L' HYPOTHETIQUE association entre SEP et vaccination n'a rien d'un débat neuf. Dès 1961, en effet, la question était posée dans la littérature (Palffy et coll. World Neurol 1961 ; 2 : 167-72). Avec la controverse, qui s'est développée en France autour de cas d'affections démyélinisantes apparus peu après la vaccination contre l'hépatite B, la question a toutefois pris un tour beaucoup plus crispé. On se souvient qu'en octobre 1998 Bernard Kouchner prenait la décision de suspendre le programme de vaccination scolaire, sur la base de résultats francais et anglais indiquant une augmentation non significative du risque de SEP chez les sujets vaccinés. Le « Vidal » signale aujourd'hui que des cas de démyélinisation ont été rapportés après vaccination, sans que le lien de causalité ait été établi, et l'attitude générale est l'abstention en cas d'antécédents de maladie auto-immune.
Une étude franco-canadienne et une étude américaine
Dans ce contexte, les résultats rapportés dans le « New England Journal of Medicine » sont plutôt rassurants. Il s'agit d'une étude franco-canadienne et d'une étude américaine, qui, en fait, ne poursuivaient pas rigoureusement le même objectif. Si la seconde vise directement l'association entre vaccination anti-VHB et évolution d'une SEP, la première s'est intéressée à la vaccination en général, notamment les vaccins antitétanique, antitétanique combiné, anti-VHB, anti-grippe et à leurs éventuels effets sur le risque de rechute à court terme.
Le principe consistait, chez des malades en rémission depuis au moins douze mois et ayant reçu au moins une vaccination durant cette période, à rechercher un éventuel rôle causal de cette vaccination dans la rechute en analysant l'intervalle séparant l'une de l'autre. On a recherché un excès de vaccination dans les deux mois précédant la rechute, par rapport aux quatre périodes antérieures de deux mois chacune. Aucun résultat n'a été obtenu en faveur d'un tel excès.
Les données de la European Database for Multiple Sclerosis ont permis d'identifier 643 patients ayant présenté une période de rémission de douze mois au moins entre 1993 et 1997. Parmi eux, 15 % ont rapporté au moins une vaccination durant cette période ; vaccination confirmée dans 94 % des cas. On note que certains patients ont pu recevoir plusieurs vaccinations (144 vacinations rapportées, 135 confirmées), que 39 patients ont été vaccinés contre l'hépatite B, enfin que deux vaccins vivants ont été administrés (fièvre jaune).
Le risque relatif lié à la vaccination est de 0,71 %
2,3 % du total des patients ont été vaccinés durant les deux mois précédant la rechute, contre des proportions comprises entre 2,8 % et 4 % pour les périodes antérieures. Le risque relatif lié à la vaccination dans les deux derniers mois s'établit donc à 0,71 % (0,40-1,26 pour 95 %). Pour les vaccins antitétanique, anti-VHB et anti-grippe, il n'apparaît pas davantage de risque spécifique. Enfin, les mêmes analyses, reconduites pour des périodes de référence de trois mois ou de un mois avant la rechute, font apparaître des risques relatifs de 0,58 et 1,18 respectivement.
Tout en notant que « la période de un mois est probablement la période la plus sensible dans cette population de patients atteints de SEP », et que « le risque relatif semble décroître lorsque la période considérée s'allonge, peut-être en raison d'un effet de dilution », les auteurs concluent que « leur analyse n'a identifié aucun accroissement du risque de rechute après vaccination chez des patients en rémission depuis douze mois ».
192 infirmières atteintes de SEP
Quant à l'étude américaine, elle a été menée au sein des cohortes d'infirmières suivies aux Etats-Unis depuis 1976. Elle concerne 192 femmes atteintes de SEP, dont 32 avaient reçu une vaccination contre l'hépatite B avant le diagnostic. On note que toutes ces vaccinations étaient prouvées par certificat. 645 femmes ont par ailleurs été recrutées à titre de contrôle, dont 534 en bonne santé, et 111 atteintes d'un cancer du sein.
En analyse multivariée, le risque de SEP associé à la vaccination, quel que soit l'intervalle de temps séparant celui-ci du diagnostic de SEP, ressort à 0,9. Quant au risque relatif associé à une vaccination dans les deux ans précédant le diagnostic, il ressort, lui, à 0,7.
La même analyse a été effectuée chez les femmes ayant reçu le vaccin recombinant, à partir de 1987. 28 femmes atteintes de SEP avaient reçu ce vaccin avant le diagnostic, dont 8 dans les deux ans précédant le diagnostic. Le risque relatif varie de 0,6 à 0,8 et semble donc mettre le vaccin hors de cause chez ces femmes.
Les auteurs concluent que leurs résultats « ne démontrent pas d'association entre la vaccination contre l'hépatite B et la SEP chez les femmes », et que « considérant l'importance de la prévention de l'hépatite B en santé publique, la notion d'une possible augmentation du risque de SEP n'apparaît pas justifier de changement dans la politique de vaccination qui pourrait compromettre ou retarder le contrôle de l'infection ».
C. Confavreux et coll. « New Engl. J. Med. » 2001; 344 : 319-26.
A. Ascherio et coll. « New Engl. J. Med. » 2001; 344 : 327-32.
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