C 'EST à l'Hôtel-Dieu de Paris, lieu symbolique, que Dinah Vernant a choisi d'ouvrir une permanence d'accès aux soins pour les adolescents en grande difficulté sociale. Après quatorze mois de fonctionnement, la première structure spécifique pour la prise en charge des jeunes « oubliés des oubliés », selon la formule de Dinah Vernant, offre un profil de la population de consultants (la file active comprend 600 personnes).
Comment ces jeunes en rupture se présentent-ils sur le plan médical ? A la consultation, la moyenne d'âge est de 18 ans, explique D. Vernant ; 10 % d'entre eux sont illettrés et 5 % sont analphabètes. Entre 20 et 25 % mentionnent une maltraitance qu'ils ont subie et qui peut avoir déterminé la rupture. Les troubles du comportement alimentaire sont fréquents, mais surtout sous forme de boulimie (20 % des filles) entraînant des obésités, alors que ces jeunes peuvent souffrir de faim et de malnutrition (certains sont adressés pour des malaises). Plus de 60 % de ces jeunes ne sont pas vaccinés. Le tabagisme est fréquent, l'alcoolisme un peu moins. Le plus souvent, ils expriment des plaintes imprécises et c'est au référent de comprendre les besoins.
Toutefois, les pathologies infectieuses, et notamment pulmonaires, sont souvent l'occasion de la première consultation. Les asthmes sont fréquents et un circuit du traitement de l'asthme a été mis en place pour éviter les ruptures thérapeutiques.
Tous ces jeunes s'interrogent sur leur corps, mais les notions précises sur la sexualité et la contraception font presque toujours défaut. S'ils savent ce qu'est la pilule, s'ils connaissent l'existence du SIDA, ils ignorent les autres MST et méconnaissent la majorité des moyens de contraception. Les filles ont davantage peur de la stérilité (considérée comme un défaut gravissime dans les populations musulmanes et africaines) que des grossesses. « Est-ce que je pourrais savoir si je peux avoir des enfants ? », s'inquiètent-elles auprès du médecin.
« Dès lors qu'ils se sentent respectés, ils sont gentils et polis avec les soignants, et nous n'avons aucun problème de violence », précise le Dr Vernant.
Lorsqu'ils ont connaissance de cette structure souple et spécifique, souvent par le bouche-à-oreille, les jeunes gens viennent volontiers, d'autant plus que les consultations sont sans rendez-vous.
Des fractures culturelles ou sociales
Rien n'existait jusque-là pour les adolescents et jeunes adultes de 15 à 25 ans en situation de fragilité ou de rupture, « parce qu'ils ne peuvent compter sur leur famille (éloignée, ou qui les a mis à la porte de chez eux), qu'ils vivent des fractures culturelles (immigration) ou sociales (chômage) », explique le Dr Vernant. « J'ai rencontré tous les partenaires sociaux, les médecins scolaires et je me suis rendue compte que, dans les lycées et collèges, on trouve beaucoup d'adolescents en situation anormale », poursuit-elle. On peut citer les cas de jeunes Français nés de parents étrangers, qui sont renvoyés au pays pour revenir en France, déboussolés, quelques années plus tard. Il y a aussi des jeunes issus de familles bourgeoises explosées. Les jeunes qui perdent leur encadrement sont rapidement déscolarisés, échappent au système de soins, vivent dans l'errance, non dans la rue mais d'hôtel en hôtel, se débrouillent entre eux. Ils n'ont évidemment pas de couverture sociale et, dans de nombreux cas, n'ont jamais été suivis. Les vaccinations, les lunettes, les soins dentaires font cruellement défaut. Ils sont dans l'ignorance de leurs droits, comme la CMU, qui peut être attribuée à partir de 16 ans.
La consultation offre à ces jeunes qui n'ont eu aucun suivi médical un ensemble de soins gratuits : les consultations de spécialités (gynécologie, allergologie...), les soins dentaires, les vaccinations et même les lunettes sont à disposition et leur sont fournis sans frais.
Consultation des 15-25 ans, Hôtel-Dieu de Paris. Tél. 01.42.34.86.32.
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