P OUR une fois, c'est au tour du secrétariat d'Etat à la Santé de « porter une démarche interministérielle ». Le choix de Lionel Jospin, à cet égard, est naturel, fait-on remarquer avenue de Ségur, dès lors que le plan s'inscrit dans une démarche nutritionnelle de santé publique, et non pas dans une démarche de sécurisation des aliments, secteur traditionnellement à l'Agriculture et à sa direction générale de l'Alimentation.
C'est Martine Aubry et Bernard Kouchner qui avaient créé en 1998 un groupe de travail sur la question. Sous l'impulsion de Joël Ménard, alors directeur général de la Santé, puis de son successeur, Lucien Abenhaim, ce groupe, composé d'une quarantaine de personnalités d'horizons divers (scientifiques, représentants des instances administratives, médecins hospitaliers et industriels de l'agro-alimentaire), en partenariat avec le Conseil national de l'Alimentation, l'Institut national de veille sanitaire et l'Agence française de sécurité sanitaire, avait recensé le rôle des facteurs nutritionnels dans le déterminisme de nombreuses pathologies : cancers, maladies cardio-vasculaires, obésité et ostéoporose.
Un Français sur deux se déclare concerné
Profitant de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2000, Dominique Gillot avait voulu impliquer les Quinze dans les actions prioritaires qui en découlent (« le Quotidien » du 30 novembre 2000).
Aujourd'hui, la secrétaire d'Etat va donc présenter les grandes ambitions nutritionnelles du gouvernement, sur un sujet qui est ressenti comme particulièrement « fédérateur » : près d'un Français sur deux déclare être souvent concerné par le bénéfice « santé - mieux être » et surtout « forme - bien être » dans ses choix alimentaires (enquête Synergie santé environnement de Louis Harris).
« A l'aube de ce XXIe siècle, pour les pays occidentaux, la nutrition est devenue un facteur déterminant de la santé, avait déclaré en octobre Dominique Gillot, en lançant les états généraux de l'alimentation. Victimes pendant des siècles des pathologies de carence, nous sommes maintenant de plus en plus confrontés à une inadaptation des apports alimentaires aux besoins de nos organismes ».
D'où la priorité accordée par le PNNS aux domaines de l'information, de l'éducation et de la sensibilisation. Autre souci majeur, l'amélioration des soins, le repérage, le dépistage et la prise en charge, toutes actions où les autorités de santé publique entendent travailler en étroite concertation avec les associations de consommateurs ainsi que les industriels de l'agro-alimentaire.
« Pas un plan contre, mais un plan pour »
Au secrétariat d'Etat, on insiste sur l'innovation principale de ce plan : pour la première fois dans les annales de l'avenue de Ségur, on va s'attacher, non à s'attaquer à quelque chose, comme le tabac ou l'alcool - même si on le fait par ailleurs - mais à défendre un concept, une attitude nutritionnelle qui permettra d'éviter la survenue de toutes les pathologies liées à la mauvaise alimentation. « Ce n'est pas un plan contre, c'est un plan pour », explique un conseiller, qui n'hésite pas à parler, en l'espèce, d' « une sorte de révolution » dans la philosophie du plan. Les objectifs que nous poursuivons ne consistent pas à diminuer la prévalence de telle ou telle maladie, mais à atteindre des objectifs nutritionnels », insiste-t-il. Des objectifs comme ceux qu'avait indiqués en décembre Lionel Jospin : augmentation de la consommation des fruits et légumes, riches en fibres, vitamines, antioxydants et polyphénols ; baisse de la consommation des sucres raffinés, des viandes rouges au-delà de 10 % de l'apport énergétique total et de la consommation d'alcool au delà de 5 % de cet apport chez l'homme et de 2,5 % chez la femme.
Le plan se déroulera sur une durée de cinq ans, période pendant laquelle sera réalisée une évaluation continue, avec un bilan à mi-parcours et en fin de plan, par rapport aux indicateurs que constituent la consommation de calcium, de certains glucides, ou la diminution de la cholestérolémie.
Les médecins seront invités dans ce cadre à attacher une plus grande considération aux divers facteurs nutritionnels, en s'impliquant dans une démarche de prévention pour voir comment, en pratique libérale quotidienne, on peut s'attaquer à une épidémiologie aujourd'hui préoccupante.
Comme le rappelait le rapport du groupe d'étude mandaté sur la question par le Haut Comité de santé publique, les maladies cardio-vasculaires sont aujourd'hui la première cause de mortalité en France à l'origine de près de 170 000 décès chaque année ; l'obésité concerne entre 7 et 10 % des adultes et 10 à 12,5 % des enfants âgés de 5 à 12 ans ; la prévalence du diabète tous âges confondus est estimée entre 2 et 2,5 %. Et près d'un adulte sur cinq présente une cholestérolémie supérieure à 2,50 g/l. Des pathologies au coût économique considérable, chiffré à quelque 30 milliards de francs - sans parler du coût humain.
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