« Q UAND on a la chance de travailler dans un cadre historique aussi exceptionnel que celui de l'hôpital du Vésinet, on a forcément à cur de contribuer à sa préservation ; c'est dans cet esprit que m'est venue l'idée d'organiser une exposition», explique le Dr Christian Leroux, chef du service d'électroradiologie de l'ancien « asile impérial ».
Un établissement qui, comme le souligne le texte justifiant son inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, illustre à merveille les conceptions médico-sociales en vigueur sous le Second Empire. D'où l'idée des maîtres d'uvre de la manifestation, médecins de l'établissement, musée du Service de santé des armées, musée de l'Assistance publique, amis de Napoléon III, de s'en servir comme de l'écrin de l'évocation d' « une révolution sociale et médicale sous le Second Empire ».
Les six glorieuses
Evidemment, il ne s'agit pas d'attribuer à la personne de Napoléon III le mérite de cette révolution, ou plutôt de ces révolutions : sur le plan humanitaire, par exemple, premier chapitre de l'exposition, si la Croix-Rouge voit le jour sous son règne, c'est quand même grâce à Henri Dunan et non par le fait de l'empereur ! Au demeurant, « la médecine humanitaire constitue bel et bien une invention du XXe siècle, pas du XIXe », souligne le Pr Philippe Monod-Broca, l'un des organisateurs de l'exposition.
De même, les extraordinaires avancées médicales de l'époque, qui ont fait dire à Jean Bernard qu'on avait connu durant cette période « les six glorieuses de la médecine » (fondation de la médecine anatomo-clinique, développements de l'hygiène, de l'anesthésie et de l'antisepsie, pasteurisation, description des modes de transmission des fièvres puerpérales, etc.) reviennent bien sûr à des scientifiques, pas à des politiques.
En revanche, il faut reconnaître à Napoléon III d'avoir été l'inventeur de la notion de moyen séjour et le promoteur des hôpitaux qui lui sont dévolus.
Après celui de Saint-Maur, au sud-est de Paris, l'« Asile impérial » du Vésinet, inauguré en 1859, devait à l'origine accueillir des hommes et « c'est sur la demande pressante de l'impératrice Eugénie, raconte Françoise Guillaud, l'actuelle directrice des lieux, qu'il fut finalement réservé aux ouvrières de la capitale, envoyées ici par des hôpitaux et des bureaux dits de bienfaisance ».
Ouvrières, domestiques, couturières, blanchisseuses, lingères ou encore fleuristes, elles séjournaient en moyenne 23 jours dans les 350 lits et 50 berceaux que comptaient l'asile. Elles s'y relevaient des atteintes de typhoïde, phtisie, pneumonie, chloro-anémie, les principales pathologies relevées dans les archives, avec un faible taux de mortalité (76 décès au cours des huit premières années de fonctionnement).
L'abondante iconographie présentée pour l'exposition (huiles, gravures, photos, dessins) permet de découvrir le service médical assuré par cinq praticiens, avec la visite, tous les jours à huit heures, l'infirmerie et la crèche, sous la surveillance d'une quinzaine de surs hospitalières de l'Ordre de la Sagesse ; les bâtiments, dessinés à l'intérieur d'un parc de 31 hectares, avec jardin potager, écurie et « vacherie » (les menus étaient souvent à base de buf bouilli), bénéficiaient des dernières innovations de la technique, les salles étant chauffées par des calorifères à air chaud, les cabinets de toilette alimentés en eau chaude et en eau froide.
Sont aussi évoqués quelques autres établissements dits « à visée sociale » créés à la même époque, tels les Quinze-Vingt (sous le patronage de l'impératrice), l'asile d'aliénés de Charenton, l'institut des jeunes aveugles, des institutions de sourds-muets (Paris, Chambéry, Bordeaux).
L'alma mater
Les hôpitaux généraux ne sont pas en reste. C'est la fondation de l'Assistance publique (1849), l' alma mater, comme dit le Pr Monod-Broca, et l'avènement des grandes structures hospitalières modernes, édifiées à la faveur du percement des grands boulevards haussmanniens. Au total, pas moins de 172 établissements seront construits sous le Second Empire. De quoi étayer la tentative de réhabilitation d'un régime dont l'aura sociale est restée longtemps occultée. « Il n'est peut-être pas politiquement correct de le faire remarquer, mais nous avons encore à apprendre de ces hôpitaux du Second Empire, conclut Philippe Monod-Broca. On n'y entendait jamais dire : "Vous reviendrez quand vous aurez des papiers en règle". »
Hôpital du Vésinet (72, avenue de la Princesse), jusqu'au 11 février, du dimanche au vendredi de 14 h à 19 h, le samedi de 10 h à 19 h.
L'hôpital du Vésinet aujourd'hui : un « concentré de la détresse humaine »
Avec un statut d'hôpital départemental de moyen séjour, l'hôpital du Vésinet, qui dispose d'une capacité de 342 lits avec un effectif total de 450 personnes, est organisé aujourd'hui en quatre services : le service de médecine physique et de rééducation, le service de convalescence médicale, le service des longs séjours (personnes âgées dépendantes) et le service de convalescence pré- et postnatale (CPPN).
« Ce dernier service, unique en son genre en France, est le plus directement héritier de la tradition "impériale" d'origine de notre établissement, explique la directrice, Françoise Guillaud. Les femmes qui y sont admises, trois mois avant l'accouchement, et qui restent hospitalisées jusqu'à trois mois après, constituent un concentré de toute la misère psychologique, médicale, sociale et morale, bref, de toute la détresse humaine. Parmi elles, des grossesses multiples, des victimes d'inceste, de viol, des immigrées sans papiers, des SDF, des prostituées. Elles sont très nombreuses à nous être adressées, mais nous ne disposons que d'une quarantaine de lits et d'une vingtaine de berceaux, nous ne pouvons donc répondre qu'à un quart des demandes. »
Sous l'autorité du Dr Micheline Blazy, la gynécologue qui dirige le service, ces femmes sont prises en charge par une équipe pluridisciplinaire, avec des psychiatres, des toxicologues qui assurent le sevrage des nouveau-nés, ainsi que par des assistantes sociales.
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