De notre correspondant
C' EST le décès d'un jeune homme de l'Arizona, Jesse Gelsinger, l'année dernière, au cours d'une thérapie génique anticancer, qui a conduit la Food and Drug Administration (FDA) à adopter cette mesure de transparence. Elle correspond à un changement de stratégie car, jusqu'à présent, les chercheurs avaient obtenu de l'organisme fédéral qu'il fasse le silence sur les effets indésirables des thérapies géniques pour éviter toute panique dans la population et empêcher la raréfaction des volontaires.
Dorénavant, les chercheurs qui s'engagent dans une thérapie génique devront exposer sur Internet l'ensemble des effets indésirables connus du traitement expérimental ainsi que les mesures de précaution qu'ils mettent en œuvre pour limiter ou éviter de tels effets.
La décision de la FDA concerne les xénotransplantations qui ont fait l'objet de vives polémiques aux Etats-Unis. La directrice de la FDA, le Dr Jane Henney, a déclaré que « les deux technologies sont pleines de promesses mais elles posent des problèmes de sécurité sur lesquels il est indispensable d'informer les volontaires participant à une étude ».
Les associations de patients et de consommateurs ont approuvé la mesure qui, selon eux, permettra aux volontaires de faire leur choix en toute connaissance de cause ; mais les chercheurs sont très irrités et n'ont pas caché leur intention de combattre les nouvelles dispositions. Selon eux, les patients, dès lors qu'ils n'ont pas de compétence médicale, seront perplexes devant les informations qui leur seront fournies, nourriront des craintes quant aux conséquences d'une expérimentation et seront, en conséquence beaucoup moins nombreux à se porter candidats.
Le décès de Jesse Gelsinger avait montré que des irrégularités avaient été commises : s'il est le seul Américain qui soit officiellement considéré comme mort d'une thérapie génique et non de la maladie à cause de laquelle il avait tenté l'expérience, il a été démontré que d'autres patients souffraient d'une inquiétante dégradation du foie pendant la thérapie et que la FDA n'en avait pas été informée, pas plus qu'elle n'a su que deux singes sur lesquels on avait fait une expérience identique étaient morts.
Avant même la décision de la FDA concernant la transparence des xénogreffes et de la thérapie génique, les règles déjà en vigueur étaient sévères : les volontaires doivent remplir un formulaire dans lequel tous les risques liés à la thérapie génique sont clairement expliqués. Mais la FDA s'est aperçue que les formulaires n'étaient pas toujours remis aux patients et que les chercheurs avaient omis de le lui dire. De même si, au cours d'une xénogreffe expérimentale ou d'une thérapie génique, des effets indésirables aparaissent, les cherchent doivent immédiatement informer la FDA, ce qui n'est pas toujours fait. Le Dr Henney a précisé que les chercheurs impliqués dépendent d'un laboratoire qui a un intérêt commercial dans la réussite de l'expérience et qu'ils ne sont donc pas les plus qualifiés pour informer complètement les patients.
Mais il est arrivé que des patients meurent au cours d'une thérapie génique et que la FDA elle-même n'ait pas jugé nécessaire d'informer le public de ces décès, pour la raison que la mort, dans un certain nombre de cas, a été attribuée à la maladie elle-même (il s'agit le plus souvent de cancéreux en phase terminale) et non à la thérapie. Désormais, l'information sera complète et publique : les volontaires auront accès à toutes les expériences précédentes et à tous leurs résultats ; on leur dira qui peut être candidat à l'expérience et qui ne peut pas l'être ; on leur fera lire les compte-rendus des essais de phase 1 impliquant seulement des animaux.
Le Dr Sidney Wolfe, de l'association Public Citizen, applaudit à la décision de la FDA. Mais, ajoute-t-il, les essais sur des molécules ont entrainé plus de décès que la thérapie génique ou les xénogreffes. Il faut donc étendre, selon lui, les règles de transparence à tous les essais. Ce que les chercheurs considèrent comme une dangereuse dérive qui risque, affirment-ils, de freiner et peut-être même de bloquer la recherche médicale. Un porte-parole de l'industrie pharmaceutique, Michael Werner, souligne que la FDA, par ces nouvelles dispositions, met fin à 30 ans du secret de la recherche. « Jamais, dit-il au « Quotidien », les patients ne comprendront que les décès sont consécutifs à leur maladie et non à la molécule expérimentale. C'est d'autant plus regrettable que, quand la FDA considère un essai comme risqué, elle l'interrompt. Et puis, soyons sérieux : qui est le mieux placé pour informer un volontaire sur une étude en cours ? N'est-ce pas le chercheur ? »
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