D ES centaines et des centaines de morts, beaucoup plus de blessés encore et près de 20 000 personnes déplacées ou privées d'habitation : c'est le bilan tristement ordinaire d'une catastrophe naturelle de grande ampleur. La terre a tremblé, le week-end dernier, au Salvador. Violent séisme d'une magnitude de 7,9 sur l'échelle ouverte de Richter ; le plus violent, dit-on, qui ait été enregistré en Amérique centrale ces vingt dernières années, et qui laisse derrière lui plus de 600 morts et plus de 2 300 blessés, selon des chiffres provisoires. Environ 10 000 maisons ont été détruites et quelque 26 700 ont été sérieusement endommagées.
Comme toujours en pareille circonstance, de très nombreuses routes ont été coupées par des glissements de terrain et des éboulements, obligeant les secours à utiliser tous les moyens aériens disponibles pour accéder aux villages privés d'eau et d'électricité. Le président du Salvador, Francisco Flores, a réclamé des moyens aériens légers (des hélicoptères), des hôpitaux mobiles, des vivres, des couvertures, des tentes, bref l'équipement de base permettant de venir en aide aux centaines de personnes qui ont besoin de soins.
Pour la communauté internationale, qui a aussitôt envoyé des secours, la priorité est de prévenir d'éventuelles épidémies. Au Salvador, on envisage le moindre - la propagation d'infections intestinales banales - et le pire - une épidémie de choléra.
Selon Michel Brugière, directeur général de Médecins du Monde (MDM), « on ne peut pas dire que le Salvador est un pays à forte endémie, mais on ne peut pas dire non plus qu'il n'y a pas de risque ». L'Amérique latine et centrale sont en effet touchées par le choléra depuis 1992.
Le casse-tête des déchets
Membre de la Société française de médecine de catastrophe, le Pr Paul Petit estime que « les risques sont variables selon les endroits où se produisent les catastrophes et limités dans leurs mécanismes ». « Il faut sortir des grands dogmes qui voudraient que l'on soit systématiquement visés par la peste ou le choléra », dit-il. Le Pr Petit ne minimise pas pour autant certains risques qu'il juge réels, dès que « le tissu sanitaire et d'hygiène est détruit ». Les situations de catastrophes humanitaires, qu'elles résultent de séismes ou de guerres, favorisent l'émergence de pathologies dont la population pouvait déjà être porteuse indirectement.
« Il existe deux problèmes, explique le Pr Petit. Celui de l'eau en priorité et celui de l'accumulation des déchets. » La Société française de médecine de catastrophe évalue à trois litres par jour (et les militaires entre cinq et dix litres) la quantité d'eau potable nécessaire à un individu adulte pour satisfaire ses besoins de lavage et d'alimentation. Ce volume est porté à cent litres pour un malade hospitalisé. Il s'agit dans ce cas d'une eau propre, c'est-à-dire filtrée, et non d'une eau de boisson. L'évacuation des déchets demeure également un casse-tête : chaque jour, un millier d'adultes éliminent 250 kilos de matière fécale. « Cela pose quelques problèmes, lorsque 10, 20 ou 30 000 personnes sont réunies dans des conditions sordides. ». Les matières fécales polluent les eaux, favorisent la pullulement des insectes, rongeurs et autres bestioles et la contamination interhumaine par les mains sales. Reste enfin les cadavres, dont la manipulation fait courir un risque de pathologies à transmission fécale.
La mesure d'urgence consiste donc à « sortir les gens d'une ambiance où il n'y a pas d'hygiène ». Selon le Pr Petit, « il faut éviter les concentrations et les moindres épidémies ». « Notre priorité, précise, quant à lui, Michel Brugière, est de stocker de l'eau et de la traiter. »
Un DC-10, affrété par les autorités françaises, a transporté 85 intervenants au Salvador dont 55 appartenant à la sécurité civile française, 15 à la sécurité civile allemande, 8 au SAMU international et 2 à la Croix-Rouge française. L'appareil a emporté 30 tonnes de matériel nécessaire à l'installation de trois postes médicaux avancés qui renforceront les hôpitaux et dispensaires endommagés, ainsi que quatre unités lourdes de potabilisation de l'eau.
Une vaste chaîne de solidarité s'est rapidement organisée, en France notamment, pour venir en aide à la population du Salvador (1). Déjà présente dans le pays, MDM a renforcé ses effectifs. Un logisticien et un médecin sont partis de France avec un « kit catastrophe », composé de médicaments et de matériels d'urgence. Un second fret est en préparation. Plusieurs associations et organisations non gouvernementales (ONG) se sont mobilisées, comme la Croix-Rouge française, qui a dégagé une aide de 660 000 F pour l'achat de tentes, de lampes à pétrole, de bâches et de matériels de communication. Le Fonds des Nations unies pour l'Enfance (UNICEF) intervient sur place, dans 13 sites différents, pour « empêcher la propagation des maladies, en particulier par l'eau, et secourir les enfants traumatisés ». L'UNICEF estime à 0,5 million de dollars la somme qu'il va dépenser dans les toutes prochaines semaines pour ses secours d'urgence.
(1) Toutes les associations et ONG ont lancé des appels aux dons : Croix-Rouge française (Urgence Salvador BP 100, 75008 Paris) ; Plan international France (11, rue de Cambrai, 75019 Paris, avec mention Salvador au dos des titres de paiement) ; Secours catholique (106, rue du Bac, 75341 Paris, Cedex 07, CCP 737 G Paris, avec mention séisme Salvador) ; Care France (BP 175019 Paris).
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