L 'ALLIANCE atlantique n'est pas une organisation scientifique. D'où la décision rendue publique par son secrétaire général, George Robertson, de créer un comité spécial avec des médecins chargés d'étudier toutes les pathologies contractées par les soldats alliés ayant servi au Kosovo ou en Bosnie, et de passer en revue l'ensemble des facteurs de risque s'y rapportant, des phénomènes allergiques aux intoxications alimentaires, en passant par le tabagisme et, naturellement, l'exposition, l'inhalation ou l'ingestion de l'uranium 238, encore appelé uranium appauvri.
Les autorités de l'OTAN, en engageant ces études, n'en continuent pas moins à fustiger « les nombreuses désinformations » qui, assure le général américain Joseph Ralston, commandant suprême des forces alliées en Europe, circulent ces derniers temps sur la question.
Pour y répondre, l'Alliance va donc publier toutes les informations concernant l'usage de l'uranium appauvri dans les Balkans. Elle a déjà commencé en diffusant la liste de toutes les localités - dont 112 au Kosovo - où les munitions à l'UA ont été utilisées. Le ministre britannique des Forces armées, John Spellar, a insisté à ce propos sur le fait que 3 tonnes de ces fusées avaient été tirées en Bosnie et 9 au Kosovo, des chiffres qu'il a comparés aux quelque 300 tonnes qui avaient été déversées pendant la guerre du Golfe.
Une éventuelle fixation dans le cerveau
Les experts, pour l'heure, rappellent qu'ils ne savent pas exactement à partir de quelle dose l'UA devient nocif. Les quelques études qui ont été menées sur les anciens combattants de la guerre du Golfe n'ont pas conclu à une corrélation quelconque entre l'uranium 238 et quelque cancer ou pathologie que ce soit. Pour autant, le Britannique John Spellar reconnaît qu'il faut encore mener à bien d'autres études pour pouvoir rassurer pleinement les familles des anciens combattants.
C'est ainsi qu'on reste dans l'attente des conclusions des travaux menés par l'organisme de recherche du service de santé des Etats-Unis (Armed Forces Radiobiology Research Institute) qui suit l'évolution de soldats blessés à la suite d'une erreur de tir par des fragments d'uranium appauvri. Des fragments trop petits pour être enlevés chirurgicalement et qui se sont montrés réactifs chimiquement. Ils seraient localement irritants et leur dissolution lente pourrait conduire à une altération chronique du rein et à un dépôt d'uranium sur le squelette.
A ce jour, alors qu'aucun effet toxique n'a été décelé, l'institut américain a reproduit expérimentalement le même type de blessures chez le rat. Et, fait nouveau jamais encore décrit, les chercheurs se sont aperçus que l'uranium, qui diffusait dans l'organisme, pouvait se fixer en particulier dans le cerveau. Les conséquences de cette découverte sur l'organisme humain font actuellement l'objet d'une délicate évaluation.
En France, le Service de santé des armées continue à mener ses propres études pour évaluer tous les facteurs favorisant les leucémies, en particulier les solvants et les hydrocarbures. S'agissant des cinq cas diagnostiqués chez des militaires ayant servi au Kosovo, des examens d'urines viennent d'être pratiqués, pour vérifier leurs taux d'uranium et détecter d'éventuelles atteintes néphrologiques, qui corroboreraient un lien possible avec l'UA. Les résultats de ces analyses ne seront pas connus avant la fin du mois.
Des campagnes de dépistage
Le ministre de la Défense, Alain Richard, fait remarquer que « la fréquence (des cas de leucémie chez les militaires) est assez constante (...) et n'est pas substantiellement différente de la fréquence dans la population civile adulte ». Une assertion formulée devant la représentation nationale sans plus amples détails sur le mode de calcul du ministre.
De nombreux pays européens touchés par le syndrome des Balkans, sous la pression de leurs opinions publiques, ont en tout cas jugé opportun de lancer des campagnes de dépistage. C'est le cas en France, comme en Grande-Bretagne, où les gouvernements ont décidé de proposer des tests aux soldats des Balkans qui voudraient vérifier s'ils sont porteurs d'isotopes radioactifs.
Le Danemark propose un semblable examen à tous ses soldats ayant servi en Bosnie ou au Kosovo. L'Irlande, qui a envoyé sur place une équipe médicale pour contrôler le niveau d'éventuelles radiations, mettra en place dès la semaine prochaine des tests destinés, selon les autorités, à « rassurer » les soldats qui craignent d'avoir été exposés à une contamination.
Mêmes mesures en Russie, où les militaires qui le demandent devront être examinés avant le 20 janvier, tout comme les soldats de Lettonie. Au Portugal, enfin, la possibilité de subir les tests s'étend à tous les civils, policiers et militaires envoyés dans les Balkans qui en expriment le désir.
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