L E témoignage de plusieurs responsables d'associations de malades montre, parfois de façon très émouvante, que beaucoup de chemin reste à parcourir avant d'optimiser la prise en charge des victimes de maladies rares.
L'annonce du diagnostic est encore trop souvent faite de façon brutale sans accompagnement vrai, affirme Christel Nourissier (association Prader-Willi France). L'accès aux médicaments est parfois difficile : des discussions de prix entre laboratoires et pouvoirs publics retardent la mise à disposition de certains produits ; certaines caisses régionales peuvent refuser de rembourser des médicaments utilisés par des experts, mais dont l'AMM ne contient pas l'indication retenue ; certaines innovations thérapeutiques sont jugées bien chères et leur imputation au budget hospitalier entrave leur diffusion, par exemple les anti-TNF alpha dans les formes graves de la maladie de Crohn (Jacques Bernard, association François-Aupetit).
Il existe aussi d'importantes disparités départementales dans la prise en charge ; certaines caisses acceptent de couvrir les déplacements vers des centres hors région mais offrant une expertise plus grande, alors qu'une majorité s'y refuse.
Que fait l'administration ?
Les frustrations des associations de malades sont alimentées par la lenteur des propositions législatives en matière de droit des malades. Un projet de loi qui n'est toujours pas au programme parlementaire et risque par la suite d'être repoussé du fait des échéances électorales.
Pourtant, affirme Françoise Antonini, déléguée générale de l'Alliance des maladies rares (un collectif qui regroupe 67 associations), les patients atteints de maladie rare ont particulièrement besoin d'un accès à un dossier médical bien fait, compte tenu des soins multiples et des consultations dans différents centres que nécessite ce type de pathologie et d'une évolution chronique qui va le plus souvent dans le sens d'une aggravation.
L'Alliance demande que l'on améliore l'accès au diagnostic et aux médicaments, dont certains ne sont pas commercialisés pour cause de trop faible rentabilité ou sont retirés du marché après une carrière longue, alors même qu'ils peuvent rendre de grands services dans des maladies rares.
Les blocages administratifs apparaissent caricaturaux quand Mme Antonini affirme que l'Alliance attend toujours une réponse à une lettre adressée au secrétariat à la Santé en juillet 2000.
Le sénateur Claude Huriet est, lui, mécontent : il constate qu'on attend toujours la mise en œuvre du texte sur les thérapies géniques adopté en 1996 dans le cadre d'une loi DMOS (« Journal officiel » du 29 mai 1996). Ce texte prévoit, entre autres, la création d'un guichet unique pour les thérapies géniques et d'un Haut Conseil des thérapies génique et cellulaire auprès du Premier ministre. Heureusement, ajoute le Pr Huriet, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a pris l'initiative de créer le guichet unique sans attendre les textes réglementaires, ce qui permet de pallier les lenteurs administratives.
Des raisons d'espérer
Le colloque a pourtant permis de dégager des motifs de satisfaction et d'espoir. Tout d'abord, la médecine a accompli des progrès notables, parfois révolutionnaires. L'exemple de la mucoviscidose montre d'ailleurs que la simple rationalisation des outils thérapeutiques disponibles, même s'ils ne permettent pas la guérison, accroît considérablement l'espérance de vie des patients (Pr Daniel Dussert, Cochin).
En outre, l'Europe joue un rôle moteur depuis l'adoption, par le Parlement européen, de la loi sur les médicaments orphelins. Françoise Grossetête, député européen, qui a joué un rôle dynamique dans ce domaine, s'est lancée avec beaucoup d'enthousiasme dans son travail parlementaire, même si l'Europe avait plus de vingt ans de retard sur les Etats-Unis. Depuis que la loi a été adoptée, le Parlement européen met les bouchées doubles, avec la création d'un comité des médicaments orphelins (auprès de l'Agence européenne) qui a déjà traité 110 dossiers et octroyé 8 désignations, cela en un peu plus de deux ans.
Parallèlement, une association qui coordonne les associations de patients européennes (EURORDIS) s'est donné pour objectif de promouvoir la création d'alliances dans les différents pays membres, de participer activement au comité des médicaments orphelins, de promouvoir et de mettre en œuvre un plan d'action communautaire sur les maladies rares, avec, en particulier, la création d'un site-portail européen.
Dans ce domaine, l'expérience d'Orphanet** est à l'honneur de la France, dans la mesure où, depuis 1997, elle réunit sur le Net une masse d'informations sur les maladies, sur les références bibliographiques, sur les centres de soins et de recherche, sur les associations de patients, sur les consultations et laboratoires spécialisés et, très prochainement, sur les essais cliniques en cours.
Cet énorme travail a permis de recenser quelque 3 465 maladies, 819 laboratoires, 1 200 programmes de recherches, 566 maladies disposant d'un diagnostic de certitude et 191 associations de malades.
Une richesse qui explique la fréquentation du site (quelque 600 000 pages par mois), en sachant que, si la moitié des interrogations vient de France, l'autre moitié provient de 70 pays différents.
Le Dr Ségolène Aymé, directeur de recherche à l'INSERM, souligne donc le grand service rendu aux patients et à leur famille, en particulier en leur indiquant les centres spécialisés dans la prise en charge des maladies rares : une sorte de labellisation avant l'heure qui, conclut le Dr Aymé, impose beaucoup de rigueur dès lors qu'on ne veut pas divulguer des informations tronquées, risquer la perte de confiance des malades en leur médecin traitant et nuire à l'émergence de nouvelles équipes entraînant tous les malades vers les mêmes centres, parfois très distants. A contrario, l'ignorance de ces centres hyperspécialisés peut correspondre, dans certains cas, à une réelle perte de chance. Le droit à l'information s'impose donc, redisons-le, avec prudence et rigueur.
* Avec le soutien des Laboratoires Merck Sharp & Dohme-Chibret.
** http://orphanet.infobiogen.fr
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