Wittgenstein objecte que découvrir une cause déterminante et convenir de l’existence d’une raison ou d’un motif constituent justement deux choses bien différentes. Et elles ne cessent pas d’être différentes, une fois que l’on a admis qu’une raison peut être aussi une cause. J.B p. 96.
« La différence entre une raison et une cause peut être explicitée de la façon suivante : la recherche d’une raison entraîne comme une partie essentielle l’accord de l’intéressé avec elle, alors que la recherche d’une cause est menée expérimentalement ». L.W.
« La psychanalyse (…) ne m’apparaît pas comme la seule science d’une génération, mais comme la seule passion dont elle soit encore capable »*.
« La seule chose qu’en toute conscience j’ai à craindre de la psychanalyse, c’est la reproduction non autorisée de mes textes (…) si je leur dis que je me fiche d’eux, c’est que j’ai un problème anal. Pas de doute, déclarent les sceptiques, mon combat est une révolte contre le père et le motif de l’inceste se cache derrière chacune de mes phrases. Les apparences sont contre moi. Ce serait peine perdue que de prouver mon alibido - ils m’ont repéré ! »*
« L’obligation de recourir à la persuasion n’est pas un défaut regrettable, parce que la philosophie n’a justement pas grand-chose à voir avec une science ; et le tort de la psychanalyse est essentiellement de croire qu’elle en est une. Il n’est pas nécessaire d’utiliser la persuasion de la manière dont elle le fait, mais plutôt d’ignorer que c’est essentiellement ce qu’elle fait et de sous-estimer les dangers considérables que cela comporte. » JB p. 140.
Dans Philosophie, mythologie et pseudo-science, Wittgenstein lecteur de Freud,** le regretté philosophe Jacques Bouveresse nous fournit les points de vue de Ludwig sur une partie de la psychanalyse à savoir, les différences entre ces deux vocables.
Appartenant au même milieu intellectuel viennois que Sigmund ***, Ludwig fut d’abord séduit (qui ne l’aurait pas été ?) par la quête du psychanalyste en ce qu’elle avait de commun avec ses propres travaux philosophiques.****
Mais, assez tôt Ludwig repérera dans l’œuvre remarquable de Freud d’indépassables points de discorde, dont le principal est l’indistinction entre ces deux vocables, volontairement entretenue par Freud.
Un scientifique trouve des causes. Freud se dit scientifique. Pour Wittgenstein, Freud trouve des raisons. Freud, bien au fait de la nature de ce distinguo fondamental, n’aura de cesse d’affirmer, notoirement dans ses derniers écrits, qu’il agit exclusivement comme un scientifique ayant découvert, non pas seulement certaines raisons, mais les causes de phénomènes psychiques : le rêve, le lapsus, le mot d’esprit.
Se faisant passer pour cause, la raison acquiert tous les avantages du vol sans les inconvénients du travail honnête. Entre autres, la raison se pare d’une unicité réductrice lorsque la cause garde dans son concept le champ d’éventuelles concurrentes.
La raison, devient un lit de Procuste, lorsque subrepticement elle quitte le champ de l’hypothèse pour s’ériger en cause. En termes psychanalytiques, on pourrait dire que la cause est un contre-transfert de la raison.
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* Karl Kraus. Psychologie non autorisée.1913.
** J. Bouveresse, éd. L’éclat,1991.
***Qui aura un temps la soeur de Ludwig en analyse. Ludwig, lui-même, s’exercera sans succès à l’hypnose avec ledocteur Rogers. Le Cercle de Vienne (Wittgenstein -qui n’assistera à aucune séance- Mach, Kraus, Carnap, Gödel,Schlick, Tarski…), reconnut Freud parmi ses pairs.
****A savoir, et d’une façon générale, l’approche des phénomènes psychiques par des voies novatrices.
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