Nombreuses sont les personnes exposées au tabac (fumeurs ou ex fumeurs) qui présentent des symptômes respiratoires en dépit d’une spirométrie strictement normale. Et aujourd’hui, « une pratique courante en pneumologie comme en médecine générale consiste à traiter ces patients de manière empirique avec des traitements de la BPCO », souligne le Pr Chantal Raherison-Semjen, indépendamment des mesures spirométriques et sans qu’ils ne remplissent les critères diagnostiques de BPCO.
Pas de diminution des symptômes
Dans l’étude SPIROMICS 2016, la moitié des anciens gros fumeurs présentaient des symptômes respiratoires importants mais une fonction pulmonaire préservée à la spirométrie, et près d’un tiers était traité par bronchodilatateurs inhalés, glucocorticoïdes inhalés ou les deux.
Or cette pratique n’a jamais été évaluée à la lumière de l’evidence based medicine. D’où l’intérêt suscité par l’essai RETHINC publié le 4 septembre dans le New England Journal of Medicine (NEJM) et présenté simultanément au congrès européen de pneumologie (ERS, 34-6/09/22, Barcelone). Coordonnée par le Dr Meilan Han (Division of Pulmonary and Critical Care, University of Michigan, Etats-Unis) cette étude a inclus 535 personnes symptomatiques, exposées au tabac par le passé (10 paquets-années au minimum) et dont la fonction pulmonaire était préservée selon la spirométrie. Ces patients ont reçu deux fois par jour pendant 12 semaines soit un placebo, soit de l’indacatérol (β2-agoniste) associé à du bromure de glycopyrronium (antagoniste des récepteurs muscariniques -anticholinergique- de longue durée d’action). « L’utilisation de cette bithérapie fixe longue durée d’action n’a pas diminué les symptômes, résume la chercheuse, bien que le volume expiratoire maximal par seconde ait augmenté d’environ 40 ml dans le groupe traité ».
Par conséquent, comme le suggère l’éditorialiste du NEMJ, le Pr Don Sin, directeur du Centre for Heart Lung Innovation de Vancouver (Canada) « ces médicaments devraient très probablement être réservés aux patients atteints de BPCO, dont la limitation du débit d’air est cliniquement significative ».
Des résultats très attendus... à confirmer
« Ce type d’essai était très attendu. Placer ces patients sous association de bronchodilatateurs à longue durée d’action semble donc inutile au vu de cet essai, confirme Chantal Raherison, mais ces résultats devront être confirmés par d’autres études ».
Ce d’autant que, « ces patients, relativement nombreux, s’ils ne remplissent pas les critères diagnostiques de BPCO du fait d’une fonction pulmonaire préservée, expriment une plainte à laquelle il nous faut répondre. C’est une question en suspens. De plus, ils sont considérés comme étant à un stade pré-BPCO et les traiter précocement peut être intéressant afin de limiter la dégradation de la fonction pulmonaire ».
Par ailleurs, plusieurs limites dans cette étude sont à souligner, notamment « le choix de l’association de bronchodilatateurs utilisée dans l’étude plutôt qu’une association fixe avec des corticoïdes inhalés », poursuit la pneumologue. Cet essai met aussi en évidence les limites de la spirométrie. Comme l’explique le Pr Don Sin, la BPCO débute dans les petites voies respiratoires (< 2 mm de diamètre), « ainsi, au moment où la spirométrie peut être utilisée pour détecter une limitation cliniquement significative du débit d’air, les patients sont généralement dans leur cinquième ou sixième décennie de vie ou au-delà et ont perdu plus de 40 % de leurs bronchioles terminales. La spirométrie ne peut pas être utilisée pour identifier les personnes ayant des antécédents de tabagisme qui présentent un risque élevé de progression de la maladie car le test est trop peu sensible pour détecter la maladie des petites voies respiratoires ».
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