L A maladie d'Alzheimer (MA) est une affection que l'on diagnostique au stade de démence, lorsque les troubles cognitifs et du comportement sont suffisamment sévères pour retentir sur les activités de la vie quotidienne, et donc entraîner une diminution de l'autonomie du sujet. Cependant, même à ce stade, 50 % des patients atteints ne sont pas reconnus. C'est ce qui ressort de l'enquête épidémiologique PAQUID, menée actuellement sur la population générale de la région Aquitaine. L'atteinte cognitive légère ou Mind Cognitive Impairment (MCI) regroupe des entités variables, d'étiologies diverses. Un certain nombre d'entre elles sont des maladies d'Alzheimer au stade prédémentiel. D'autres sont des troubles cognitifs liés à l'âge ou à des affections générales (HTA, diabète). Toutes ont en commun l'existence d'une baisse des performances cognitives, mais ces dernières ne sont pas suffisamment sévères pour qu'on puisse les caractériser comme MA.
Difficultés d'orientation temporelle ou spatiale
Plus de 50 % des sujets de plus de 55 ans se plaignent de troubles de la mémoire. Aujourd'hui, des tests comme le MMS (Mini Mental Status) et l'épreuve des cinq mots permettent au médecin généraliste d'orienter les patients vers des consultations de mémoire, en cas de doute diagnostique. C'est le cas si le patient présente des difficultés d'orientation temporelle, d'orientation spatiale, un trouble du rappel des 3 mots et des difficultés à compter à l'envers au MMS, une échelle en 30 points. Quant à l'épreuve des cinq mots, elle consiste à faire répéter au patient une liste de mots. Afin d'éliminer un trouble du rappel lié à une perturbation attentionnelle qui peut se voir en cas de dépression, on lui fournit des indices de récupération.
Lors de la consultation de mémoire, des tests vont mettre en évidence un syndrome amnésique hippocampique, qui reste prépondérant tout au long de l'évolution de la maladie. Il se caractérise par un rappel libre effondré (le patient rappelle librement peu de mots), une aide très partielle et très modérée de l'indiçage (il ne normalise pas ses performances avec les indices qui lui sont donnés), et la présence de nombreuses intrusions (il produit des items prototypiques). A ce stade, les lésions sont plus diffuses et d'autres secteurs cognitifs sont perturbés, avec des troubles du langage (manque du mot, paraphasie sémantique en situation de dénomination) et des troubles praxiques (gestuels, visoconstructifs). Des modifications du comportement et surtout un retentissement sur les activités de la vie quotidienne sont également présents. Le diagnostic de MA repose sur ces tests et les questionnaires de l'entourage.
Les examens complémentaires consistent en un scanner - pour éliminer une autre cause de détérioration cognitive, comme les accidents vasculaires multiples - qui est normal ou montre une petite atrophie non spécifique et un bilan biologique (NFS, VS) pour éliminer une maladie du sang, une hypothyroïdie, une carence en folates ou en vitamine B12, etc.
Eliminer les principaux diagnostics différentiels
Dans l'avenir, pour résoudre des cas complexes (plus de 10 % des sujets de moins de 60 ans ayant une MA ont une activité professionnelle), le centre expert ou académique doté de moyens d'investigation plus sophistiqués dans le domaine de la pluridisciplinarité devrait permettre de préciser le diagnostic. En effet, il existe des maladies très proches de la MA dans leur expression symptomatique, mais très différentes quant à leur pronostic et à leur prise en charge : dégénérescence cérébrale focale, démence fronto-temporale, atrophie corticale postérieure, aphasie progressive. Seront alors proposés un examen du langage approfondi, une exploration des fonctions frontales, une mesure volumique des structures de l'hippocampe, un SPECT permettant de montrer des zones d'hypoperfusion localisées, voire un prélèvement génétique, en cas de forme familiale.
Des médicaments dont on sait qu'ils pourraient avoir une action sur le ralentissement de la maladie sont en cours de développement. Sachant que la MA commence probablement vingt ans avant le début des premiers symptômes, il est nécessaire de définir des algorithmes de diagnostic précoce, afin de pouvoir mettre en route ces traitements le plus rapidement possible. En effet, il a été montré que si l'on pouvait retarder le début des troubles, ne serait-ce que de cinq ans, la prévalence de la maladie diminuait de 50 %.
D'après un entretien avec le Dr Bruno Dubois, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
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