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Dossier

Journée mondiale

BPCO, l’enjeu du diagnostic précoce

Publié le 16/11/2018
BPCO, l’enjeu du diagnostic précoce

BPCO adulte
SPL/PHANIE

En France, 65 à 75 % des malades atteints de BPCO ne seraient pas diagnostiqués. Si les freins expliquant cette situation critique sont multiples et tenaces, les bénéfices d’un diagnostic précoce font de plus en plus consensus. Le point en amont de la journée mondiale annuelle contre la BPCO du 21 novembre.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) touche directement plus de trois millions de personnes en France et pourrait devenir la troisième cause de mortalité à l’horizon 2030. Or, à l’heure actuelle, « au moins les trois quarts des personnes atteintes ne le savent pas », affirme le Pr Nicolas Roche, pneumologue à l’hôpital Cochin (Paris), président de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).
Il faut dire que tout concourt à favoriser la méconnaissance de la maladie. Outre un acronyme peu intuitif, l’emploi courant à sa place du terme “bronchite chronique” ne traduit pas la gravité de la maladie et la banalise. Résultat : le grand public connaît toujours aussi mal cette maladie. Dans le Baromètre santé 2017 paru fin octobre, seuls 22,1 % des Français en avaient déjà entendu parler.

Dans ce contexte, l’initiative doit venir du médecin traitant, comme l’ont clairement formulé les participants d’un “Board Patients” organisé par l’association BPCO en avril 2018. Pour eux, « tout patient fumeur depuis plusieurs années devrait se voir poser des questions simples en consultation de routine sur son souffle, sa capacité à l’effort et d’éventuelles difficultés respiratoires naissantes ».

Des bénéfices multiples

Sans doute, mais pour quel bénéfice ?  Diagnostiquer tôt, « c’est la possibilité de récupérer de la fonction respiratoire si l’on est encore au stade 1 ou 2 de la maladie grâce à l’arrêt du tabac couplé à la réhabilitation respiratoire, assure le Pr Chantal Raherison-Semjen, service des maladies respiratoires (CHU Bordeaux). Cela améliore également le score de dyspnée et la tolérance à l’effort, diminue les exacerbations et de ce fait le risque d’hospitalisation. »

C’est aussi l’opportunité de délivrer des messages personnalisés d’hygiène de vie, de motiver le patient vis-à-vis du sevrage tabagique et de l’activité physique (dont les bénéfices sur la santé mais aussi la qualité de vie font consensus), ou encore de promouvoir des actions de prévention comme la vaccination contre le pneumocoque et la grippe.

Cela permet également de « dépister voire de mieux gérer les comorbidités, très fréquentes », ajoute le Dr Armine Izadifar, pneumologue (Saint Denis), président de l’Association des pneumologues libéraux d’Île-de-France. Dans la cohorte française Palomb, 72 % des personnes BPCO souffraient au moins d’une autre maladie type HTA, apnées obstructives du sommeil, dyslipidémie, cardiopathie ischémique, etc.
Enfin, le diagnostic est essentiel au maintien dans l’emploi, avec le recours au médecin du travail et/ou la demande d’une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé pour un aménagement de poste de travail. Environ 15 % des patients présentent un déclin accéléré de leur fonction respiratoire dès la quarantaine, c’est-à-dire à une période où ils sont encore en activité.

Une plainte à minima

Reste que la détection de la BPCO n’est pas si simple, car les signes sont souvent aspécifiques. La dyspnée, signe cardinal, est un symptôme subjectif. « La plainte provient rarement du patient lui-même, car la plupart du temps, la gêne qu’il ressent est modérée », confirme le Dr Jean-Luc Delabant, généraliste, secrétaire adjoint de l’URPS-Médecins libéraux d’Aquitaine. Le dépistage proactif de la part du médecin est d’autant plus incontournable que les malades « ne mentionnent généralement pas leur tabagisme, en cause dans 85 % des BPCO, et tendent à ne pas reconnaître leur état qui les renvoie à une perception culpabilisante d’eux-mêmes », fait remarquer le Dr Bruno Stach, pneumologue (président du Syndicat de l’appareil respiratoire).

De plus, le stéréotype masculin du malade fumeur ou ex-fumeur quinquagénaire a la vie dure, alors qu’aujourd’hui, 40 % des malades sont des femmes, contre 20 % il y a 20 ans, avec une mortalité féminine en hausse de 1,7 % par an. « À symptômes identiques, le médecin va plus souvent porter un diagnostic d’asthme que de BPCO chez une femme », déplore le Dr Anne Prudhomme, pneumologue (CH Tarbes, coresponsable du groupe femme/santé respiratoire de la SPLF), s’appuyant sur une étude conduite en médecine générale.

Hélène Joubert

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