LE QUOTIDIEN - Vous avez accepté sans hésiter d'écrire un ouvrage sur les maladies auto-immunes, destiné notamment aux généralistes. Vous estimez donc qu'ils ont un rôle important à jouer dans ces affections ?
Pr ERIC HACHULLA - Présenter un ouvrage pratique sur les maladies auto-immunes systémiques destiné aux médecins généralistes me paraissait important pour deux raisons :
- d'une part, aider le médecin généraliste à penser aux maladies auto-immunes et l'aider dans le choix des examens complémentaires pour faire un bon diagnostic ;
- et, d'autre part, le médecin de famille est aujourd'hui un médecin partenaire dans la prise en charge de ces maladies ; il doit être capable de répondre aux interrogations du patient qui est de plus en plus curieux, trouve de nombreuses informations, sur Internet notamment. Il doit aussi être capable de choisir les bons examens complémentaires pour la surveillance de ces maladies rares, en partenariat avec la surveillance assurée par le médecin hospitalier en général en charge de ces maladies.
Les maladies auto-immunes ne sont donc pas des maladies rares, décelables principalement par des internistes ou autres spécialistes expérimentés ?
Les maladies auto-immunes systémiques restent, pour la plupart, des maladies rares qui ont en général besoin du médecin spécialiste pour être affirmées afin d'éviter de porter à tort un diagnostic incertain, ensuite inévitablement repris dans les courriers ou par le patient lui-même.
Les conseils pratiques apportés par cet ouvrage destiné aux médecins et aux patients sont là pour mettre à l'aise le médecin de famille avec son patient vis-à-vis d'une pathologie qui n'est pas quotidienne.
Par ailleurs, certaines de ces maladies auto-immunes systémiques sont loin d'être rares ; c'est le cas, notamment, du syndrome de Gougerot-Sjögren, dont la fréquence dans la population générale est estimée entre 1 et 2 %. Il constitue même, sans doute, l'affection auto-immune la plus fréquente avant la polyarthrite rhumatoide. On peut banaliser un syndrome sec oculaire ou buccal ; mais si on lui donne une explication, la tolérance en est souvent meilleure et facilite l'efficacité du traitement symptomatique.
Qu'attendez-vous en pratique des généralistes dans le domaine des maladies auto-immunes ? Quel sera le bénéfice pour les patients ?
On ne peut demander au médecin généraliste de tout connaître sur le lupus ou de tout connaître sur la micropolyangéite. En revanche, il faut que le médecin généraliste sache penser au diagnostic devant certains symptômes, au lupus devant une polyarthrite chez une femme jeune par exemple, et qu'il puisse choisir l'examen complémentaire le plus pertinent et le plus performant pour en évoquer le diagnostic dans un but non seulement de qualité de soins, mais aussi dans un but économique. Le bénéfice pour le patient est alors évident : en matière de maladies auto-immunes systémiques, faire un diagnostic précoce limite bien souvent les conséquences systémiques viscérales.
Vous n'avez pas écrit cet ouvrage seul. De quelles compétences vous êtes-vous entouré ?
Cet ouvrage est le fruit d'une collaboration, unissant des médecins qui ont acquis une expérience importante en matière de maladies auto-immunes systémiques et dont les domaines de compétences apparaissent complémentaires allant de la clinique aux examens immunologiques.
« Détecter les maladies systémiques auto-immunes », Eric Hachulla et Pierre-Yves Hatron. Collection « Consulter/Prescrire », une coédition « Le Quotidien du Médecin » et « Masson ». 312 pages, 220 F. Cet ouvrage est disponible dans les librairies ou auprès des Editions Masson au 01.40.46.62.20.
L'art de rendre clair ce qui semble obscur
Oui, on peut facilement penser que les maladies auto-immunes, c'est très compliqué. Pourtant, si l'on consulte l'ouvrage des Lillois Eric Hachulla et Pierre-Yves Hatron, les choses deviennent limpides. D'abord, parce qu'on comprend facilement qu'il y a, d'un côté, les symptômes, de l'autre les maladies et, au milieu, un cheminement logique qui conduit du symptôme au diagnostic. Exemple de symptôme : le syndrome sec. Si l'on suspecte un syndrome sec, on se rend au chapitre 4. Là, on apprend, de façon claire mais bien étayée, comment le confirmer et comment s'orienter : des arbres d'orientation renvoient aux différents diagnostics à envisager. Par exemple, le syndrome de Gougerot-Sjögren. On tourne alors les pages jusqu'au chapitre 10 qui explique tout sur ce syndrome : les aspects cliniques, les examens complémentaires, les critères diagnostiques, le traitement. Et si l'on veut en savoir plus, on peut consulter les adresses e-mail proposées ou s'adresser à l'association française du Gougerot-Sjögren dont les coordonnées sont données. Et, enfin, consulter des encadrés « conseils ». On peut aussi faire marche arrière, envisager plutôt une sclérodermie plutôt qu'un syndrome de Gougerot-Sjögren et, donc, sauter au chapitre 11. Et, là encore, même facilité de compréhension, mêmes adresses, mêmes conseils.
On peut aussi avoir en charge un patient déjà traité pour sa maladie auto-immune : corticothérapie, immunoglobulines, cyclophosphamide, méthotrexate, azathioprine, ciclosporine...Comment le surveiller ? Un chapitre est consacré à chacun de ces traitements : présentation du produit, indications, contre-indications, précautions d'emploi, prévention des complications et de la toxicité.
En définitive, cet ouvrage aurait pu s'appeler autrement : pour les effrayés : « Comment se réconcilier avec les maladies auto-immunes » ; pour les curieux : « Comment naviguer dans les maladies auto-immunes » ; pour les futurs spécialistes : « Les maladies auto-immunes de A à Z ».
« Pédagogie médicale moderne » pour une « spécialité d'exercice »
L ES médecins - toujours plus nombreux - qui ont déjà participé aux Journées Jacques-Jaillard de Lille, ont pu apprécier le caractère vivant et pratique de cette manifestation annuelle de FMC organisée par le Pr Bernard Devulder* et son équipe. Il était naturel que l'ouvrage d'Eric Hachulla et de Pierre-Yves Hatron, qui s'inscrit parfaitement dans cet état d'esprit, soit préfacé par le Pr Devulder. Lequel a le sens de la formule, parlant de « pédagogie médicale moderne », qualifiant la médecine générale de « spécialité d'exercice », et soulignant la complémentarité entre « spécialistes de médecine générale » et « spécialistes de médecine interne ». Morceaux choisis dans la préface du Pr Devulder :
« L'ouvrage intègre exemplairement les théories de la pédagogie médicale moderne : pragmatisme, mise en situation de responsabilité, apprentissage par problèmes, interactivité des compétences au service d'une prise en charge globale de la maladie et de la personne malade. (...) Les généralistes y apprécieront une conception dynamique en engageante de la formation médicale continue, bousculant un grand nombre d'idées préconçues ou surannées et élargissant sensiblement le champ des connaissances concrètes sur des maladies qui, par leur fréquence, leur gravité réelle ou potentielle, les problèmes diagnostiques ou thérapeutiques qu'elles posent, ne sont plus aujourd'hui les maladies "vedettes" ou "d'exception" que décrivait Fred Siguier en 1957, mais exigent quotidiennement un dépistage précoce et un suivi rigoureux. »
« Au moment où la médecine générale s'affirme comme une spécialité d'exercice au même titre que les autres spécialités médicales, puisse ce livre, écrit par des internistes, contribuer à renforcer la nécessaire complémentarité de compétences entre spécialistes de médecine générale et spécialistes de médecine interne (..). »
*Pr Bernard Devulder, doyen honoraire de la faculté de médecine Henri-Warembourg, Lille, chef de service de médecine interne, CHRU de Lille.
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