Pancréatite aiguë

S’acharner à trouver la cause

Par
Publié le 22/11/2018
Article réservé aux abonnés
pancreatite

pancreatite
Crédit photo : PHANIE

Même si la cause semble évidente, toute pancréatite aiguë impose un bilan étiologique dès l’arrivée aux urgences, à poursuivre en ville !

Environ 75 % des pancréatites aiguës sont liées à une consommation excessive d’alcool associée au tabagisme ou à une lithiase biliaire. « La 3e grande cause, tumorale (pancréatite aiguë en amont d’une tumeur) est presque la 1re cause au-delà de 50 ans », indique le Pr Lévy.

Les autres causes sont exceptionnelles : génétique avant 35 ans, avec ou sans histoire familiale (transmission souvent récessive) ; métabolique (hypercalcémie majeure > 3 mmoles/l, hypertriglycéridémie majeure > 10 mmoles/l) ; post-traumatique (un traumatisme épigastrique peut léser le canal pancréatique et provoquer des pancréatites aiguës parfois des années après) ; auto-immunes (âge assez jeune, parfois associée à une MICI) ; virales (oreillons…), bactériennes (post-salmonellose) ou parasitaires (rares en métropole, très fréquentes en Asie du Sud-Est : ascaridiose, anguillulose).

Se méfier des causes évidentes

Après 60 ans, 60 % des femmes en surpoids multipares ont une lithiase vésiculaire. « Avant d’incriminer la lithiase, recherchons des signes discordants évocateurs de cause tumorale : bilan hépatique normal lors du 1er bilan, anomalies d’imagerie inattendues (dilatation du canal de Wirsung en amont d’un obstacle…) », insiste le Pr Lévy. Chez un jeune de 20 ans qui s’alcoolise, la cause ne peut être l’alcool (il faut 10 à 15 ans de forte consommation). « Elle est plus vraisemblablement héréditaire. La clinique volontiers larvée (retard diagnostic moyen : 9 ans) impose d’explorer les douleurs abdominales d’allure organique : dosage de la lipase en période douloureuse, endoscopie haute, échographie, scanner », recommande le spécialiste.

Le bilan commence dès l’arrivée aux urgences par les examens qui seraient ininterprétables si différés : bilan hépatique (à renouveler à 48 h pour ne pas rater la cinétique des transaminases, très évocatrice de pancréatite biliaire) ; dosage des triglycérides et de la calcémie car même si ces 2 causes sont rares l’hypercalcémie et surtout l’hypertriglycéridémie peuvent être fugaces ; échographie abdominale (si pancréatite aiguë inaugurale) car une lithiase vésiculaire ne peut éventuellement être incriminée que si elle est présente dans les 1ers jours (car après 1 mois de jeûne thérapeutique, 100 % des patients ont une lithiase vésiculaire).

Sauf exception, toute pancréatite aiguë doit avoir une cause. Après 50 ans une pancréatite ni alcoolique ni biliaire est tumorale jusqu’à preuve du contraire. Quand après une pancréatite aiguë peu sévère, le patient sort à J1 ou J2 de l’hôpital, le généraliste ou le gastroentérologue doit s’acharner à trouver la cause. Le bilan à ce stade est radiologique : un scanner multiphase (« Préciser de faire ingérer de l’eau (meilleur produit de contraste pour le pancréas) » note le Pr Lévy) ; une pancréato-IRM ; si besoin en 3e intension une échoendoscopie, seul examen permettant d’éliminer formellement une lithiase vésiculaire.

« Il faut refaire le scanner ou la pancréato-IRM à 6 mois pour étudier plus finement le parenchyme pancréatique et les canaux pancréatiques, exhorte le Pr Lévy. On évite ainsi de diagnostiquer un cancer du pancréas inopérable au stade métastatique 2 ans après une pancréatite ! »

Quelles sont les clés de la prise en charge ? « Pour un bilan de gravité précis, le scanner est à faire à J3 ou J4, pas à J0 (sauf cas d’emblée inquiétant). Dès l’arrivée aux urgences, perfuser abondamment avec du Ringer ou du NaCl pour limiter la gravité. Mettre en place une nutrition entérale artificielle le plus vite possible si l’on craint une pancréatite sévère (seul moyen médical de limiter la surinfection de nécrose et la mortalité). Si une pancréatite biliaire est probable, interdire l’alimentation per os tant que le problème biliaire persiste », conclut le spécialiste.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9704