L ES syndicats de médecins libéraux seront « vigilants et refuseront de se laisser mener en bateau ». C'est dans cet état d'esprit que la plupart d'entre eux se rendent à l'invitation d'Elisabeth Guigou, qui réunit après-demain l'ensemble des représentants des professionnels de la santé mais également des caisses d'assurance-maladie, des ordres professionnels et de l'hospitalisation privée.
Echaudés par la concertation conduite en préalable au plan Juppé, puis par Martine Aubry, ils n'entendent pas renouveler l'expérience et « se laisser endormir par des discours apaisants », comme l'explique l'un des leurs.
C'est pourquoi la plupart d'entre eux, au premier rang desquels la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), vont demander en préalable un moratoire sur le mécanisme de maîtrise des dépenses de santé en vigueur depuis l'année dernière et qui a conduit la Caisse nationale d'assurance-maladie à procéder à plusieurs reprises à une baisse du tarif de certains actes de spécialistes. « On ne pourra pas s'asseoir pour discuter si on est toujours sous la menace de la CNAM. Tout ce processus doit être gelé », explique ainsi son président, le Dr Claude Maffioli.
Ils craignent par dessus tout que le gouvernement ne cherche à gagner du temps en attendant l'élection présidentielle et demandent donc à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de fixer clairement l'objectif et le calendrier de la concertation. « Nous souhaitons qu'elle débouche rapidement et que les premières réformes soit engagées dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 », poursuit le Dr Maffioli.
Maîtrise des dépenses de santé, avenir du système conventionnel, statut du médecin libéral, formation, démographie médicale et coordination des soins devraient probablement être au centre des discussions qui vont s'engager.
Sur ces différents points, « le Quotidien » rappelle ci-dessous les positions et les revendications des cinq syndicats représentatifs.
CSMF
Maîtrise des dépenses et convention
- gel du dispositif actuel de maîtrise des dépenses,
- mise en place d'une maîtrise médicalisée qui permet d'assurer à la population des soins utiles et de qualité ;
- opposé à un objectif de dépenses qui ne tiennent pas compte des besoins de la population ;
- pour un partenariat conventionnel fort dont les modalités devront être redéfinies, et pour une convention unique.
Statut du médecin libéral
- pour une réhabilitation des conditions d'exercice du médecin libéral. Ce qui implique une définition de la valeur réelle des actes, la prise en compte financière des tâches administratives qui se multiplient et une réforme de la fiscalité.
Formation
- favorable à la réforme de l'internat mais vigilant sur son application. Elle doit s'accompagner d'une réflexion sur le contenu des études médicales ;
- souhaite une relance des comités nationaux et régionaux de formation médicale continue qui déterminent la politique nécessaire dans ce domaine. Pour une formation médicale conventionnelle qui reste minoritaire.
Démographie médicale
- pour une régulation de l'offre de soins par zone géographique et par spécialité aux moyens de mesures incitatives. Fixation du numerus clausus en fonction des besoins de la population et non des besoins hospitaliers ;
- offrir la possibilité de passerelles entres les disciplines pendant la formation initiale mais également au cours de la carrière ;
- prise en compte de la qualité de vie professionnelle, notamment dans certaines spécialités sinistrées comme l'anesthésie.
Coordination des soins
- opposé aux filières de soins qui instaureraient un passage obligé par le généraliste et au dispositif de médecin référent. Préconise la mise en place de réseaux qui conservent le libre choix du patient ;
- mise en place d'un dossier médical unique tenu par le médecin généraliste ou le pédiatre avec obligation de le remplir par tous les intervenants et relance du carnet de santé. Le tout sur un support informatique.
FMF
Maîtrise des dépenses et convention
- pour une convention nationale polycatégorielle avec des volets spécifiques, librement négociée avec des partenaires sociaux réellement autonomes ;
- abrogation des ordonnances Juppé et mise en place d'une régulation médicalisée et concertée des dépenses d'assurance-maladie (et non des dépenses de santé).
Statut du médecin libéral
- maintien du statut libéral ; l'originalité de notre système, dans lequel public et privé coexistent, doit être pérennisé, et garantie à chances égales pour les deux secteurs.
Formation médicale
- adapter la formation initiale aux missions des médecins dans le système de soins (urgences, santé publique...) ;
- la formation médicale continue doit rester aux mains de la profession et non relever de la convention ; demande une pérennisation du fonds d'assurance formation des professions médicales (FAFPM).
Démographie médicale
- la démographie médicale doit répondre à la demande de soins des Français : création d'un observatoire national permanent de la démographie médicale.
Coordination des soins
- opposé aux filières de soins ;
- favorable à des réseaux de soins coordonnées axés sur le patient ou sur une pathologie sans exclure aucun secteur de soins et sans obligation pour les assurés ou pour les professionnels. Dans ce cadre, l'outil de coordination principal qu'est le dossier médical doit être détenu par le patient sous une forme à définir en fonction du développement des techniques de communication.
MG-France
1) Maîtrise des dépenses et convention
- Modifier la loi afin de redonner à la convention une vraie liberté d'action sur le système d'accès aux soins et la régulation des dépenses. Aujourd'hui, avec ou sans convention, le remboursement des soins est garanti aux assurés, les tarifs sont fixés et modulés in fine par décision gouvernementale, et l'arrivée de la CMU n'a fait que renforcer les prérogatives de la loi sur la convention
2) Statut du médecin libéral
- Identifier, reconnaître et valoriser toutes les missions que la société a confié aux médecins libéraux depuis 30 ans (maîtrise économique mais aussi contraintes administratives, tri dans le remboursable, motivation de prescription, santé publique)
- Mettre en place une rémunération nouvelle et adaptée pour cette activité hors soins et réévaluer les dispositifs d'accompagnement en terme de cotisations sociales, retraite, fiscalité dans le cadre d'un nouveau nouveau contrat social
3) formation médicale
- opposition à tout dispositif obligatoire de formation continue (la FMC s'intègre dans l'exercice normal du praticien et pour cela ne peut être que volontaire, optionnelle et rémunérée)
4) démographie médicale
- prendre en compte en terme de rémunération, mais aussi en terme logistique, les nouvelles conditions d'exercice des généralistes confrontés à une forte amplitude de travail, à une disponibilité constante, à la garde médicale
- réfléchir aux conditions de la participation des
généralistes libéraux à la mission de service public qu'est la réponse
à la demande croissante de soins non programmés
5) Coordination des soins
- Identifier et rémunérer comme telle la fonction de coordination des soins, organisée « essentiellement par le généraliste » entre les médecins mais aussi entre tous les acteurs de soins primaires
SML
1) Maîtrise des dépenses et convention
- les partenaires conventionnels doivent pouvoir disposer de curseurs (modulation du ticket modérateur, panier de soins, non-prise en charge de certains actes) pour réguler les dépenses ; en finir avec la « maîtrise comptable impossible » ;
- les conventions doivent viser à l'optimisation des dépenses et non être un « catalogue de sanctions économiques ».
2) Statut du médecin libéral
- redéfinir la place du médecin libéral dans la société et dans le système de soins ; préciser clairement et en toute indépendance les missions qui sont confiées aux médecins de ville ;
- les libéraux doivent retrouver la liberté des honoraires et prendre en charge la totalité de leurs cotisations sociales ;
- la collectivité doit se préoccuper de la qualité des actes et de leur pertinence.
3) Formation médicale
- revoir la formation initiale pour préparer d'avantage les médecins à la pratique de ville (donner par exemple plus de place aux pathologies rencontrées en ville dans les enseignements et stages) ;
- relancer une FMC structurée et incitative avec des thèmes définis par la profession et non par l'assurance-maladie ;
- la profession doit s'assurer que l'obligation déontologique de FMC est respectée.
4) Démographie médicale
- mettre en place des mesures de réorientation et de reconversion dans les zones de « surmédicalisation » ;
- mettre en place des mesures attractives pour encourager l'installation dans les zones « sous-médicalisées ».
5) Coordination des soins
- structurer la coordination des soins pour la prise en charge de certaines affections ou catégories de patients (personnes âgées) et pour l'hospitalisation à domicile ;
- refuser l'option médecin référent et « toute autre forme d'atteinte au libre choix du médecin par le patient » ;
- ne pas supprimer le principe du paiement direct du médecin par le patient.
UCCSF
Maîtrise des dépenses et convention
- abolition du dispositif Juppé de maîtrise des dépenses de santé. Une maîtrise, oui, mais portant aussi bien sur les médecins que sur les patients ;
- favorable à une convention unique avec des volets spécifiques à la médecine générale et à des groupes de spécialités. En cas de blocage, suggère l'expérimentation de conventions régionales.
Statut du médecin libéral
- révision du statut des médecins libéraux qui date de 1971 pour prendre en compte les missions nouvelles qu'ils assument, aussi bien du point de vue administratif que social ; revendique des dégrèvements fiscaux en compensation ;
- demande la prise en compte du cas particulier des médecins exerçant en clinique et assumant un certain nombre de tâches bénévolement (présidence de CME, vigilance sanitaire...).
Formation médicale
- pas d'hostilité à l'internat pour tous, mais crainte que l'examen national classant ne garantisse plus l'anonymat des candidats et que le niveau de formation des spécialistes en pâtisse ;
- favorable à une formation médicale continue non obligatoire et revendique en tant que syndicat représentatif de siéger au conseil de gestion du fonds d'assurance formation des professions médicales (FAFPM).
Démographie médicale
- approuve le desserrement du numérus clausus mais souhaite qu'un médecin puisse, moyennant formation, changer d'orientation et de spécialité au cours de sa carrière, afin de résoudre les problèmes démographiques dans certaines spécialités sinistrées.
Coordination des soins
- favorable aux filières et réseaux de soins qui permettent de mettre en uvre d'autres sources de financement ; demande que le ministère agrée les projets de réseaux déjà approuvés par la commission Soubie.
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