I L y a quelques mois, dans « Archives of Diseases in Chilhood » (2000 ; 83 : 429-434), l'équipe de J. R. Kerr (Oxford) publiait une étude sur la mort subite du nourrisson (MSN) où elle concluait à une association entre cet événement et la présence d' Helicobacter pylori, le germe pouvant, selon ces auteurs, être impliqué dans la causalité (lire « le Quotidien » du 25 octobre 2000).
Se penchant sur différents termes de l'étude, deux chercheurs de Dublin, Marion Rowland et Brenden Drumm, rédigent dans le « Lancet » une argumentation qui va à l'encontre de cette conclusion qu'ils considèrent comme spécieuse.
Une utilisation fâcheuse
Ce qui leur paraît d'autant plus fâcheux que les médias l'utilisent pour avertir le public contre les dangers supposés des baisers et câlins donnés aux bébés (potentiellement transmetteurs d' Helicobacter pylori).
D'abord, Roxland et Drumm contestent la validité des bébés contrôles (8 sur 32 cas), qui ont subi une MSN à l'hôpital (à l'inverse des cas) et dans des conditions particulières : deux étaient des prématurés et trois sont décédés des suites d'une antibiothérapie à large spectre.
Ensuite, ils considèrent que les résultats positifs signant la présence d' H. pylori dans des tissus extérieurs à l'estomac pourraient correspondre à une détection croisée d'un autre micro-organisme car, dans plusieurs cas, ce germe n'est pas identifié dans l'estomac des enfants, ce qui est contradictoire pour un germe ayant un tropisme aussi important pour le tissu gastrique.
Aucune information n'est donnée sur la présence ou non d'une gastrite, alors que cette atteinte est quasiment toujours présente dans l'infection par H. pylori et alors que son absence peut signifier qu' H. pylori n'a pas colonisé la muqueuse gastrique.
Les informations manquent également concernant les limites, la sensibilité et la spécificité des tests de détection utilisés (des ELISA et des PCR).
Ensuite, les deux auteurs soulignent qu'en dépit des allégations de Kerr et al. le mode de transmission d' H. pylori demeure inconnu. Tout au plus sait-on que le principal facteur de risque est constitué par des conditions socio-économiques défavorables pendant l'enfance. Etant donné que ce paramètre n'a pas été pris en compte comme variable confondante dans l'étude, ses résultats ne peuvent être interprétés.
Le statut de la mère non étudié
Les auteurs de l'étude initiale, par ailleurs, font l'hypothèse que la transmission d' H. pylori se fait par la mère ; or, le statut de la mère concernant le germe n'est pas donné.
Kerr et coll. citent dans leur publication d'autres études sur H. pylori et MSN pour argumenter leur conclusion. « Mais la seule d'entre elles qui a été publiée n'est qu'une hypothèse », écrivent Rowland et Drumm, qui citent une publication dans laquelle l'utilisation de l'immunohistochimie et de la PCR nichée pour détecter H. pylori n'a pas permis de mettre au jour une association entre le micro-organisme et la MSN.
Enfin, une explication donnée par Kerr et coll, selon laquelle le risque d'inhalation du contenu gastrique est beaucoup plus important en cas de couchage en position ventrale, n'est pas démontrée. Au contraire, il a été prouvé que cette position est associée à une diminution du reflux chez les nourrissons.
« Lancet », vol. 357, 3 février 2001, p. 327.
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