À partir du scanner pré-opératoire de la patiente

Un logiciel d’intelligence artificielle prédit la survie et guide le traitement du cancer de l'ovaire

Par
Publié le 21/02/2019
cancer ovaire

cancer ovaire
Crédit photo : PHANIE

« Nous avons développé un outil, le RPV (Radiomic Pronostic Vector, ou vecteur pronostique radiomique), qui pourrait être exploité pour guider la thérapie personnalisée du cancer épithélial de l’ovaire et pourrait potentiellement être appliqué à d'autres types de cancer » explique au « Quotidien » le Pr Eric Aboagye, spécialiste en Imagerie moléculaire et en pharmacologie du cancer et directeur du Centre d’imagerie du cancer au prestigieux Imperial College de Londres (Royaume-Uni), qui a conduit l’étude.


« Notre technologie est capable d’offrir aux cliniciens une information plus détaillée et précise sur la façon dont les patientes sont susceptibles de répondre à différents traitements, ce qui pourrait les aider à prendre des décisions thérapeutiques plus éclairées et ciblées », ajoute-t-il.
« L’intelligence artificielle a le potentiel de transformer le mode de prestation des soins de santé et d'améliorer les résultats pour les patients. Notre logiciel en est un exemple et nous espérons qu’il pourra être utilisé comme un outil pour aider les cliniciens à mieux prendre en charge et traiter les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire », ajoute dans un communiqué le Pr Andrea Rockall, radiologue à l’Imperial College de Londres et co-signataire de l’étude publiée dans Nature Communications.

Un vrai besoin de marqueurs prédictifs

Le cancer de l’ovaire, épithélial dans 90 % des cas, représente en France le 8e cancer le plus fréquent chez la femme ; il est néanmoins la 4e cause de mortalité par cancer chez les femmes, son diagnostic étant souvent tardif en raison d’une évolution silencieuse. Les patientes ayant un cancer épithélial de l’ovaire ont une survie à 5 ans de 40 % malgré les progrès thérapeutiques, et la majorité des décès surviennent dans les 2 ans suivant le diagnostic. Son sous-type le plus fréquent (cancer séreux de haut grade) est de pronostic très péjoratif. Par ailleurs le diagnostic au stade avancé (stade IIIC et IV), dans 3/4 des cas, est associé à une survie à 5 ans inférieure à 20 %. Ceci souligne le besoin d’identifier des marqueurs pronostiques pour stratifier les patientes et offrir des traitements personnalisés plus efficaces.


L’imagerie médicale computationnelle, ou la radiomique, est une discipline récente qui vise à mieux caractériser le phénotype des tumeurs. Elle consiste à analyser par des algorithmes une imagerie médicale afin d’en extraire des informations invisibles à l’oeil humain, comme la forme, la texture et l’hétérogénéité d’une tumeur.

Un indice RPV élevé indique un mauvais pronostic

L’équipe du Dr Aboagye a développé un logiciel (TexLab) pour identifier l’agressivité tumorale, en analysant les scanners pré-opératoires de l’ovaire de 364 patientes atteintes de cancer de l’ovaire (entre 2004 et 2015). Avec l’apprentissage statistique, ils ont découvert une signature pronostique, qu’ils ont nommée RPV (ou vecteur pronostique radiomique) ; elle repose sur 4 caractéristiques définissant la structure tumorale (taille, texture, hétérogénéité locale et globale).


L’indice RPV est associé à la survie des patientes, indépendamment des autres facteurs pronostiques connus (stade, âge et maladie résiduelle post-opératoire). Un indice RPV élevé indique un mauvais pronostic ; les patientes sont stratifiées par leur RPV en 3 groupes selon la survie (faible risque, risque moyen, risque élevé).
L’indice RPV apparaît supérieur aux marqueurs pronostiques actuels (comme le dosage sanguin du CA125, sous-type moléculaire) et a été validé dans 2 cohortes multicentriques.
Il permet d’identifier correctement les 5 % des patientes qui ont une survie moyenne inférieure à 2 ans.
De plus, l’indice RPV est étroitement associé à la réaction stromale et à la réponse aux dommages de l’ADN (par diverses analyses, y compris génétique et histologique).
Enfin, un indice RPV élevé est associé à une chimiorésistance et à l’échec de la chirurgie, ce qui suggère que ces patientes devraient être orientées vers des alternatives thérapeutiques, par exemple des thérapies modifiant le stroma (ex. Atezolizumab, Bevacizumab et Cobimetinib dans l’essai NCT03363867), selon les auteurs.

« Nous avons découvert et validé un nouveau descripteur mathématique du phénotype tumoral et du pronostic pour le cancer épithélial de l’ovaire » concluent les chercheurs ; « il ouvre la voie à plusieurs classifications des patientes et à leur inclusion précoce dans des essais cliniques. »


L’équipe a lancé une large étude rétrospective pour confirmer la valeur prédictive de la signature.

H. Lu et al., Nature Communications, 10.1038/s41467-019-08718-9, 2019

Dr Veronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9726