Effets d’une aide à la décision pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 75 ans ou plus : un essai randomisé en grappes.
Effect of a Mammography Screening Decision Aid for Women 75 Years and Older: A Cluster Randomized Clinical Trial. Schonberg MA, Kistler CE, Pinheiro A, & al. JAMA Inter Med 2020.
https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2020.0440
CONTEXTE
Le dépistage organisé du cancer du sein concerne essentiellement les femmes âgées de 50 à 74 ans car c’est dans cette tranche d’âge que son modeste bénéfice a été démontré (1). Bien que l’incidence du cancer du sein augmente avec l’âge (2), aucun essai randomisé n’a inclus de femmes âgées ≥ 75 ans. Pour ces dernières, les recommandations états-uniennes préconisent de les informer des bénéfices et des risques de cette démarche si leur espérance de vie est supérieure ou égale à 10 ans (3).
OBJECTIF
Évaluer l’impact d’un document détaillé et commenté d'aide à la décision sur le taux de femmes âgées ≥ 75 ans pour effectuer une mammographie de dépistage.
MÉTHODE
Essai randomisé en cluster (grappes) de 137 médecins généralistes exerçant dans onze cabinets dans le Massachussetts et en Caroline du Nord. Le critère d’inclusion étaient les femmes ≥ 75 ans indemnes de cancer du sein et de démence ayant eu une mammographie dans les 24 mois précédents, mais pas depuis six mois, et une espérance de vie égale ou supérieure à 10 ans. Elles ont été randomisées dans un groupe intervention (GI) dans lequel un assistant recueillait des données médicales et socio-économiques en amont de la consultation puis remettait, commentait et expliquait en détail le document d’aide à la décision avant la consultation. Après la consultation, les femmes répondaient à un autre questionnaire sur les connaissances acquises et leur intention de procéder au dépistage. Dans le groupe témoin (GT), les femmes recevaient un document standard de deux pages (non commenté) conçu par les autorités de santé et répondaient aux mêmes questionnaires pré- et postconsultation. Le critère de jugement principal était le taux de femmes faisant une mammographie dans les 18 mois suivant la consultation. L’analyse statistique a été faite en intention de traiter par un modèle de régression logistique ajusté sur le coefficient intraclasse des grappes, le cabinet médical et la taille de la patientèle. Les résultats sont exprimés en risque relatif (RR) avec un intervalle de confiance à 95 %.
RÉSULTATS
Sur 1 247 patientes éligibles, 546 ont accepté de participer et ont été randomisées : 283 dans le GI et 263 dans le GT (en moyenne quatre par médecin). Les deux groupes étaient similaires à l’inclusion : âge moyen = 79,8 ± 3,7 ans, statut marital, revenus annuels, niveau d’éducation, risque familial de cancer du sein, etc. En revanche, les caractéristiques socioéconomiques des femmes incluses en Caroline du Nord étaient différentes de celles incluses dans le Massachussetts.
Au total, 18 mois après la consultation, 51,3 % des femmes du GI ont effectué une mammographie vs 60,4 % dans le GT : RR = 0,84 ; IC95 % = 0,75-0,95, p = 0,006. Les femmes du GI étaient également significativement plus nombreuses à avoir changé d’avis sur leur intention – en défaveur – du dépistage après la consultation, avaient davantage discuté avec leur médecin généraliste et avaient acquis plus de connaissances sur les bénéfices et les risques du dépistage.
COMMENTAIRES
Comme il n’y a pas de données scientifiques sur les bénéfices et les risques du dépistage du cancer du sein après 75 ans et qu’il n’est pas recommandé, il est logique de se demander pourquoi ces chercheurs ont conçu ce travail. La réponse est dans les résultats du groupe témoin : globalement, 60,4 % des femmes âgées en moyenne de 80 ans ont fait une mammographie de dépistage dans les 18 mois, ce qui est démesuré. En fait, cet essai a testé un moyen de réduire ce taux inapproprié. 21,6 % des femmes ayant fait un dépistage vivaient en Caroline du Nord et 71,9 % (!) dans le Massachussetts, considéré comme le Graal mondial de la science médicale. Une des explications possibles à ce décalage entre les pratiques et la science est que 65 % des généralistes ayant participé à cet essai étaient favorables à la mammographie de dépistage après 75 ans. Une autre explication est qu’aux USA, compte tenu de l’organisation inégalitaire du système de soins selon les états, le business prend souvent le pas sur les démarches rationnelles de santé au bénéfice des patients.
En pratique, il n’y a pas d’argument scientifique pour proposer une mammographie de dépistage aux femmes ≥ 75 ans, sauf antécédent personnel ou familial du 1er degré de cancer du sein (4).
Bibliographie
1. Pace LE, Keating NL. A systematic assessment of benefits and risks to guide breast cancer screening decisions. JAMA 2014;311:1327-35.
2. Cancer Query System. SEER incidence statistics. https://seer.cancer.gov/canques/incidence.html
3. Qaseem A, Lin JS, Mustafa RA, & al. Clinical Guidelines Committee of the American College of Physicians. Screening for breast cancer in average-risk women: a guidance statement from the American College of Physicians. Ann Intern Med 2019;170:547-60.
4. Haute autorité de santé. Références liées aux recherches sur le 'dépistage du cancer du sein' (286 résultats), au 17 juin 2020.
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