P ARLER du SIDA dans l'entreprise, c'est aborder plusieurs questions. Comment les salariés d'une entreprise cohabitent-ils aujourd'hui, après quinze années d'épidémie, avec des collègues malades ou infectés ? Quelle est leur perception de la maladie ? Comment les malades eux-mêmes assument-ils leur état ? Y a-t-il, pour les malades du SIDA, des perspectives professionnelles ?
A dire vrai, les choses évoluent lentement. D'ailleurs, la question du retour à l'emploi des malades du SIDA ou des personnes infectées prend une acuité particulière, avec les promesses nées des trithérapies.
30 % des séropositifs
Actuellement, environ 30 % des personnes séropositives ont une activité professionnelle, selon le Dr Brigitte Domont, médecin à la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) 93. « C'est parce qu'il s'agit d'hommes jeunes (75 % d'entre eux ont moins de 40 ans), dit-elle, que la problématique du travail est si importante. La moitié d'entre eux vivent avec moins de 4 000 F par mois. »
Cependant, le retour à l'emploi est difficile. « Pour obtenir un travail, il est préférable que la personne ne fasse pas état de sa séropositivité, explique Jean Corbu, responsable de SIDA Info Droit. Ce qui est évidemment un obstacle à l'obtention d'un mi-temps thérapeutique. »
Les malades vont même jusqu'à cacher leur statut sérologique au médecin du travail. Selon une enquête d'AIDES publiée en 1999, 58 % des personnes séropositives optent pour la dissimulation de leur état. Les autres en parlent plus volontiers à leur supérieur hiérarchique qu'au médecin du travail. Seulement une personne sur deux se confie au médecin de l'entreprise qui pourrait pourtant intervenir en faveur d'un aménagement du temps de travail. Les salariés malades ont peur d'une indiscrétion - cela s'est déjà produit avec la médecine du travail, rappelle SIDA Info Droit -, puis d'une mise à l'écart.
« Je travaille pour une compagnie de transport. Je suis sous trithérapie et de plus en plus fatigué. Je n'ose pas en parler au médecin du travail : nous avons tous les jours des appels de ce type », témoigne Jean Corbu. En dépit d'une loi, celle du 12 juillet 1990, qui réprime la discrimination en raison de l'état de santé et du handicap, les salariés se sentent vulnérables. « D'autres obstacles à la reprise d'un emploi surviennent, note le Dr Domont. Certaines personnes sont coïnfectées par le VIH et le virus de l'hépatite B ou C. Cela multiplie les traitements et les effets secondaires. »
Réformer le mi-temps thérapeutique
SIDA Info Droit soumet plusieurs pistes à l'étude ; la première consiste à « réformer le mi-temps thérapeutique ». L'association propose de « revoir les articulations entre les prestations sociales et de donner une aide financière à la réinsertion plus importante pour les employeurs ».
Dans certaines entreprises, les rapports que les salariés entretiennent avec la maladie s'améliorent. Au GAN, les premières tentatives du service médical pour parler du SIDA dans l'entreprise ont reçu un accueil glacial de la direction. « Dans un article du journal interne, en 1993, nous suggérions de mettre des préservatifs dans la trousse du voyageur. C'était avant l'été, se souvient l'infirmière du GAN, Chantal Pouvesle. La direction était choquée. Elle a censurée l'article. » L'année dernière, la cantine de l'entreprise avait accepté de placer sur ses plateaux des sets aux couleurs d'Arcat-SIDA. Ce qui donne la mesure du chemin parcouru. En 1994, aux enfants du personnel, employés au GAN pendant l'été, on remet des préservatifs. La même année, la projection d'un film sur le SIDA est vu par un tiers des salariés. Ensuite, animation, conférences se succèdent. « Les gens nous parlent plus facilement de leurs craintes », constate Chantal Pouvesle.
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