Exposition « Nijinsky », au Musée d'Orsay

Une personnalité fascinante

Publié le 04/02/2001
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Classique

R EALISEE par le musée d'Orsay et le Dansmuseet de Stockholm, cette exposition coïncide avec le cinquantième anniversaire de la disparition du chorégraphe, né en 1889 à Kiev dans une famille de danseurs itinérants d'origine polonaise (1).

Elle a bénéficié du concours de la bibliothèque de l'Opéra de Paris et de l'apport considérable de pièces prêtées par le chorégraphe John Neumeier, directeur du Ballet de Hambourg, dont la richesse de la collection privée est légendaire.
Organisée en cinq salles, décorées, mises en scène peut-on dire, par Richard Peduzzi, dans des nuances de bleus allant du clair au plus foncé, elle évoque les grandes époques de la vie du danseur et du chorégraphe. Depuis ses premiers pas de danseur à l'Ecole impériale de Saint-Pétersbourg, puis au ballet Impérial, ses succès dans « Le Spectre de la rose » avec les Ballets Russes, sa première chorégraphie « l'Après-midi d'un faune » en 1912, aussitôt suivie de « Jeux » et du « Sacre du Printemps » en 1913, jusqu'à sa fin triste, interné pour une folie que reflètent de passionnants dessins.
Les photographies d'Eugène Druet et du baron Adolph de Meyer donnent une idée de la force, de la hauteur des sauts et de la grâce de l'interprète. Quant aux artistes qui ont tenté de l'immortaliser sur la toile ou dans la pierre, on est frappé de voir, comme sur les photographies, combien Nijinsky peut paraître différent selon qui le regarde. Cocteau, Bourdelle, Klimt, Max Jacob, Modigliani, Maillol, Valentine Hugo, Kokoschka, Léon Bakst et Rodin sont les principaux interprètes de cette personnalité et de ce physique fascinants.
Le visiteur tentera de se faire une idée dans cette mosaïque de personnalité, grâce à nombre de documents jusqu'alors, pour la plupart, jamais exposés. Il pourra aussi essayer de reconstituer mentalement ce que pouvait être l'art de Nijinsky grâce à un documentaire de vingt-six minutes d'Hervé Nisic, « Revoir Nijinsky danser », qui tente de suppléer à l'absence de documents filmés par une reconstitution virtuelle réalisée par des logiciels appropriés à l'aide de photographies du danseur dans « l'Après-midi d'un faune ».
Toutes les informations utiles et des textes complémentaires figurent dans le catalogue parfaitement illustré et commenté (2), réalisé par Martine Kahane, commissionnaire de l'exposition qui pourra consoler partiellement ceux qui n'auront pu s'y rendre.

(1) Musée d'Orsay, 1, rue de la Légion-d'Honneur, 75007 Paris. Jusqu'au 18 février. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 à 18 h, le jeudi de 10 à 21 h 45. Prix d'entrée : 40 F (30 F réduit), avec entrée au musée. Information : Minitel 3615 ORSAY. Site Internet : http://www.musee-orsay.fr
(2) Réunion des Musées nationaux. 287 pages. 250 F.

Un disque

Schumann, par Jean-Marc Luisada : dérangeant

Le Schumann de Jean-Marc Luisada n'est pas celui de tout le monde ! La pochette de l'album consacré entièrement au compositeur allemand, « le Papillon noir», signée Pierre et Gilles, évoque les rêves et l'inconscient, tout comme la musique fantasque qui n'est pas ce que Schumann a composé de plus gai. Luisada leur donne un relief saisissant, jouant dans des camaïeux de gris et de noir. Le « Carnaval » est plus riant, avec de vraies touches personnelles. Les « Variations fantômes », que l'on n'entend jamais, sont jouées avec une objectivité contrastant avec la chaleur d'« Arabesque », bel exercice de style. Un album, certes, singulier et dérangeant mais sortant de la terrible routine des publications de récitals pianistiques.

1 CD RCA/BMG. DDD. Enregistrement : 2000. Durée : 72 min.
Jean-Marc Luisada sera au Théâtre des Champs-Elysées le 20 février pour le Concerto n° 27 de Mozart avec l'Ensemble orchestral de Paris.

« Casse-Noisette » à Amsterdam : féérique


L'excellent « Casse-Noisette et le Roi des souris », de Het Nationale Ballet, la compagnie de danse classique des Pays-Bas, dont la chorégraphie est signée par son directeur artistique, Wayne Eagling, et Toer van Schayk, est devenu un des spectacles favoris des Amstellodamois.
L'action est déplacée de Saint-Pétersbourg à Amsterdam et c'est en patinant sur ses canaux gelés que les invités se rendent à la fête donnée pour Clara à l'occasion de la fête de Saint-Nicolas.
La première partie de ce spectacle est féerique avec ses ravissants costumes Empire et un formidable jeu technique de décors. Le rêve de Clara, traité de façon plus classique, réserve de superbes moments de danse avec l'excellente première danseuse canadienne Nathalie Caris, à la technique infaillible et la grâce infinie. Elle était très bien secondée par son Prince, le Hongrois Tam[135]s Nagy, premier danseur d'une compagnie dont on doit souligner l'excellence d'ensemble.

Het Nationale Ballet. Muziektheater Amsterdam (00.31.20.6.255.455). Prochain spectacle : « Brahms-programma », Balanchine/Massine, du 10 février au 7 mars.

« Roméo et Juliette », de Prokofiev, par Angelin Preljocaj, à l'Opéra de Lyon

Dix ans déjà

On a peine à croire, en voyant « Roméo et Juliette » monté par le chorégraphe d'origine albanaise Angelin Preljocaj pour le Ballet de l'Opéra de Lyon en 1990, que ce spectacle, devenu un mythe pour les amateurs de danse contemporaine, ait déjà exactement dix ans. Pour cet anniversaire, le chorégraphe lui a fait un somptueux cadeau en venant le régler lui-même sur la scène de l'Opéra de Lyon.

M YTHIQUE à double titre, ce « Roméo et Juliette », sur la musique abrégée de Prokofiev additionnée de séquences sonores de Goran Vejvoda, a été créé en décembre 1990 dans des décors du créateur de bandes dessinées yougoslave Enki Bilal.

Son succès fut tel qu'Angelin Preljocaj le remodela pour sa propre compagnie de danseurs, changeant décors et musique, et que cette mouture de 1994 reste un des spectacles phares de cette troupe. La version « lyonnaise » originale bénéficie d'une approche beaucoup plus classique, technique, que celle des danseurs du Ballet Preljocaj. Le vocabulaire est en grande partie classique avec des mouvements désarticulés, des équilibres, des pirouettes. Moins de brutalité dans les scènes de rues, rixes à la « West Side Story » à Lyon, ratonnades suburbaines au Ballet Preljocaj. Les décors lyonnais qui, dix ans après, ont encore belle allure, évoquent un univers plus industriel que ceux, concentrationnaires, d'Enki Bilal également, pour sa propre compagnie. La musique additionnelle de Vejvoda prend une part plus importante dans le spectacle remodelé qu'à Lyon. Le spectacle original,dont la scène du lit est extrêmement érotique avec ses quatre couples en miroir, est dansée avec beaucoup de sensualité par Anabelle Salmon et Misha Kostrzewski dans les rôles-titres et l'étonnant Mercutio de Thierry Véziès.
Deux spectacles différents, mais une même pensée chorégraphique de Preljocaj, dont la présence à Lyon pour cette reprise se sentait dans la fraîcheur des mouvements. Et - luxe suprême - l'Orchestre de l'Opéra de Lyon, dirigé avec beaucoup d'efficacité et de tendresse par Patrick Devian, officiait dans la fosse.

Opéra national de Lyon (04.72.00.45.45). Prochain spectacle chorégraphique : « Brown/Forsythe » les 7, 8, 9, 10, 12 et 13 février à 20 h ; le 11 à 16 h.
« Roméo et Juliette », monté par Angelin Preljocaj pour le Ballet de l'Opéra de Lyon, a été enregistré par R.M Arts et est disponible sur vidéocassette VHS.

« Peter Grimes », de Benjamin Britten, à l'Opéra néerlandais

Intervalle marin

L' OPERA néerlandais vient d'ajouter à son répertoire, déjà riche en œuvres du vingtième siècle, « Peter Grimes », l'opéra le plus célèbre de Benjamin Britten, dans une mise en scène de Francesca Zambello qui, avec « Billy Budd », du même compositeur, a donné à l'Opéra-Bastille un de ses plus beaux spectacles.

Pour ce drame maritime mettant en scène la marginalisation, le déchirement interne et l'inéluctable rejet par la société - thèmes chers à Britten - d'un pêcheur accusé de maltraiter ses apprentis, des garçons mineurs, le compositeur anglais a construit un univers marin dont les superbes pages symphoniques de musique pure servant de couverture aux changements de décors entre les scènes ont été isolées en une suite nommée « See Intervals ».
Francesca Zambello a accordé beaucoup d'importance à l'omniprésence des chœurs, les disposant avec une grande habileté tout au long de la scène grande ouverte de façon à créer deux niveaux de lecture avec le peuple représentant la censure et les personnages marginalisés du drame. Cela est très efficace dramatiquement même si cela ajoute une touche d'austérité qui n'était pas nécessaire.
Sans personnalité exceptionnelle, la distribution avait le mérite d'être bien équilibrée. Kim Begley, qui était le capitaine Vere dans le « Billy Budd » de Paris (voir « le Quotidien du Médecin » du 29 avril 1996), n'a ni l'étoffe vocale ni l'aura d'un grand Peter Grimes. Janice Watson était très convaincante dans le difficile rôle de Ellen et Della Jones une impayable Auntie.
Le Nederlands Philharmonisch Orkest ainsi que le Chœur de l'Opéra néerlandais étaient prodigieux de dramatisme et de luminosité, sous la direction très inspirée de l'excellent chef néerlandais Edo de Wart.

De Nederlandse Opera. Muziektheater Amsterdam (00.31.20.6.255.455). Prochain spectacle : « Tristan und Isolde », de Wagner, nouvelle production mise en scène d'Alfred Kirchner, direction de Simon Rattle. Les 1, 5, 13, 17, 21, 28 février à 18 h ; le 25 à 13 h 30.


Source : lequotidiendumedecin.fr: 6849