La maman de Cédric consulte car elle s'inquiète du bégaiement de son fils de 3 ans qui a commencé il y a un mois. Il a commencé à parler précocement à 20 mois et s'est mis à bégayer alors qu'il parlait très bien. Mis à part ce problème, Cédric va bien, il est né à terme, son développement staturo-pondéral est normal. Il est gai et très éveillé. Son grand-père est bègue léger.
EST-CE UN BÉGAIEMENT ?
Un enfant qui bégaie se bagarre avec les mots, il lutte avec sa parole face aux autres. Il est tendu quand il veut s'adresser à quelqu'un, il fait des efforts pour essayer de parler mais les mots restent coincés dans sa gorge. Certains enfants, quand ils commencent à parler, répètent les mots sans lutter, c'est normal, ce n'est pas un bégaiement. Cédric lui bégaie, on voit bien qu'il lutte contre les mots.
Le bégayage ne se produit que dans la relation verbale avec l'autre, l'enfant ne bégaie pas quand il parle à ses jouets ou quand il se raconte des histoires. Ainsi, le bégaiement est avant tout un problème de relation à l'autre qui se manifeste à travers ce trouble de la parole. Pour bégayer il faut être deux.
AGIR PRÉCOCEMENT
-› La maman de Cédric a eu raison de consulter rapidement, car elle donne ainsi à son fils toutes les chances pour que son bégaiement disparaisse. Le bégaiement est un appel au secours de l'enfant qui exprime que quelque chose ne va pas. Il est ainsi faux de croire qu'il suffit d'attendre pour que le trouble passe. Cependant 3 enfants sur 4 qui commencent à bégayer ne seront plus bègues à l'adolescence, mais le quatrième restera handicapé sans que l'on sache prédire parmi les quatre quel est cet enfant. Une consultation auprès d'un orthophoniste spécialement formé au traitement du bégaiement est ainsi indispensable. Les adresses utiles sont disponibles via l'Association Parole et Bégaiement.
-› La majorité des enfants commencent à bégayer entre vingt mois et quatre ans, 85 % avant 3,5 ans (2). Cédric est dans ce cas. Un des messages principaux est l'absolue nécessité d'une intervention la plus précoce possible chez un enfant qui peut bégayer, dès l'âge de 2 ans (1). En effet, "quand l'enfant bégaie, il apprend à son cerveau à bégayer et plus il bégaie plus il accentue son risque de rester bègue". Il faut enrayer la construction d'une identité bègue où le bégaiement chronique, devenu un écran entre soi et les autres, est un handicap social qui gâche la vie.
Le bégaiement connaît des moments de rémission, qui trompent les parents, qui ne consultent pas pensant que le trouble disparaît. Pourtant, lorsque le bégaiement réapparaît, il s'est aggravé. La maman de Cédric a bien fait de consulter tôt, car dès l'âge de trois ans (1) les autres enfants savent parfaitement repérer un enfant qui bégaie. Plus tard, ils se moquent de lui, l'imitent, refusent de jouer avec lui. La dure vie de celui qui bégaie commence très tôt.
POURQUOI UN ENFANT BÉGAIE-T-IL ?
La génétique joue un rôle puisque le risque de bégayer est multiplié par 3 lorsqu'un des parents est bègue, mais elle n'est qu'un facteur prédisposant. Le grand-père de Cédric a bégayé. Un facteur explicatif causal d'ordre émotionnel est fréquemment avancé par les parents, mais là aussi il n'explique pas le bégaiement, l'événement a précipité le bégaiement, il n'en est pas la cause. Plusieurs facteurs sont certainement à l’œuvre qui peuvent expliquer l’apparition du trouble.
COMMENT AIDER L'ENFANT ?
En consultant tôt un orthophoniste formé à la prise en charge du bégaiement. Avant l'âge de 4/5 ans, les séances ne se font qu'avec les parents, il n'existe pas de rééducation du langage avant cet âge (sauf en cas de trouble associé).
Il faut expliquer aux parents de Cédric que ce qui importe est d'écouter ce que dit l'enfant et non comment il parle. Il importe de ne pas les culpabiliser, de ne pas leur donner de recettes (vouées à l'échec) et de leur faire prendre conscience que l'enfant souffre.
Enfin tous les conseils que tous les parents donnent à l'enfant pour diminuer son bégaiement (souffle, détend toi, répète, pense à ce que tu vas dire, …) sont nocifs !
-› Comprendre les surcharges qui pèsent sur l'enfant.
La prise en charge consiste à discuter (longuement) avec les parents afin de comprendre les surcharges qui pèsent sur l'enfant. Ces surcharges mettent l'enfant sous pression et le font bégayer. Ces surcharges sont de quatre ordres :
• Surcharges motrices où l'on demande à l'enfant des efforts physiques trop importants pour son âge (promenade épuisante, courses trop longues…). La fatigue est un des éléments promoteurs des bégaiements avec le stress et l’excitation. Cédric, qui habite en milieu rural, se lève tôt car l'école maternelle est très loin. Sa mère dit qu'il est souvent fatigué.
• Surcharges linguistiques : langage trop rapide ou trop élaboré par rapport au langage de l'enfant qui ne peut pas se représenter de quoi on lui parle. La communication n'a alors pas de sens pour l'enfant, elle est impossible.
• Surcharges cognitives où l'on demande à l'enfant des apprentissages que son développement cérébral ne peut supporter (par exemple un grand frère/sœur au CP qui joue à la maîtresse en essayant d'apprendre à lire à l'enfant)
• Surcharges affectives où l'on ne tient pas assez compte de la fragilité du petit, rigidité excessive des parents. "Le lâcher prise est nécessaire."
Avant 4/5 ans, en levant les surcharges par des changements dans l'environnement familial le symptôme bégaiement disparaît plus de 9 fois sur 10.
En pratique, fluidifier la vie de l'enfant c'est fluidifier sa parole.
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