UN CONCEPT est en train de gagner du terrain : soigner des maladies génétiques en injectant des molécules de la matrice extracellulaire. C’est cette voie qu’ont empruntée des chercheurs de l’université de la Nevada School of Medicine pour tester chez l’animal un traitement de la myopathie de Duchenne. Leurs résultats ouvrent de grands espoirs pour le traitement de cette maladie. L’équipe de Jachinta Rooney a montré l’efficacité de la laminine -111, en injection systémique ou intramusculaire, sur un modèle murin porteur d’une mutation du gène de la dystrophine et appelé mdx. C’est à la fois au niveau tissulaire, biologique et clinique qu’a été constatée la restauration musculaire : stabilisation du sarcolemme, normalisation du taux de créatinine kinase et protection du muscle contre les lésions secondaires à l’exercice. La laminine exercerait son effet thérapeutique en augmentant l’expression d’une autre protéine, l’intégrine alpha 7, connue pour être augmentée au cours de la maladie de Duchenne et pallier le déficit en dystrophine.
Présente au cours de l’embryogenèse.
Comme plusieurs études le suggéraient, les chercheurs ont ainsi voulu tester l’hypothèse de l’intégrine alpha 7 comme agent pouvant ralentir l’atteinte musculaire. En effet, certaines myopathies chez l’homme et la souris sont dues à une mutation de cette protéine. De plus, il avait été prouvé antérieurement chez l’animal que sa surexpresssion par manipulation génétique améliorait les symptômes musculaires et la durée de vie, tandis que le fait de l’éteindre aggravait le phénotype et provoquait un décès prématuré. Restait à trouver un moyen d’augmenter l’expression de cette intégrine sans passer par la thérapie génique. Une aubaine pour les chercheurs : la laminine, une protéine qui se lie à l’intégrine au cours de l’embryogenèse.
Moins de myofibrilles pathologiques.
Jachinta Rooney et coll. ont d’abord montré in vitro que l’ajout de laminine augmentait l’expression de l’intégrine alpha-7 sur des myocytes murins et humains. Une fois cette étape passée, ils ont injecté en intramusculaire la protéine à des souris mdx âgées de 10 jours, qui étaient ensuite sacrifiées à l’âge de 5 semaines. Sur les biopsies musculaires, il est apparu que les myofibrilles prenaient douze fois moins la coloration pathologique EBD et qu’il y avait quatre fois moins de noyaux centraux. Étonnamment, le poids moléculaire élevé de la laminine (900kDa) ne s’est pas révélé être une barrière à ce que la protéine soit distribuée aux muscles. Comme les sujets myopathes sont très sensibles aux lésions dues à la contraction, les chercheurs ont étudié le sarcolemme des souris après leur avoir fait faire de l’exercice. Comment ? Les petits rongeurs étaient contraints à courir sur un tapis roulant en pente. Il est apparu qu’il y avait 28 fois moins de myofibrilles anormales chez les souris traitées que chez les contrôles.
Le mécanisme protecteur de la laminine passe par l’augmentation de l’adhésion et de protéines compensatrices. L’équipe de Jachinta Rooney a ainsi montré que l’intégrine alpha 7 était multipliée par un facteur 4. À noter que si les chercheurs ont également constaté qu’une autre protéine correctrice appelée utrophine était augmentée, il ne fait aucun doute que les taux mesurés sont beaucoup trop faibles pour entraîner un quelconque effet thérapeutique. En revanche, il semble bien que la laminine exerce également un effet propre sur les forces de cisaillement générées lors de la contraction musculaire. Ces résultats précliniques méritent de faire l’objet de recherches en thérapeutique humaine. La laminine donne ainsi de l’espoir de pouvoir guérir la myopathie de Duchenne. Mais pas seulement puisqu’elle pourrait être bénéfique dans d’autres myopathies telles que la dystrophie musculaire de type 1A, la myopathie en ceinture et la myopathie liée à un déficit en intégrine alpha.
Proc Natl Acad Sci USA, édition avancée en ligne.
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