La guerre commerciale mine la croissance

Un orage économique

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Publié le 05/07/2018
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Un orage économique

Un orage économique
Crédit photo : AFP

Le seul moyen des Européens de contrer l'offensive commerciale de Donald Trump, c'est de l'imiter. Maintenant qu'il menace les exportations européennes d'automobiles (qui concernent l'Allemagne mais pas la France), la commission de Bruxelles se voit contrainte de taxer à son tour des portions de plus en plus grandes du total des importations en provenance des Etats-Unis. La guerre lancée par Trump a lieu dans un moment d'incertitude. D'abord elle fait chuter les marchés, ce qui constitue un premier élément négatif. Ensuite, l'orientation adoptée par le président des Etats-Unis sape la confiance des investisseurs, alourdit le climat des affaires et déclenche une série de comportements précautionneux incompatibles avec une croissance forte.

Or, même si Trump n'avait pas opté pour un protectionnisme archaïque et périlleux pour tout le monde, y compris pour son propre pays, les perspectives de croissance pour l'Europe en général et pour la France en particulier sont relativement médiocres. La vive croissance du second semestre 2017 et du premier trimestre 2018 laissait espérer une reprise durable, grâce à un regain d'optimisme chez les acteurs économiques. Il a fallu déchanter : notre croissance, qui a été de 2,3 % en 2017, ne dépassera pas 1,7 % du PIB (produit intérieur brut) en 2018.

Il se trouve que les chantiers du gouvernement sont inachevés. Il n'a pas encore réussi à diminuer sensiblement la dépense publique et va devoir faire ses choix avant la présentation du budget 2019, ou tout au moins les grandes lignes, dans les semaines qui viennent ; il est obligé de réduire ses prévisions de recettes budgétaires puisque le ralentissement de l'économie française entraînera un manque à gagner de plusieurs milliards d'euros ; il est enfin confronté à une demande accrue d'aide sociale dans un contexte politique marqué à la fois par le mécontentement populaire et par les attaques des oppositions de droite et de gauche.

La méthode des ballons d'essai

Ni le président, ni le Premier ministre, ni le ministre de l'Economie ne semblent perturbés par cette conjoncture défavorable. Bien entendu, il n'est pas question pour eux de montrer leur embarras devant une situation fiscale aux conséquences politiques négatives. On a vu à plusieurs reprises comment la méthode des ballons d'essai utilisée par l'exécutif pour tester certaines dispositions impopulaires (par exemple la réforme des pensions de réversion) déclenche la tempête, même si elle n'est pas suivie d'effet. Pourtant le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire et celui des Comptes publics, Gérald Darmanin, devront bientôt trancher dans le vif. Il ne faut pas oublier que, pour le budget 2018, il leur a été facile d'abaisser le déficit à 2,3 % du PIB en comptant davantage sur le surcroît de recettes offert par la croissance que sur la réduction, toujours insupportable pour l'opinion, de la dépense publique. Cette année, la méthode ne sera pas reproduite, car la popularité de l'exécutif tend à la baisse chaque semaine.

La Cour des comptes a d'ailleurs reproché au gouvernement son laxisme en matière de dépense. Elle n'ignore pas que l'exercice sera, pour le prochain budget, encore plus difficile que pour celui de cette année. Le gouvernement est donc placé au cœur d'un dilemme dont tous ses prédécesseurs ont souffert avant lui. Dans le cas particulier du gouvernement d'Edouard Philippe, il est vrai que, en termes de popularité, il était difficile d'associer les réformes à la réduction de la dépense. Il a pourtant essayé, notamment en rognant les APL (aides au logement), en augmentant la CSG (sans compensation pour les retraités dont la pension est pourtant gelée), en diminuant les crédits aux collectivités locales, en cherchant dans la myriade des prestations de toutes sortes de quoi remplir sa cassette. Seules les grandes réformes lui permettront, en rendant la dépense plus efficace et donc moins coûteuse, de trouver les fonds qui lui manquent.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9679