Après une première étape de projets pilotes menés dans plusieurs départements dès 1989, le dépistage organisé (DO) du cancer du sein a été généralisé en France en 2004. Actuellement, les femmes âgées de 50 à 74 ans sont invitées tous les 2 ans à bénéficier d’une mammographie avec double incidence associée à un examen clinique (et si nécessaire une échographie) prise en charge à 100 % par l’Assurance-maladie sans avance de frais. À la différence du dépistage « individuel », le DO comprend une double lecture des clichés par deux radiologues, un contrôle qualité du matériel tous les 6 mois et l’enregistrement systématique des données, permettant son évaluation régulière.
Des polémiques sur de mauvaises bases
Cependant, malgré les qualités reconnues de ce DO, des controverses concernant les risques de surdiagnostic et de surtraitement qu’il pourrait induire et les doutes sur la baisse réelle de la mortalité sont régulièrement mises en avant, contribuant à une diminution des taux de participation, actuellement de 50,7 % (en 2016) en France.
Les détracteurs du DO basent souvent leur argumentaire sur des études anciennes ou des programmes ayant des modalités très différentes de celles du modèle français, avec des âges de participation pouvant aller de 35 à 80 ans et des protocoles organisationnels très divers. À titre d’exemple, l’échographie et l’examen clinique sont inconstamment pratiqués. Or, il est prouvé que ces derniers peuvent déceler des cancers infraradiologiques. De plus, le recours à une deuxième lecture des mammographies n’est pas systématique, bien qu’elle permette d’identifier de 7 à 9 % des cancers.
Pas de surdiagnostics, meilleur taux de survie à 5 ans
L’enregistrement prospectif des données autorise l’évaluation précise des programmes de DO. Ainsi, son impact a été récemment mesuré dans une étude bas-rhinoise (1) comparant 2 139 patientes, enregistrées de manière prospective entre 2001 et 2015, réparties en deux groupes : 1 001 femmes ayant eu recours au DO, et 1 138 n’en ayant pas bénéficié. Environ 10 % des patientes de chacun de ces groupes ont été traitées pour un carcinome in situ, et près de 90 % pour un carcinome invasif, sans différence significative. Le DO n’a donc pas surdiagnostiqué des lésions préinvasives. Pour le groupe des femmes ayant eu recours au DO, les tumeurs invasives diagnostiquées ont été significativement plus petites, et le taux d’atteintes ganglionnaires moindre.
Le DO a permis une réduction des taux de mastectomies et de curages axillaires d’environ 20 %, et des taux de chimiothérapie d’environ 15 %. La survie à 5 ans a été significativement meilleure dans le groupe DO, les patientes non dépistées ayant eu un risque de décès augmenté de 76 % (HR 1,76 ; IC 95 % [1,03 – 3,00]) par rapport au groupe DO.
Les résultats « grandeur nature » des autres études récentes portant sur le DO l’encouragent également sans réserve.
Responsable de l’unité de sénologie, pôle de gynécologie-obstétrique du CHRUde Strasbourg
(1) Mathelin C. « Impact du dépistage : une expérience française », 41es Journées du CNGOF, décembre 2017
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