Hémoglobine à 10,2
Avant l’intervention chirurgicale, le taux d’hémoglobine est à 10,2 g/dl, le VGM à 85 µ3, le taux sérique de ferritine à 80 µg/l, la saturation de la transferrine à 16 %. La CRP est < 4 mg/l. Chez ce sujet âgé, la fonction rénale est modérément altérée à 45 ml/min (clairance de créatinine calculée par la formule de Cockcroft). Trois mois après la néphrectomie, un avis néphrologique est demandé devant une aggravation de l’insuffisance rénale (clairance de Cockcroft à 27 ml/min) et de l’anémie. Celle-ci s’est considérablement aggravée à 8,7 g/dl, avec un VGM à 81 µ3, un stock martial effondré (un taux sérique de ferritine à 20 µg/l, une saturation de la transferrine à 8 %). La CRP est à 8 mg/l. Le patient précise qu’il est toujours fatigué et décrit un certain essoufflement à l’effort. L’ECG est normal, de même que le taux sérique des troponines. Le médecin généraliste adresse le patient au médecin hospitalier pour décision d’une mise en route d’un traitement par agent stimulant l’érythropoïèse (ASE).
Commentaire 1
Savoir reconnaître une anémie par déficit quantitatif en fer.
Avant la réalisation de la néphrectomie, ce patient a une anémie ferriprive. Il existe une microcytose à 83 µ3, un taux sérique de ferritine en dessous des valeurs normales (> 100 µg/l) et une saturation de la transferrine en dessous de 20 %. Les éléments biologiques du déficit en fer sont donc tous présents : anémie microcytaire, déficit en ferritine sérique, déficit en fer sérique, avec saturation de la transferrine, basse. L’absence de syndrome inflammatoire confirme que nous sommes bien en face d’un déficit quantitatif et non qualitatif. Si l’anémie était inflammatoire, la CRP et le taux sérique de ferritine seraient élevés. Quel est le mécanisme de ce déficit quantitatif en fer ? Il s’agit très certainement du saignement urinaire lié à la tumeur maligne du rein. En effet, comme un cancer du côlon qui saigne de façon chronique dans le tube digestif, responsable de selles contenant du sang (Hémoccult positif), peut créer une anémie par déficit quantitatif en fer, une tumeur rénale par l’hématurie micro- et/ou macroscopique chronique qu’elle crée peut également être responsable d’une anémie par déficit quantitatif en fer. La régulation de l’absorption intestinale du fer est sous le contrôle d’un petit peptide récemment individualisé et fabriqué par le foie : l’hepcidine. En cas de déficit quantitatif en fer, le taux d’hepcidine est effondré, permettant ainsi au fer intestinal d’être absorbé en grandes quantités et au fer du système réticulo-endothélial d’être libéré également en grande quantité. Ainsi l’hepcidine sera effondré jusqu’à ce que le stock de réserve martial soit reconstitué et l’anémie corrigée.
Commentaire 2
Une néphrectomie chez un sujet âgé ne peut qu’aggraver une anémie préexistante, empêchant ainsi celle-ci de se corriger spontanément.
La néphrectomie, indiquée comme traitement chirurgical de la tumeur maligne du rein, a néanmoins pour conséquence une réduction néphronique aggravée. Ce patient âgé de 82 ans a une maladie rénale de stade 3 (clairance de la créatinine calculée de 30 à 60 ml/min) avant l’intervention et bascule dans le stade 4 (de 15 à 29 ml/min) après la néphrectomie. Cette aggravation importante de l’insuffisance rénale crée une carence accentuée en érythropoïétine à l’origine de l’anémie secondaire à l’insuffisance rénale chronique. Le patient se trouve donc dans l’impossibilité de corriger spontanément l’anémie préexistante. De plus, l’aggravation du syndrome inflammatoire lié à l’insuffisance rénale crée une résistance à l’absorption intestinale du fer et à la libération du fer du système réticulo-endothélial (actions de l’hepcidine hépatique en présence d’une inflammation). Il n’est donc pas surprenant que l’anémie s’aggrave après la néphrectomie.
Commentaire 3
Le traitement par ASE ne doit être engagé que lorsque le stock martial aura été restauré.
Compte tenu de la sévérité de l’insuffisance rénale et de l’anémie par déficit quantitatif en fer, il est difficile d’obtenir une correction rapide du déficit par un apport en fer par voie orale. Il est donc nécessaire d’avoir recours à la voie intraveineuse (hydroxide ferrique-saccharose par voie I. V. lente, 200 mg/semaine pendant quatre semaines). Il est en effet urgent de corriger cette anémie qui peut être mal tolérée sur le plan cardiaque chez un patient âgé de 82 ans. Ce n’est que lorsque la ferritine sera remontée au-delà de 150 µg/l et la saturation de transferrine, au-delà de 20 %, qu’il sera opportun de mettre en place le traitement par l’érythropoïétine. L’indication est indiscutable si le taux d’hémoglobine demeure en dessous de 11 g/l après la restitution du stock martial.
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