L A définition de la dyspnée varie selon qu'il s'agit du point de vue du clinicien ou du physiologiste. « Celle que l'on peut retenir et qui fédère tout le monde, explique le Dr Bernard Aguilaniu, est la perception d'une difficulté à respirer ». En 1999, une conférence de consensus a défini la dyspnée comme une expérience subjective d'inconfort respiratoire faite de plusieurs sensations élémentaires, qualitativement distinctes et variant en intensité. La notion d'expérience fait référence aux interactions possibles entre les facteurs physiologiques et les facteurs émotionnels, environnementaux et sociaux qui contribuent de façon significative à moduler cette expérience. Une contrainte respiratoire identique n'aura en effet pas les mêmes conséquences si le sujet est sportif, montagnard ou sédentaire. Dans tous les cas, ce symptôme témoigne d'un travail ventilatoire exagéré par rapport à la demande métabolique .
« Cela signifie qu'il existe des dyspnées à poumon normal, poursuit Bernard Aguilaniu, comme les dyspnées observées au cours de la spasmophilie, de l'hystérie, où le travail respiratoire est très augmenté par rapport aux réels besoins. »
Deux types d'outils sont proposés, les questionnaires spécifiques, simples à utiliser, qui aident à définir les caractéristiques de la dyspnée et les deux échelles d'évaluation : l'échelle visuelle analogique ou l'échelle de Borg qui comporte des graduations de 0 à 10, non symétriques. « Ces outils devraient être utilisés comme l'échelle d'Epworth, employée pour le diagnostic des apnées du sommeil. Ils permettent de donner un nom au symptôme, de le quantifier et reste extrêmement fiable en intra-individuel », poursuit le pneumologue
Caractéristiques de la dyspnée
L'interrogatoire sur la dyspnée doit être mené en fonction du champ d'action du sujet. Il est en effet fréquent que les sujets souffrant de dyspnée adoptent une attitude compensatrice, comportementale, pour limiter l'intensité de leur symptôme.
Ainsi, dans bon nombre de cas, les patients qui souffrent de dyspnée considèrent que leur état est normal. Les femmes, par exemple, admettent (trop) facilement de ne pouvoir marcher aussi vite que leur mari sans être essoufflées. L'interrogatoire doit donc explorer les activités de tous les jours : la marche, la réalisation des tâches ménagères, voire les activités sportives.
« On considère qu'un sujet en bonne santé doit être capable de faire au mois 20 kilomètres de marche par semaine sans ressentir la pénibilité de l'hyperventilation, explique Bernard Aguilaniu. Un essoufflement persistant justifie une consultation spécialisée et éventuellement une investigation. »
Une origine toujours pulmonaire
L'origine d'une dyspnée organique est toujours pulmonaire. Même lorsqu'il s'agit d'une myocardiopathie hypertrophique, la dyspnée reste la conséquence pulmonaire du dysfonctionnement cardiaque. « D'ailleurs, il n'existe aucune corrélation entre le retentissement anatomique observé à l'échographie cardiaque et la présence ou l'intensité d'une dyspnée, insiste le Dr Aguilaniu.
De la même façon, les paramètres ventilatoires mesurés en situation de repos, au cours des explorations fonctionnelles respiratoires usuelles (en particulier le VEMS), sont très médiocrement corrélés à l'intensité de la dyspnée.
Le rôle du médecin généraliste est de détecter et de quantifier la dyspnée. Le recours au spécialiste est alors utile pour explorer la fonction respiratoire de repos afin de détecter une contrainte ventilatoire comme le trouble ventilatoire obstructif. Si le VEMS est normal, il faudra rechercher l'obstruction bronchique de manière plus « subtile » par des signes de distension pulmonaire ou d'augmentation des résistances bronchiques. Fréquemment, l'exploration fonctionnelle de repos est normale ou peu altérée, et il faudra alors explorer la respiration au cours de l'exercice.
Le traitement de la pathologie respiratoire ou cardiaque détectée au cours du bilan de la dyspnée ne fait pas toujours disparaître le symptôme. Dans ce cas, il faut poursuivre les investigations, car il n'est pas rare qu'une myocardiopathie dilatée soit associée, par exemple, à une bronchite chronique obstructive.
Le médecin généraliste doit, après la prise en charge de l'affection qui a été détectée, réévaluer avec attention la condition du patient. Il faut particulièrement l'interroger afin de savoir s'il a pu récupérer le niveau d'activité physique de la vie quotidienne qu'il avait perdu à cause de cet essoufflement.
Enfin, chez les sujets âgés, la dyspnée est souvent due à un appauvrissement musculaire avec une altération de la perception des influx nerveux provenant des ergorécepteurs périphériques. La récupération d'un bon tonus musculaire permet de retrouver une ventilation normale et de diminuer la dyspnée... sans médicament.
D'après un entretien avec le Dr Bernard Aguilaniu (Grenoble).
Les mécanismes physiologiques
Deux mécanismes physiopathologiques permettent de mieux comprendre la dyspnée. Il peut s'agir d'un mécanisme d'hyperventilation. Cette ventilation « excessive » peut être comportementale, c'est-à-dire sans anomalie organique, ou organique, liée à une pathologie cardiaque ou pulmonaire. La dyspnée peut aussi être la conséquence de contraintes ventilatoires, notamment au cours de l'exercice. La mécanique pulmonaire peut être contrainte dans des situations pathologiques très diverses qui ne sont pas toujours liées à l'existence d'une maladie respiratoire : c'est le cas de certaines formes de surcharge pondérale (contraintes thoraco-abdominale), de l'insuffisance cardiaque chronique, parfois au cours de l'insuffisance rénale chronique ou de certaines formes de diabète... Enfin, bien sûr, et en premier lieu, les nombreuses affections obstructives pulmonaires dont la plus connue est la bronchite chronique.
Ces contraintes pulmonaires s'analysent d'abord par une exploration fonctionnelle respiratoire fine qui laisse désormais le vieux et fidèle VEMS au rang des outils de débrouillage.
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