À Bourbonne-les-Bains, un couplage cure-accueil de jour

Un répit thermal pour les aidants Alzheimer

Publié le 04/05/2010
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DEPUIS la nuit des temps, la petite bourgade de Bourbonne-les-Bains, perdue dans les plaines de Haute-Marne, accueille dos et poumons souffrants. Les vertus de ses eaux thermales n’ont pas traîné à attirer l’attention, des Romains d’abord puis de leurs successeurs. Aujourd’hui, rhumatismes, ostéoporose, algodystrophies et affections des voies respiratoires y sont traités, sur prescription médicale. Depuis 2004, les thermes appartiennent au groupe Valvital. Avec leurs 10 000 curistes chaque année, ce sont les plus importants du groupe, avec le taux de satisfaction le plus élevé sur les 11 établissements, se félicite le P-DG Bernard Riac. La clientèle de Bourbonne est principalement âgée. Les cures sont bien plus médicales que de pur bien-être.

Groupes de paroles aidants.

La nouveauté de ces thermes ancestraux, c’est qu’ils ont établi un jumelage avec « la Belle Époque », l’accueil de jour de l’hôpital local. Les dirigeants des thermes ont en effet remarqué un phénomène récurrent au cours des dernières années : les curistes viennent en couple, « et puis, à un moment donné, l’un des deux ne revient plus, faute de structure, explique Bernard Riac. Et c’est précisément lorsque ces personnes, épuisées par leur conjoint, auraient particulièrement besoin d’une cure. » L’un des deux est Alzheimer et son conjoint l’aidant.

Jusqu’à présent, les patients Alzheimer étaient pris en charge à l’accueil temporaire de la maison de retraite. Aujourd’hui, ils ont aussi la possibilité de passer leurs journées à la Belle Époque, pendant que leurs aidants profitent de leur cure ; 70 % des patients de l’hôpital sont atteints de pertes cognitives.

Par ailleurs, un groupe de parole a été mis en place, à l’intention des aidants, au sein de l’accueil de jour, abordant les thèmes de la culpabilité, de l’annonce de la maladie ou sur la pathologie elle-même, souvent mal connue. « Nous voulons les aider à verbaliser leurs difficultés et à ce qu’ils s’autorisent à se sentir bien, explique Anne-Lise Pereira, infirmière . Nous assistons de plus en plus à un déni de la part des enfants, qui culpabilisent l’aidant, lui reprochent d’avoir "placé" l’autre parent en institution, de l’infantiliser. Eux ne vivent pas la maladie de leur père ou de leur mère au quotidien. »

L’équipe, dont l’ergothérapeute, la psychologue, l’AMP (aide médico-psychologique) s’investit également d’un rôle de prévention, face à la maltraitance. « Nous sommes confrontés à des aidants qui refusent l’aide, qui ont la sensation de ne pas être compris ou bien au contraire d’abandonner leur conjoint ». Le patient, lui, est soumis à des tests cognitifs. « Nous mettons en place un entraînement adapté, explique le Dr Philippe Escudier, gériatre et président de la CME de l’hôpital local. Et au bout des trois semaines, nous réalisons un bilan sur ses capacités que nous remettons à son aidant. Comme il a été invité à participer aux activités, il a pu voir comment nous travaillons et l’idée est qu’il puisse reproduire les exercices à la maison. »

Une cure aussi pour les patients Alzheimer ?

Pour le moment, seuls les aidants qui souffrent de rhumatismes ou autres maux justifiant une cure ont accès à ce couplage cure-accueil de jour. En effet, la Sécurité sociale refuse la prise en charge des cures inférieures à trois semaines. « De nombreux établissements thermaux militent pour la réduction de la cure remboursée », indique le Dr Escudier. « Les soins thermaux sont remboursés à 65 %. On estime qu’un curiste débourse 100 à 1 500 euros pour sa cure (hébergement compris) tandis que 300 à 350 euros seront à la charge de la Sécu. Pour beaucoup de personnes, qui ont de faibles revenus, amoindris par les frais du conjoint Alzheimer, cette cure mange tout le budget vacances. Qu’on ne vienne pas dire que c’est du luxe », s’énerve-t-il. « Le rêve, soupire le Dr Lionel Glohr, gériatre à Langres qui exerce une journée par semaine à l’hôpital de Bourbonne, serait de pouvoir proposer trois semaines remboursées aux aidants, à ce titre-là. » Une cure spécifique aidants. Même si l’aide aux aidants est bien dans l’air du temps, on n’en est pas là. Par ailleurs, trois semaines représentent une durée un peu longue et coûteuse pour deux curistes. Longue et potentiellement déstabilisante pour le patient Alzheimer, coûteuse, car, en plus du forfait journalier à l’accueil de jour (27 euros), il faut bien payer l’hébergement (à raison de 50 euros par nuitée). Et pourtant, cette cure « représenterait un bon investissement social, souligne le Dr Glohr , vu le travail et les économies que produisent les aidants ».

En attendant la cure spécifique aux aidants, le « kit Bourbonne pour aidants-patients Alzheimer » prend forme. La prochaine étape, en très jeune gestation, serait que les patients Alzheimer eux-mêmes puissent bénéficier de la crénothérapie. « Dans l’eau, on peut faire un travail intéressant, estime le Dr Escudier. Mais si l’on connaît les vertus des eaux thermales, on sait également que, actives, elles peuvent être fatigantes. Il faudrait donc s’assurer qu’elles sont bien adéquates ou peut-être limiter leur usage ». Et puis les horaires d’accès aux bains de ces patients pas comme les autres, qui posent notamment des problèmes d’incontinence, devraient alors être étudiés.

AUDREY BUSSIÈRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8764