«L A grande majorité des médecins (95 %) sont formés uniquement à la prise en charge des maladies aiguës, alors que celles-ci représentent moins de 10 % de toutes les situations médicales », notent Maryline Rébillon, psychologue, et Catherine Tourette-Turgis, universitaire, psychosociologue, engagée dans la lutte contre l'épidémie depuis 1987.
Toutes deux sont coauteurs d'un ouvrage, intitulé « Infection VIH : accompagnement et suivi des personnes sous traitement antirétroviral », qu'elles ont conçu sous la forme d'un guide à l'intention des professionnels de santé et sociaux (1).
Le livre présente les résultats d'études susceptibles d'intéresser la pratique médicale VIH (observance thérapeutique des antirétroviraux, initialisation et changement de traitement, qualité de vie des patients, besoins de publics spécifiques, etc.). Il soumet des cas cliniques et offre « outils et supports », supposés apporter une aide aux médecins pour résoudre certaines difficultés rencontrées par leurs patients.
La collaboration du patient
Dans leur propos introductif, les auteurs déplorent que les médecins ne soient « pas formés » à prendre en charge les aspects bio-psycho-sociaux en jeu dans le suivi à long terme des patients atteints de maladies chroniques. Dans le cas des maladies au long cours, le patient a, selon elles, « un rôle singulier » : « Il doit gérer plusieurs aspects de sa maladie, comme le suivi régulier de soin et d'analyses biologiques, alors qu'il n'a pas présenté de symptômes, la continuité de la prise d'un traitement, alors qu'il ne se sent pas malade ou n'en voit pas les effets immédiats. »
Et pourtant, sans la collaboration du patient, la stratégie thérapeutique échoue, comme le confirme le Dr Laurence Weiss, praticien hospitalier, adjointe au chef de service d'immunologie clinique à l'hôpital européen Georges-Pompidou. Le succès des traitements dépend des capacités des personnes à pouvoir les prendre, et ce dans la durée. La relation entre médecin et patient doit donc être de « qualité ». C'est-à-dire allier aux compétences techniques du praticien des compétences « relationnelles, éducatives et psychologiques » pour lesquelles les médecins n'ont pas reçu de formation.
« De nouvelles prestations »
Comment la nécessité d'accompagner le patient s'est-elle imposée peu à peu ? « Au cours des deux dernières années, les stratégies thérapeutiques dans le traitement de l'infection à VIH ont beaucoup changé, selon les auteurs. Les modifications dans les critères de mise sous traitement, d'interruption et de changement de traitement ont introduit une diversité de situations chez les patients ». A nouvelles stratégies thérapeutiques, nouvelles promesses et donc nouveaux besoins qui « obligent » les intervenants dans l'infection à VIH à « envisager la mise en place de nouvelles prestations ». La prise d'un traitement « ne peut se réduire à donner un médicament sans entendre le désir de la personne ». « Toute personne dont un événement a entamé le sentiment de la continuité d'être a besoin de venir chercher, dans un deuxième miroir, la sécurité psychique existentielle au maintien de son sentiment d'exister », soulignent les auteurs. Interrogées sur leurs motivations à prendre un traitement antirétroviral, la plupart des personnes expliquent qu'elles le prennent « pour ne pas mourir... pour durer... pour tenir ».
Le besoin de réinsertion sociale
Alors que de nouvelles stratégies de soins permettent aux patients d'envisager l'avenir - malgré le VIH -, la qualité de vie s'améliore peu : « La promesse thérapeutique dans l'infection à VIH n'a pas été assortie d'une promesse sociale et il n'existe pas encore de dispositifs permettant aux personnes qui se trouvent en période de rémission ou qui ont recouvré leurs capacités fonctionnelles, d'avoir accès à un statut social leur permettant d'exercer une activité sociale ou professionnelle reconnue ». Le besoin de réinsertion sociale est l'un des éléments justifiant la mise en uvre de programmes d'accompagnement. Il en existe d'autres : la dépression, l'anxiété du patient, le cumul de « vulnérabilités » (co-infections VIH/hépatites).
Le livre réalisé par Catherine Tourette-Turgis et Maryline Rébillon « confirme un grand nombre de problématiques auxquelles nous sommes confrontés dans le domaine de la prise en charge globale », estime le Dr Weiss. Comme l'hôpital Broussais (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), l'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) a mis en place une prise en charge pluridisciplinaire de l'observance. L'HEGP dispose ainsi d'une équipe composée d'immunologistes cliniques, de dermatologues, d'ophtalmologistes, d'hépatologues, de gynécologues, de neurologues, de psychiatres, de psychologues, d'infirmières, de volontaires d'associations et de pharmaciens qui jouent un rôle dans l'éducation thérapeutique du patient. En tant que clinicienne-chercheur, le Dr Weiss a cependant noté que « le désir de participation du patient dans la décision médicale doit être évalué, au cas par cas, car rien n'est plus angoissant pour une personne que de se voir imposer de participer à une décision qu'il ne se sent pas parfois capable d'assumer ». Dans l'infection à VIH, le niveau d'observance d'un traitement décroît avec le temps. Ce qui est lié au fait de la survenue « très fréquente » d'effets indésirables. En tant que cliniciens, insiste le Dr Weiss, « nous sommes souvent désarmés vis-à-vis de ces effets indésirables. Nous sommes au début des traitements mixtes de la coïnfection qui, du fait de la lourdeur des thérapeutiques et de leurs effets secondaires, vont poser et posent déjà des problèmes d'adhésion, de suivi et d'accompagnement des patients ».
(1) « Infection VIH : accompagnement et suivi des personnes sous traitement antirétroviral » est édité par les laboratoires ABBOTT, qui le diffuseront auprès des professionnels de santé.
Le SIDA menace la paix, selon l'ONU
« La menace, bien réelle, que l'épidémie de SIDA fait peser sur la paix et la sécurité » a de nouveau été abordée au cours d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, consacrée au VIH-SIDA, la quatrième en un an. En Afrique, où de nombreux pays vivent des conflits, l'épidémie constitue une menace pour la sécurité. « En déferlant sur les services sanitaires et sociaux, en faisant des millions d'orphelins et en décimant les personnels de santé et les enseignants, le SIDA provoque des crises sur les plans social et économique, qui, à leur tour, menacent la stabilité politique », affirme, dans un communiqué, le Dr Peter Piot, directeur exécutif du programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA). Les personnels en uniforme (forces armées et police, notamment) sont les groupes de la population les plus touchés par le VIH.
Au rang des actions déjà entreprises pour lutter contre cette situation, l'ONUSIDA cite l'envoi de missions en Ethiopie et en Erythrée, au Timor-Oriental et au Burundi. En outre, le gouvernement norvégien apporte un million de dollars environ pour aider à renforcer l'action de l'ONUSIDA.
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