des lèvres (cas des musiciens ayant des instruments à vent).
SYMPTOMATOLOGIE
Des plaintes comme une gêne ou des sensations de brûlure sont souvent objectivées.
Le plus significatif est la perte de limite entre les zones rouge et blanche de la lèvre, du vermillon. Il existe aussi parfois, localement, des squames, des lésions érosives ou des fissures chroniques. Dans certains cas, on met en évidence des placards de couleur jaune de la demi-muqueuse, ou des zones de couleur blanche qui sont développées « aux dépens » du vermillon (cas de notre patiente). À la palpation, on note un aspect cartonné et infiltré.
→ Aspect histologique On objective au niveau anatomopathologique une atrophie épithéliale, et une hyperkératose plus ou moins importante. On met en évidence également des fibres collagènes au niveau du chorion qui sont basophiles. Il peut exister des télangiectasies avec un infiltrat lymphocytaire sous-épithélial.
ÉVOLUTION
Toute chéilite actinique a un potentiel de transformation maligne compris entre 1 et 20 %.
Les carcinomes épidermoïdes de la lèvre inférieure restent les pathologies néoplasiques les plus fréquentes à ce niveau, et dans la presque totalité des cas, elles sont secondaires à une chéilite actinique.
Aussi, toute évolution avec bourgeonnement ou ulcération importante d’une chéilite actinique doit conduire à effectuer une biopsie. Il en est de même en cas de placards leucoplasiques ou kératosiques.
TRAITEMENT
Il repose avant tout sur la chirurgie qui, sur une transformation maligne, permet d’obtenir une guérison complète. On effectue une vermillonectomie (exérèse de la demi-muqueuse et recouvrement par la muqueuse située à proximité).
Par ailleurs, il est possible de recourir, lorsque la chéilite est croûteuse, à la cryothérapie, la thérapie photodynamique ou la chirurgie.
On peut aussi appliquer localement des topiques : imiquimod ou 5-fluoro-uracile.
En parallèle, il est fondamental chez les patients ayant ces lésions de recommander une protection solaire efficace.
Bibliographie
1. Kuffer R, Lombardi T, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La muqueuse buccale. De la clinique au traitement. Ed. MED’COM 2009.
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3. Bolognia JL, Schaffer JV, Duncan KO, Ko CJ. Dermatologie : l’essentiel. Ed. Elsevier Masson 2018.
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