On observe depuis quelques années une progression des maladies allergiques respiratoires, dont l'asthme fait partie. Cette évolution transparaît à travers des arguments cliniques (basés sur des questionnaires) et des tests cutanés montrant un pourcentage croissant de sujets atopiques dans la population générale.
Parallèlement à cette progression objective de la maladie, il semble qu'un certain nombre de pathologies autrefois non étiquetées comme asthme, le sont aujourd'hui. Tel est le cas des bronchites sibilantes ou des bronchiolites à répétition.
« Une grande enquête internationale récente (European Community Respiratory Health Survey) montre, dans les centres français, que 7 à 9 % des adultes jeunes ont fait une crise d'asthme dans leur vie, a précisé le Pr Denis Charpin. Les données chez l'enfant (enquête ISAAC - International Study of Asthma and Allergies in Childhood) font état d'une prévalence de 10 % à l'âge du primaire et de 15 % chez l'adolescent. Les taux plus élevés chez l'enfant que chez l'adulte traduisent probablement la progression récente de l'asthme. Les enfants sont sans doute soumis à des facteurs d'environnement que leurs aînés n'avaient pas connus. »
Le rôle protecteur des agents infectieux
La responsabilité de facteurs extérieurs est aujourd'hui appréhendée de façon différente d'hier, ce qui complique les conseils de prévention que l'on pourrait donner aux familles d'atopiques.
En effet, des travaux récents mettent en avant le rôle protecteur des contacts infectieux à répétition dans la petite enfance. « Il semble que le système immunitaire de l'enfant, occupé à lutter contre les infections, ne s'investisse pas dans la voie de l'allergie », a expliqué le Pr Charpin. A l'appui de cette théorie, on dispose d'arguments épidémiologiques et expérimentaux. Il a par exemple été montré que des rats mis en contact avec des agents infectieux produisent ensuite difficilement des IgE lorsqu'ils sont exposés à une stimulation antigénique. « Il est également possible que certains agents microbiens soient protecteurs et d'autres délétères », a précisé le Pr Charpin.
Le même type d'observation concerne les contacts avec les animaux de la ferme dans l'enfance. Il est possible que là encore, l'élément protecteur soit dû aux bactéries présentes dans les déjections animales qui auraient un rôle immunostimulant. A l'extrême, il a été montré qu'un contact quotidien dans les tout premiers mois de la vie avec un chat diminue chez l'enfant le risque de développer un asthme.
La complexité de la prévention
Ces notions sont d'autant plus difficiles à faire passer que les infections (virales notamment) et les contacts avec les animaux aggravent considérablement la maladie chez un sujet déjà asthmatique. Dans le même ordre d'idée, si le tabagisme actif ou passif et la pollution atmosphérique majorent très significativement un asthme existant, il n'est pas prouvé qu'ils provoquent la maladie de novo. « On comprend dès lors l'extrême difficulté de traduire ces données théoriques en conseils pratiques de prévention », a confirmé le Pr Charpin. « Il semble qu'un mode de vie "peu sophistiqué proche de la nature" soit protecteur vis-à-vis du développement des maladies allergiquess respiratoires », a prudemment ajouté le Pr Charpin qui s'est bien gardé de mettre en cause directement l'utilisation d'antibiotiques ou de vaccins.
« Il faut sans doute ne pas être trop protecteur chez l'enfant non asthmatique - en le laissant s'immuniser contre les virus courants et s'acclimater aux animaux domestiques - mais éviter tous contacts susceptibles d'aggraver la maladie chez l'asthmatique avéré - virus, tabac, polluant, allergènes respiratoires -. »
Chez le nourrisson né dans une famille atopique, il convient par ailleurs de favoriser l'allaitement maternel et de retarder l'introduction d'aliments réputés allergisants.
Les asthmes professionnels
Chez l'adulte, la situation peut être différente : un tiers des asthmes ne sont pas d'origine allergique ; et un pourcentage non négligeable des allergies respiratoires a une cause professionnelle. La manipulation de matières organiques est souvent responsable de la pathologie. Il faut savoir détecter des allergies respiratoires au stade de rhinite avant la survenue de l'asthme, car une fois installé, l'asthme persistera plus d'une fois sur deux même après l'éviction de l'allergène.
« Enfin, il n'est pas possible d'aborder la prévention de l'asthme, sans rappeler que le diagnostic de la maladie et son traitement à un stade précoce constituent la meilleure façon de préserver le capital respiratoire du patient et de prévenir les complications », a conclu le Pr Charpin.
D'après un entretien avec le Pr Denis Charpin (pneumo-allergologue hôpital Nord, Marseille)
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