LA MIGRAINE touche environ 12 % de la population. Environ 35 % des sujets atteints ont une migraine avec aura qui, à l'opposé des migraines sans aura, est caractérisée par des symptômes neurologiques survenant avant le mal de tête. Les histoires familiales et les études de jumeaux ont montré l'existence de facteurs génétiques dans la migraine, notamment dans la migraine avec aura, même si le mode de transmission semble complexe.
La migraine hémiplégique familiale est une variante rare et sévère de migraine avec aura ; elle suit un mode de transmission autosomique dominant. Dans cette forme de migraine, l'aura est caractérisée par un déficit moteur transitoire en plus des manifestations visuelles, somatosensorielles et dysphasiques, qui sont toutes réversibles. La plupart des patients atteints de migraine hémiplégique familiale n'ont pas d'autres manifestations neurologiques, mais quelques patients ont des troubles cérébelleux permanents.
Sur le plan génétique, cette maladie est hétérogène. Les familles ayant une migraine hémiplégique familiale de type 1 (MHF1) présentent des mutations non-sens dans CACNA1A, qui code la sous-unité alpha-1 du canal calcium Ca,2-1. La MHF1 regroupe des familles ayant une forme pure et la plupart des cas, si ce n'est tous, de la maladie associée à des signes cérébelleux. La migraine hémiplégique familiale de type 2 (MHF2) est associée à une mutation non-sens dans ATP1A2, qui code la sous-unité alpha-2 de la pompe Na/K (un transporteur transmembranaire). Il existait, on le savait, d'autres loci en cause à découvrir dans d'autres familles. Ce qui a conduit des équipes germaniques et néerlandaises (Martin Dichgans et coll.) à chercher un nouveau gène.
L'étude de vingt familles.
Pour cela, les auteurs ont étudié vingt familles atteintes de migraine hémiplégique familiale (familles comportant au moins deux membres atteints vivants) ; dans 11 de ces familles, les sujets atteints ne présentaient pas les mutations connues dans CACNA1A et ATP1A2. Afin d'identifier des loci supplémentaires, les chercheurs ont procédé à une analyse de liaison du génome dans les deux familles les plus grandes (9 sujets atteints dans la famille 15 et 5 dans la famille 16) puis dans une troisième famille (famille 10 : 4 sujets atteints) afin d'affiner les recherches.
Sans entrer dans les détails, les chercheurs ont identifié sur le chromosome 2q24 un nouveau locus de la migraine hémiplégique familiale (forme appelée MHF3 par des éditorialistes). Le séquençage de gènes candidats dans cette région a révélé une mutation hétérozygote non-sens (Gln489Lys) dans SCN1A, gène d'un canal sodium. Cette mutation était présente dans les trois familles étudiées.
Des mutations associées à l'épilepsie.
Fait très intéressant : ces mutations ont déjà été associées à l'épilepsie. Plus précisément, des mutations de SCN1A ont été identifiées comme étant la cause de l'épilepsie généralisée avec crises fébriles et de l'épilepsie sévère myoclonique de l'enfance.
« Notre étude suggère fortement un rôle pour SCN1A dans la migraine hémiplégique familiale. D'autres études sont nécessaires pour savoir si des variants de SCN1A constituent un facteur de risque de formes plus communes de migraine », concluent les auteurs.
La dysfonction canalaire dans la migraine avec aura.
Quelles peuvent être les retombées de ces nouveaux résultats, se demandent les éditorialistes Peter Goadsby et Dimitri Kullmann ? « Avec la publication, même si c'est sous forme d'abstract (Ambrosini A. et coll., "Neurology", 2005 ; 64 [suppl 1] : A132), d'une mutation d'ATP1A2 dans une famille ayant une migraine de type basilaire, le principe d'une dysfonction canalaire semble se généraliser dans la migraine avec aura. De plus, d'un point de vue thérapeutique la pathobiologie et les phénotypes partagés entre MHF1 et MHF3 et l'épilepsie renforce l'utilisation clinique de neuromodulateurs (anticonvulsivants) comme la valproate de sodium et le topiramate dans la prophylaxie de la migraine. »
« The Lancet » du 30 juillet 2005, pp. 371-377.
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