E N France, 85 000 enfants de moins de 6 ans auraient une plombémie supérieure à 100 microgrammes par litre (le seuil à partir duquel un enfant est reconnu comme intoxiqué). A peine 5 % de ces enfants seraient dépistés, selon une étude de l'INSERM (1). Depuis que la loi de juillet 1998 contre les exclusions fait apparaître le saturnisme dans les textes législatifs, 200 à 300 cas ont été signalés auprès de la préfecture, mais aucun travail de réfection des immeubles contenant des poussières de plomb n'a été entrepris, selon Médecins du Monde (MDM).
Maladie de l'insalubrité, le saturnisme touche les jeunes enfants vivant dans des immeubles anciens (construits avant 1948) et dégradés. Les enfants s'intoxiquent en ingérant des poussières de peinture plombées. « Sans signe clinique spécifique, l'intoxication atteint les enfants de façon insidieuse, altérant leur développement psychomoteur avec des troubles de la mémoire, de l'apprentissage et du comportement », indique le Dr Florence Suzan, membre de la Mission saturnisme infantile de MDM.
Signalement obligatoire
La loi de 1998 institue un signalement obligatoire auprès de la préfecture : le médecin doit déclarer les cas de saturnisme détectés et toute personne peut signaler un immeuble suspect. Après notification du préfet, le propriétaire des lieux a l'obligation de procéder à des travaux.
MDM, dont la Mission France travaille depuis 1992 sur cette question, souhaite que l'on « établisse une cartographie de l'ensemble des immeubles plombés qui serait remise aux médecins ». « Ils pourraient ainsi dépister plus efficacement le saturnisme auprès de leur clientèle », explique le Dr Suzan. Selon elle, la loi de 1998 représente « une avancée immense comparée au vide juridique antérieur », mais elle comporte des lacunes. Par ailleurs, elle n'est pas toujours suivie d'effets.
Ainsi, le décret fixant le seuil au-delà duquel un enfant est reconnu comme intoxiqué n'est toujours pas paru. MDM demande que le seuil correspondant aux recommandations internationales (100 microgrammes par litre) soit respecté. « Nous militons pour une politique de santé publique », argumente le Dr Suzan. C'est pourquoi elle réclame encore « l'inscription du saturnisme infantile dans la liste des affections longue durée (ALD) qui permettrait de reconnaître la gravité de l'intoxication et ses effets à long terme ». « Un suivi s'impose, dit-elle, en particulier chez les petites filles qui intoxiqueront bien plus tard leur ftus, du fait d'un remaniement osseux lors de la grossesse ».
Afin de sensibiliser les médecins et d'aider au dépistage de la maladie, MDM propose enfin d'instaurer « un interrogatoire systématique sur les risques de saturnisme lors des certificats d'examens de santé obligatoire des neuvième et vingt-quatrième mois ».
Des plaquettes pour les médecins d'Ile-de-France
Depuis sa dernière rencontre avec les représentants de MDM, en novembre, le secrétariat d'Etat à la Santé a travaillé sur le sujet en définissant différentes pistes de réflexion et d'action. Il envisage d'adresser aux médecins concernés (médecins scolaires, pédiatres, médecins de PMI, généralistes), en commençant par ceux de l'Ile-de-France, des plaquettes d'information sur le saturnisme qui précisent les zones à risques. L'Ile-de-France est l'une des régions les plus touchées. L'inscription au carnet de santé d'un interrogatoire systématique sur les risques de saturnisme, lors des certificats d'examen de santé obligatoire des 9e et 24e mois, semble être en bonne voie. Le secrétariat d'Etat à la Santé souhaite même l'étendre « à l'examen du 8e jour ».
En revanche, l'inscription du saturnisme sur la liste des affections longue durée (ALD) est encore à l'étude. Le haut comité de la Sécurité sociale a été chargé d'évaluer les avantages et le coût d'une telle mesure. A l'étude également, l'éventuelle gratuité de la première plombémie. « Le risque est de faire du systématisme », indique-t-on au secrétariat d'Etat. Quant au décret fixant le seuil à partir duquel un enfant est reconnu comme intoxiqué, il soulève encore des débats. D'un point de vue médical, les pouvoirs ne contestent pas le seuil de 100 microgrammes par litre. Ils s'interrogent cependant sur le seuil à partir duquel il faut « mettre en place des mesures d'urgence » : « En terme de réalité, sommes-nous capables, collectivement, de prendre les mesures nécessaires pour enlever systématiquement un enfant à son lieu d'habitation quand le dépistage est positif ? Nous travaillons actuellement à la manière dont on peut faire respecter le taux de plombémie ».
(1)« Plomb dans l'environnement : quels risques pour la santé? », janvier 1999, expertise collective.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature