LE RISQUE de cancer intestinal en relation avec une maladie de Crohn n’était pas clair jusqu’à la publication de deux métaanalyses qui ont montré récemment une association significative, le nombre de cancers augmentant parallèlement à la durée de la maladie de Crohn. «Ces résultats ont souligné aussi qu’il y a un nombre croissant de patients à risque de développer un cancer intestinal car la prévalence et l’incidence de la maladie de Crohn tendent à augmenter dans la population générale. (…) Aussi devrions-nous considérer un patient qui présente une maladie de Crohn ancienne comme à haut risque de cancer digestif.»
Ces propos viennent commenter une observation recueillie en mars 2004 chez un patient de 32 ans, venu consulter pour des douleurs abdominales basses et des selles sanglantes. Il présente depuis l’âge de 15 ans (soit une évolution sur une durée de dix-sept ans) une maladie de Crohn, confirmée endoscopiquement et histologiquement.
Des lésions confinées à la région iléo-cæcale.
Les lésions sont restées confinées à la région iléo-cæcale. Le patient avait été traité par mésalazine et un soutien diététique, mais il ne se soumettait pas aux endoscopies de suivi. Bien qu’active, la maladie était restée indolore jusqu’à l’âge de 29 ans. Une résection partielle de l’iléon et du côlon sigmoïde s’est alors compliquée d’une fistule. L’examen physique du malade à l’admission à l’hôpital a montré une douleur provoquée abdominale basse sans défense. Biologiquement, on note une anémie (hémoglobine à 8,5 g/dl), une hypoalbuminémie (28 g/l) et une légère augmentation de la protéine C réactive (11 mg/l). Une colonoscopie a été réalisée pour trouver l’origine des selles sanglantes. Ce qui a permis de découvrir une lésion de 20 mm sur 10 mm, faisant protrusion dans le cæcum, ulcérée et saignante. Une hémostase a été réalisée au cours de l’endoscopie. L’examen histologique a fait poser le diagnostic d’adénocarcinome mucineux qui apparaît infiltré de cellules inflammatoires. La tumeur et la muqueuse adjacente sont positives pour le gène p53.
Une hémicolectomie droite a été réalisée avec résection de l’iléon terminal sur une longueur de 10 cm. A la dernière consultation d’août 2006, le patient demeurait en rémission.
Selles sanglantes : coloscopie immédiate.
L’émission de selles sanglantes est rare dans la maladie de Crohn à localisation colique droite, non diffuse comme c’est le cas dans cette observation. «Ce symptôme justifie un examen colonoscopique immédiat», soulignent les auteurs. D’une manière générale, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici) font courir un risque de transformation maligne. L’association est connue depuis longtemps pour la rectocolite hémorragique. Cette observation montre que l’on commence à s’y intéresser de plus près dans la maladie de Crohn.
Il paraît nécessaire d’étudier l’effet de la mésalazine dans le cadre de cette maladie. On sait que ce médicament anti-inflammatoire intestinal (dérivé de l’acide amino-5 salicylique), indiqué dans les Mici, possède un effet préventif du cancer dans la RCH, mais son effet chez ce malade n’est pas apparu. Il serait également intéressant d’étudier le rôle de la mutation du gène p53 (gène suppresseur de tumeur).
« The Lancet », vol. 368, 18 novembre 2006, p. 1842.
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