Brève

Parler avant de se parler

Par

Publié le 09/02/2017

visuel Dolan

Pourquoi un texte happe le spectateur, le saisit comme s’il s’adressait à lui personnellement et atteint l’universel ? Juste la fin du monde est d’abord une pièce de Jean-Luc Lagarde repris régulièrement depuis sa création sur les scènes françaises jusqu’à la Comédie-Française. Xavier Dolan l’adapte avec rage et urgence. L’histoire tient en une phrase. Un jeune auteur d’une trentaine d’années revient dans sa famille après douze ans d’absence pour essayer de leur annoncer qu’il est atteint du sida. Le film déroule le récit de cette journée particulière. On est loin, on s’en doute, du retour du fils prodigue. Peut-on faire comme si l’on est encore tous frères et sœurs, en dépit des différences culturelles et des trajectoires de vie si diverses ? Comment parler avant de se parler ? Est-il juste d’annoncer l’air de rien sa mort prochaine à la fin d’un repas dominical ? Où se niche alors la vraie violence ? Est-ce celle d’un frère sanguin qui éructe à chaque phrase ou plutôt s’exprime-t-elle chez cet intellectuel qui a seulement donné de ses nouvelles par trois mots sur une carte postale et déclencherait une déflagration par sa révélation ? Tout le film se déploie ainsi dans un zone grise où se mêlent honte sociale, trahison des siens et douleur de l’arrachement. Xavier Dolan nuance sa palette dans sa peinture de cette famille dézinguée grâce à un quintette d’acteurs exceptionnels. Bref, loin d’être la fin du monde comme il est dit dans le film, c’est juste la fureur de vivre...

Juste la fin du monde de Xavier Dolan, Grand prix du festival de Cannes 2016, avec Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Nathalie Baye. DVD et BluRay 19,99 euros. Diaphana édition.